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Le Mans 66 : "J’en ai marre de la merde au cinéma" James Mangold interview

Le 13/11/2019 à 08:56
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Le Mans 66 (Ford vs Ferrari en v.o) est un vrai plaisir de cinéma. Le film de James Mangold (Logan, Walk The Line, 3h10 pour Yuma) est aussi spectaculaire, que passionnant, touchant et fun grâce à ses deux acteurs principaux, Christian Bale et Matt Damon, qui se complètent à merveille. Le Mans 66 est le buddy movie de cette année 2019.

On a l’occasion d’en parler avec son réalisateur James Mangold, d’évoquer avec lui l’état actuel du cinéma hollywoodien, Christian Bale et Matt Damon se bagarrant (Bruce Wayne vs Jason Bourne !) mais aussi Copland et X-23.
 
Le Mans 66
 

"J’adore Rocky. Que Le Mans 66 lui soit comparé est un formidable compliment."

 
Votre film s’appelle Ford vs Ferrari en anglais alors qu’en France c’est le Mans 66. Que pensez-vous de cette traduction ?
James Mangold : Dans un sens, Le Mans 66 est un meilleur titre. Mais comme la grande majorité du public américain ne sait pas ce qu’est Le Mans, on a dû trouver une autre manière de communiquer. Il n'y a pas qu'en France qu'il ne s'appelle pas Ford vs Ferrari. Dans certains pays comme en Angleterre, on ne peut pas citer de marque dans les titres. Là-bas le film s'appelle aussi Le Mans 66.

Le Mans 66 c'est un peu Rocky dans le milieu de la course automobile ?
Oui, c'est vrai que l'on pourrait dire ça. J’adore Rocky. Du coup, pour moi c’est un formidable compliment. Donc merci. J’adore Rocky pas seulement parce que les scènes de boxe sont géniales mais aussi parce que les personnages sont forts. Je suis en manque de film d’action ou de sports avec des personnages marquants et forts. Cela a été l’un de mes buts avec le Mans 66.
 
Le Mans 66
 

"Je venais de faire Logan, un film très sombre, et j’avais envie d’un film sur l’amour et la passion."

 
Quels sont vos films de référence en matière de sports ?
Forcément Rocky. C’est le premier qui me vient à l’esprit… A vrai dire, c’est le seul qui me vienne à l’esprit tout de suite.

Pourquoi avoir choisi Le Mans 66 après Logan ? On a un temps cru que vous alliez adapter Corruption de Don Wislow.
Je travaille toujours sur Corruption. Mais j’ai en tête le Mans 66 depuis des années, bien avant que je n’envisage d’adapter le roman de Don Winslow. C’est un projet que j’essaie de monter depuis 2011. J’ai contacté Christian (Bale) et Matt (Damon). Ils étaient tous les deux intéressés et j’ai continué à travailler sur le scénario. Pourquoi maintenant ? J’ai pensé que c’était le bon moment de montrer une telle histoire. Je venais de faire Logan, un film très sombre, et j’avais envie d’un film sur l’amour et la passion. Nous vivons une période difficile et négative, notamment aux Etats-Unis avec notre gouvernement actuel, c’était plaisant de faire quelque chose qui nous rappelle des jours meilleurs.

Le Mans 66 n’est pas qu’un film de sports. C’est un vrai buddy movie.
Oui, c’est mon Butch Cassidy and The Sundance Kid. Le film est vendu comme un film de courses de voiture, il l’est, mais en tant que réalisateur mon intérêt était cette amitié entre ces deux personnages. Plus précisément, et je sais de quoi je parle en étant réalisateur, il évoque ces liens d’amitié que l’on tisse en faisant des choses ensemble. Il y a les amitiés que l’on se fait en allant dans les bars, en sortant, puis il y a ce lien prodond que l'on a avec les gens avec lesquels on créait quelque chose. Ce lien est plus fort. On peut rire, s’amuser avec ses amis mais là, on partage une expérience unique et souvent difficile. Dans ce sens, le monde de la course automobile se rapproche de celui du cinéma. Quand je tourne un film, je ressens une connexion intense avec les acteurs et l’équipe technique car on a traversé l’enfer ensemble.
 
 

"J'ai demandé à Christian Bale de perdre du poids juste parce qu’il en avait pris beaucoup."

 
Christian Bale et Matt Damon paraissent très naturels dans ce film. A quel point leurs personnages sont-ils proches de leur véritable personnalité ?
Pour moi, il y a beaucoup d’eux dans leurs personnages. Ils ne sont pas ces personnages mais ils leur ressemblent énormément. Matt n’est pas qu’un acteur c’est aussi un businessman, un réalisateur, un producteur, il a touché à tous les aspects de ce milieu. Jouer un manager dans le sport est très naturel pour lui. Christian est un idéaliste, un perfectionniste, il est passionné, investi. Il n’a pas dû piocher très loin pour interpréter Ken Miles. Puis Ken Miles est anglais. Christian interprète tout le temps des américains. Pour une fois, il a pu jouer un anglais avec son véritable accent.

Une fois de plus, Christian Bale s’est métamorphosé physiquement en perdant pas mal de poids. C’était votre idée ?
Disons plutôt que c’était pas mon idée qu’il prenne autant de kilos pour jouer Dick Cheney (rires) (James Mangold fait référence à la prise de poids excessive de Bale pour son rôle dans Vice qu’il tourna avant Le Mans 66 - ndr). Je lui ai demandé de perdre du poids juste parce qu’il en avait pris beaucoup. Il n’aurait pas eu à le faire autrement.
 
Le Mans 66
 

"Chez moi Bruce Wayne et Jason Bourne se battent comme des merdes."

 
Avez-vous un film culte que vous regardez chaque année ?
Il y a tant. Sweet Smell Of Success (Le Grand Chantage - 1957) avec Burt Lancaster et Tony Curtis, les Dents de la Mer (Steven Spielberg - 1975), Le Narcisse Noir de Michael Powell (1947), La double vie de véronique (Krzysztof Kieślowski - 1991), Les Herbes Flottantes par Ozou (1959), La Garçonnière de Billy Wilder (1960), La Prisonnière du Désert de John Ford (1956), je pourrais continuer pendant des heures. Mais pour Le Mans 66, je dirais les films de George Roy Hill ou Butch Cassidy and The Sundance Kid. Je voulais que le film soit fun, qu’il soit plein d’amour, de vie, que l’on ressente l’amitié. Sans spoiler la fin, elle est surprenante. Ce n’est pas la fin que l’on attend. Mais pour qu’elle fonctionne, il fallait que l’on se passionne pour ces personnage et qu’on les aime. Mon but n’était que de filmer de grandes scènes de course mais aussi de faire aimer ces deux personnages.

Il y a une scène de bagarre entre Christian Bale et Matt Damon. Impossible de ne pas se dire « C’est Bruce Wayne contre Jason Bourne ».
Mais on s’arrête rapidement d’y penser tellement ils ont l’air ridicules et pathétiques en se bagarrant (rires). Mais c’est la réalité d'une bagarre. C’est à ça de ressemble les hommes en se battant et non pas à Jason Bourne ou Bruce Wayne. C’était notre but. Le cinéma truque tellement de choses que l’on y voit souvent non pas la vie réelle mais une vision fantasmée. Quand les hommes se battent, la plupart du temps, ils ont l’air de gamins de 12 ans. Alors oui chez moi Bruce Wayne et Jason Bourne se battent comme des merdes (rires).
 
Le Mans 66

Quels sont les réalisateurs qui vous donnent jaloux aujourd’hui ?
Quand je vois un film génial, j’ai deux réactions. D’abord je suis émerveillé puis je me dis « Mince ! » (rires). Mais ce n’est pas sain de nourrir son côté narcissique de la sorte. A l’arrivée, je suis enchanté de découvrir de grands films. Ce qui m’énerve par contre c’est de voir des gens si talentueux faire de la merde. Il y a en beaucoup. Et je suis triste de voir que les gens achètent de la merde. Il y en a trop. Ce modèle économique de vendre de la merde ne fonctionne et ne perdure que si vous achetez cette merde. Du coup, quand quelqu’un signe un film génial, je ne suis plus jaloux ou envieux comme je pouvais l’être par le passé. Je suis à un point de ma carrière où j’ai désormais la possibilité de faire des bons films et de monter les projets que j’aime. Cela ne tient ensuite qu’à moi d’en faire de bons films. Mais quand j’étais plus jeune, je n’avais pas ses accès et j’étais envieux. Là, je n’ai plus le droit.
 
Qu'en est-il de votre envie de film sur X-23 avec Dafne Keen ?
J'en ai toujours envie. Est-ce qu'il se fera ? J'en doute. Du moins dans un futur proche. Avec le rachat du catalogue Marvel de la Fox par Disney, c'est un peu le flou.
 
LOGAN
 
Sylvester Stallone évoque régulièrement Copland comme l'un des films les plus importants de sa carrière. Que gardez-vous de cette réalisation ?
C'est un film qui reste important pour moi même s'il n'a pas fonctionné. Mais il m'a servi de tremplin pour ma carrière actuelle. C'est une histoire qui m'est chère car elle mélange différents élèments que j'adore et elle se déroule dans un endroit que je connais bien. J'ai grandi à une heure de New York dans cette ville. Copland est ma retranscription de ma ville d'enfance. La plupart de mes copains y sont encore et sont devenus soit flic soit pompier. Puis il y a un côté western dans Copland que j'adore. Ce n'est pas un secret que j'adore les westerns (rires). Quant à Stallone, il avait 20 ans de moins et n'a pas hésité à grossir et à casser son image de héros infaillible pour le rôle. Puis j'avais aussi Robert De Niro, Ray Liotta et Peter Berg. C'était quand même un excellent casting pour le jeune réalisateur que j'étais.
 
Le Mans 66





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