14 Kilomètres

Journaliste et documentariste, Gerardo Olivares signe avec 14 Kilomètres un road movie qui plante son décor dans l'Afrique d'aujourd'hui. A travers l'histoire de trois jeunes gens - deux Nigériens et une Malienne -, le cinéaste espagnol nous emmène sur la route longue et difficile parcourue en plein désert du Sahara par des Africains prêts à tout pour atteindre le continent européen, persuadés d'y trouver un avenir meilleur. Sur le chemin, certains perdront la vie, tandis que d'autres, plus chanceux, atteindront la côte et tenteront de passer illégalement la frontière. 14 kilomètres brasse une large portion géographique de l'Afrique et s'attarde sur les épreuves successives endurées par ces voyageurs au cours de leur périple à pied. Dès les premières images, il est difficile de ne pas être frappé par les qualités formelles indéniables du métrage. Gerardo Olivares révèle très vite un sens aiguisé du cadrage et délivre tout au long du film quelques plans superbes, soutenus par une esthétique sobre et une ambiance sonore travaillée. Le temps fort du film est à ce titre atteint lorsque les trois jeunes gens tombent dans le piège des conditions climatiques extrêmes du désert du Sahara, dominés qu'ils sont par la Nature et ne pouvant compter que sur les rencontres providentielles pour survivre.

Grâce à une écriture limpide et à l'interprétation convaincue des acteurs, les personnages principaux suscitent une empathie immédiate, de par leur acharnement à vivre et leur détermination à atteindre leur rêve. Cependant, la démarche d'Olivares de faire tomber les barrières culturelles entre ses héros et le public occidental - auquel se destine avant tout le film - a tout à la fois quelque chose de bénéfique et de dommageable. Bénéfique parce qu'elle permet à n'importe quel spectateur, quelque soit ses origines, de s'identifier très aisément aux sentiments des personnages, ce qui confère au film une réelle universalité. Dommageable car elle risque d'irriter les vrais amoureux de l'Afrique qui y verront une représentation simplifiée voire erronée du continent, ce dernier apparaissant sous le jour tragico-humaniste conforme à la vision du spectateur avide de visions carte postale. D'autant que le film n'émet aucun regard critique sur le rêve des personnages de rejoindre la "terre promise", cédant ainsi quelque peu à un ethnocentrisme un peu embarrassant. Toutefois, nous n'oublierons pas que 14 Kilomètres a avant tout pour prétention de parler d'un phénomène particulier, à savoir le périple accompli avant le passage de la frontière à proprement parler. Le propos a ainsi pour mérite d'envisager sous un angle humain la question de la gestion des frontières entre les pays. Pour cette raison, on peut au moins saluer l'engagement courageux de Gerardo Olivares.