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Alice au Pays des merveilles

Le 16/03/2010 à 15:00
Par
Notre avis
6 10

On s'attendait forcément à une œuvre particulière, mais Tim Burton livre avec son Alice au pays des merveilles quelque chose d'assez déconcertant : un film lisse dans sa narration, guidé sur des rails, creux même, mais esthétiquement fou, comportant énormément d'images splendides et quelques unes d'une laideur sans nom, des personnages passionnants et bien interprétés (Johnny Depp, étonnament sobre, Helena Bonham Carter, parfaite) et d'autres trop mis en arrière plan (Crispin Glover). Il y a donc beaucoup à boire et à manger dans ce spectacle, qui sans son esthétisme serait bien trop sage mais qui sait rester passionnant par son étalage graphique d'une richesse assez rare. Tim Burton a de l'ambition visuelle mais ne sait pas faire décoller les thèmes propres à Lewis Carroll. C'est là tout le paradoxe : Alice est une oeuvre visuelle passionnante mais trop creuse. Pour l'apprécier, il faut le voir comme une galerie d'art design en mouvement, un peu vide, mais voulue comme telle par son réalisateur. Est-ce suffisant ? Pour s'émerveiller oui, mais pour en faire un classique définitif, non.


Critique du film Alice au Pays des merveilles

CRITIQUE ALICE AU PAYS DES MERVEILLES

 

Enfant prodige des années 80-90, remarqué par sa déclinaison filmique des œuvres d'Edward Gorey, Tim Burton est désormais devenu un nom bankable pour les studios, le transformant en objet ressemblant parfois de près ou de loin à ce qu'il était en cette période bénie. Après avoir fait l'unanimité jusqu'à Sleepy Hollow, le cinéaste est donc passé par un peu tout et surtout n'importe quoi, divisant systématiquement à chacune de ses démonstrations. Alice au Pays des merveilles sera de ceux-là. Véritable ovni, bien au delà de Charlie et la Chocolaterie, le résultat est un film foutraque, sans doute le plus passionnant esthétiquement depuis Sleepy Hollow. Mais extrèmement lisse.

 

Critique du film Alice au Pays des merveilles

 

Avec un projet monté sur pieds dans les grandes largeurs par le studio Disney avant l'arrivée de Tim et qui n'avait besoin que d'une touche fofolle supplémentaire, cet opus renvoie à ce qu'était déjà La Planète des singes : une commande droite dans ses pompes à l'encéphalogramme narratif plat. Un constat s'expliquant également par la timidité légendaire de Burton derrière une caméra (sa réalisation est toujours aussi simple) mais aussi par l'emploi omniprésent d'effets spéciaux et de retouches numériques sur absolument tous les personnages, tellement poussé que la production a sans aucun doute opté pour un enchaînement de tableaux. Tim a donc misé sur l'utilisation de l'outil informatique, couvrant chacun de ses acteurs de retouches numériques à tire larigot et nous livrant au final un défilé live de croquis. De là se dégage le plus grand paradoxe du film : Alice au pays des merveilles est un film esthétiquement complètement fou mais dans lequel rien ne déborde et sans aucune porosité ou rugosité. Alice se contente donc d'être une mise en scène visuelle de l'oeuvre de Lewis Caroll, ne rencontrant ses limites que lors des scènes d'action finales, dynamiquement peu inspirées (si Burton savait réaliser des scènes d'action, ça se saurait) mais loin du Narnia auquel les rumeurs de couloir le rapprochait, la riche direction artistique ici présente dépassant de loin celle très basique des chroniques du lion et de l'armoire magique.

 

Critique du film Alice au Pays des merveilles


La situation se montre encore plus tordue lorsque l'on fouille au delà. D'une part parce qu'il s'agit plus d'une adaptation de De l'autre côté du miroir que celle d'Alice au Pays des merveilles si l'on veut rester dans le registre littéraire et qu'en voulant mettre cette histoire en boite "à la Hook", on perd en cours de route tous les degrés de lectures parfois tendancieux et psychotiques évoqués dans les romans de Caroll. Il ne fallait pas en attendre moins d'une production Disney et d'ailleurs le célèbre dessin animé sert ouvertement de source d'inspiration à de nombreux ingrédients ici. Ainsi, Helena Bonham Carter interprète la Reine Rouge en la jouant comme La Reine de cœur en vociférant des "Coupez-lui la tête !" bien familiers. Un emprunt réussi, puisque Carter ne s'était à ce jour jamais montrée aussi mauvaise que chez son mari Tim Burton (remember Sweeney Todd !) et nous livre ici une interprétation parfaite.


Nous voilà donc face à un cartoon live, à l'univers esthétique d'une richesse incroyable et qui semble avoir été un sacré casse-tête technique à monter. Sur ce plan, nous surfons entre l'étonnant (l'univers), le charmant (le bestiaire dont surtout le chat !), le rigolo (quelques détails) et le ratage, consistant pour ce dernier en le monde réel (à peine digne d'un téléfilm et heureusement présent quelques minutes au début du film et à la fin) et le monde de glace, où Anne Hathaway passe ses scènes les bras pliés, comme si elle avait les coudes sous plâtre.

 

Critique du film Critique du film Alice au Pays des merveilles

 

Donc oui, Alice au Pays des merveilles n'est pas un film parfait, plus téléguidé sur les rails du blockbuster familial, mais passionnant. Excepté une allégorie balancée entre deux portes sur l'émancipation des jeunes femmes à l'époque victorienne, via la chenille qui devient papillon, capable de changer le monde en prenant des grandes décisions, le film ne parle de rien en son fond, ce qui rend la comparaison douloureuse avec des films comme Coraline et Le Labyrinthe de Pan. Intéressé uniquement par le monde qu'il filme, Burton oublie toute notion de rythme ou de mise en scène pour ne livrer qu'un simple univers esthétique dans lequel on trouve à boire et à manger. A trop vouloir faire du luxe, calme et volupté, il livre du pimpant.






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