Arrietty, le Petit Monde des Chapardeurs
Le 18/11/2010 à 19:00Par Elodie Leroy
Gros succès au box-office japonais, Arrietty, le Petit Monde des Chapardeurs respecte le format et les codes visuels qui ont fait la notoriété du studio Ghibili. La limpidité du récit et les qualités graphiques sont au rendez-vous et font de cet Arrietty une expérience plaisante, souvent charmante, mais il ne faudra guère attendre davantage qu'un conte basique pour enfants jouant sur des valeurs mille fois vues et revues. À force d'imposer ses stéréotypes à ses nouveaux talents, quitte à servir du réchauffé, le studio Ghibli est peut-être en train de montrer ses limites. Un film réservé au jeune public.
Découvrez ci-dessous la critique du film d'animation Arrietty, le Petit Monde des Chapardeurs
Critique Arrietty, le Petit Monde des Chapardeurs
La sortie d'un long métrage issu du studio Ghibli est toujours un événement en soi. Gros succès au Japon, où il a tenu l'affiche pendant des mois et engrangé plus de 110 millions de dollars de recettes, Arrietty, le Petit Monde des Chapardeurs a atteint le record au box-office pour un film Ghibli non réalisé par Hayao Miyazaki qui agit ici en tant que scénariste et producteur. Le réalisateur, Hiromasa Yonebamashi, fait ses premiers pas en tant que réalisateur après avoir notamment occupé le poste d'animateur clé sur Ponyo sur la Falaise et réalisé pour le musée Ghibli le court métrage Mei to konekobasu (où l'héroïne de Totoro venait en aide à un tout jeune chat bus). Comme toutes les productions du studio, Arrietty, le Petit Monde des Chapardeurs (en japonais, Karigurashi no Arrietti) est habité par l'esprit Miyazaki. Ce qui constitue à la fois sa force et sa faiblesse puisque, si ce nouveau conte fantastique possède d'indéniables qualités graphiques et narratives, il ne renouvelle en rien le genre, voire souffre de clichés trop évidents pour séduire pleinement le public adulte.
Arrietty, le Petit Monde des Chapardeurs, c'est donc l'histoire d'une jeune fille, Arrietty, qui appartient au monde des "petites personnes", versions miniatures des êtres humains, qui vivent en empruntant des objets appartenant à notre monde. Le film s'ouvre sur une première séquence centrée sur Sho, un jeune garçon humain atteint de faiblesse cardiaque et qui emménage dans la maison de sa tante pour être au calme en attendant son opération. Il découvre rapidement la présence des chapardeurs, dont sa mère lui avait touché un mot quand il était enfant. Le film adopte ensuite le point de vue d'Arrietty, alors sur le point d'atteindre ses quatorze ans, et qui s'apprête à suivre pour la première fois son père dans un périple initiatique à travers la maison, dont le but est de dérober un morceau de sucre. Véritable prouesse graphique, cette sublime séquence joue habilement sur les échelles pour faire d'une simple maison un décor à la fois merveilleux et source de danger, dont les irrégularités sont autant d'obstacles à franchir pour nos héros miniatures. Ces derniers ont heureusement plus d'un tour dans leur sac pour escalader les meubles et les murs de cette vieille demeure campagnarde.
Passé cette sublime séquence, le reste du film, bien que rehaussé par la partition de l'artiste bretonne Cécile Corbel, se cantonne au B-A-BA du conte initiatique. Nous l'avons deviné, une amitié va se nouer entre Sho et Arrietty malgré l'interdiction émise par les parents de cette dernière d'être vue par les humains. De par son audace à transgresser les interdits - une étape qui fait pleinement partie de son apprentissage -, Arrietty s'impose immédiatement comme le personnage le plus attachant de l'histoire, à l'instar du jeune Sho qui va retrouver le goût et l'énergie de vivre à son contact. C'est justement la relation attendrissante entre ces deux personnages qui sauve de justesse le film de l'ennui suscité par ses personnages secondaires. Voire l'irritation en ce qui concerne les parents d'Arrietty, dont la présence rassurante s'oppose à l'absence de la mère de Sho, partie en voyage d'affaires peu de temps avant l'opération de son enfant. Il est vrai que le public français risque de ressentir un certain décalage culturel devant la représentation de cet idéal familial désincarné : nous l'avons compris, au contraire de la mère de Sho, femme d'affaires et mère célibataire, donc forcément mère indigne, celle d'Arrietty a le bon goût de rester confinée dans sa maison avec un tablier, fantasmant sur une cuisine de rêve avec un joli service à thé tandis que son mari taciturne part quotidiennement explorer le monde. La mère un peu gourde d'Arrietty est heureusement amenée à gagner en capital sympathie vers la fin du film, lorsqu'elle vit enfin des aventures - il s'en est fallu de peu pour que nous accusions une production Ghibli de promouvoir des valeurs réactionnaires.
Si l'apprentissage d'Arrietty renvoie à quelques classiques Ghibli comme Kiki la petite Sorcière, le parcours de Sho, qui développe son imaginaire pour conjurer la solitude, évoquera celui de l'héroïne dans Mon Voisin Totoro, la magie de l'émerveillement en moins. À force d'imposer son canevas et ses thématiques, le studio Ghibli, qui comme on le sait n'a qu'un seul maître, est peut-être en train d'atteindre ses limites, obligeant ses nouveaux talents à respecter un format ponctué par des figures imposées que l'on connaît par cœur. Il semble qu'Arrietty ait été conçu uniquement à destination d'un public enfantin, pour lequel l'effet de répétition ne constitue nullement une barrière mais plutôt la source d'un sentiment de sécurité. Les adultes, eux, risquent de se lasser de ces clichés d'un autre temps et des messages écologiques assénés sans subtilité aucune. Ne boudons tout de même complètement pas notre plaisir : à défaut d'être marquant, Arrietty demeure une jolie fable pour enfants dotée de qualités formelles indéniable. Mais il ne faudra pas en attendre davantage.