Bee Movie : Drôle d'abeille
Le 08/11/2007 à 09:55Par Arnaud Mangin
Non, non et encore non, Dreamworks animation n'arrive toujours pas à faire la part des choses entre l'humour suranné supposément adressé aux adultes et sa morale infantilisante qui n'arriveront à se fondre avec illusion dans la cartoon attitude que le temps de son unique visionnage. Un déséquilibre général auquel on est désormais habitué de la part du studio, handicapé par l'absence de vraies ambitions cinématographiques et qui pénalisent la première vraie expérience de Jerry Seinfeld sur grand écran. Piégé dans le cadeau empoisonné et coûteux qu'est le cinéma d'animation, ce talentueux bonhomme aurait vraiment mérité qu'une mouche le pique un peu plus profondément.
Alors que pour une fois, rien ne prête concrètement à comparaison avec la concurrence directe, Bee Movie pose à nouveau les limites qui laissent Dreamworks en retrait. C'est indéniable : le studio se répète, use des mêmes recettes en se contentant de changer la couleur (tout était vert chez Shrek, c'est le jaune qui prédomine ici), recycle quelques voice over de ses précédentes productions et livre un produit qui semble s'adresser à un public novice afin que ce dernier se dise que "C'est bien foutu" comme unique compensation. Chose fausse au demeurant, puisque techniquement, on est vraiment loin des dernières évolutions techniques.
Plus inquiétant encore, le cynisme de son discours frôle l'auto-analyse. Il est grandement question de surproductivité pour livrer un produit fini le plus rapidement possible sans jamais, jamais se reposer. Un peu comme les animateurs du studio en somme, pendant que chez Pixar tout le monde fait le con en déambulant dans les couloirs à trottinette avec les excellents résultats que l'on connaît. Il est peut-être là le secret de la réussite...
En tout cas, de réussite, il n'en sera pas question ici puisque sans être un mauvais film, Bee Movie respecte son implacable ligne éditoriale pour demeurer affreusement quelconque. Et lorsqu'il s'agit de se tirer une balle dans le pied artistiquement parlant, les créateurs ont le nez creux. Une jolie abeille guillerette, qui s'attirera les faveurs du très jeune public à peine l'affiche placardée, fera l'essentiel du travail. Ensuite, advienne que pourra. C'est d'ailleurs pourtant Jerry Seinfeld en personne qui a participé à l'écriture du projet, en étant également acteur principal donc, mais aussi co-producteur... Le bougre ne perd pas les bonnes vieilles habitudes.
Seinfeld serait donc à l'origine du film suite à un jeu de mot avec Spielberg si l'on en croit le dossier de presse. Et si un simple petit clin d'œil de sa série à succès (une "mère juive" campée par Kathy Bates voulant que le petit n'épouse qu'une pure miel à 100%) sortira du lot, l'humour dopé au microscope auquel il nous a habitué tout au long de sa carrière ne fait pas partie du programme. Il s'agira juste de l'histoire d'une petite bébête travailleuse qui découvre l'odieuse créature qu'est l'être humain, commercialisant le miel sans jamais avoir demandé l'autorisation aux abeilles.
On écope donc d'une gelée pas particulièrement royale made in Shrek : des gags gros comme une maison en lieu et place d'un comique de situation, des vannes limitées dans le temps ou construites autour d'un morceau musical, des bestioles qui ont la trogne de leur interprètes, des guests sous-exploités et un discours moral qui ne fait plus effet, bien que boursouflé de bonnes intentions : les humains sont méchants, les animaux sont gentils, l'union fait la force, on a toujours besoin d'un plus petit que soi, la nature reprendra le dessus, l'incroyable chaîne de la vie nous surprendra toujours ainsi qu'une tentative d'exploiter le célèbre butterfly effect écologique dans le dernier tiers. Manque de bol, ce n'est pas un film de papillons...
On aurait presque préféré. On aurait aussi largement préféré que tout ce joli monde contourne les facilités anachroniques comme la ruche en usine motorisée, ses butineuses armées de canons à pollen, ou même des mini-voitures circulant directement à l'intérieur. Un comble 10 ans après 1001 pattes qui était parvenu à raconter le fonctionnement industriel d'une fourmilière sans jamais basculer dans la science-fiction. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la meilleure scène du film reste encore la plus "réaliste" et durant laquelle quelques insectes font connaissance à moitié écrasés contre le pare-brise d'un véhicule lancé à vive allure...