On devine aisément pourquoi le discret mais talentueux Peter Berg a hérité du projet Hancock. Parce que ce réalisateur est tout d'abord un franc déconneur qui reconnaît toutes les capacités du cinéma de divertissement pour étirer en longueur les travers de l'anti-héros (cf son petit chef d'œuvre, Very Bad Things) mais aussi, et il l'a prouvé récemment avec Le Royaume, un metteur en scène particulièrement doué et explosif lorsqu'il s'agit de remuer les sens du spectateur accro au cinéma d'action. C'est le chouchou du moment, le chouchou de Michael Mann surtout, et donc le "faiseur" rêvé en gardant en tête qu'il s'est tout de même trouvé un style bien à lui depuis Friday Night Lights (inédit en France). Hancock a donc tout du pitch populaire et passe-partout, basé sur une pichenette aux films de super héros, genre "réinventé" pour l'occasion (même si dans l'absolu ça tombe mal parce que Marvel transforme l'essai plutôt honnêtement en ce moment avec Iron Man et L'Incroyable Hulk). Sans compter que l'histoire d'un gaffeur qui casse tout sans le faire exprès, c'est toujours rigolo, surtout à grosse échelle. Un projet à priori casse-gueule, puisque dans le registre de la parodie de super-héros on a déjà donné et rarement avec finesse (Super Heros Movie est là pour le prouver).

 

Mais c'était sans compter la réelle identité de Hancock, qui s'avère finalement un film sur les remises en question, jouant avec les clichés de comic book et remettant en avant leurs plus anciennes sources jusqu'à un degré de tragédie rare pour le genre ! Un film de super héros produit par Michael Mann : effectivement, on a eu tort de croire à une grosse comédie.

 

 

Maquillé donc par des gags un peu crasseux autour de sauvetages tournant à la catastrophe, et conforté par un surplus d'effets spéciaux parfois superbement maîtrisés et parfois beaucoup moins, on a plus à faire à un "Blues du Superman" qu'à un George de La Jungle citadain. En gros, le postulat du super héros gaffeur n'est qu'un gros prétexte, loin de se poser en tant que point névralgique de l'entreprise. Tant mieux. Enfin, pas vraiment "tant mieux" puisque cet axe du film fait l'objet d'un long développement et que sur les 1h30 de montage, beaucoup d'idées, de rebondissements, d'intrigues et sous-intrigues à tiroirs seront balancées en plus pour étoffer le personnage. Malheureusement celles-ci seront ensuite éjectées avec la même virulence, au point que l'on commence à ne plus douter des problèmes de montage que le film a rencontrés. En effet, Hancock a beaucoup souffert dans sa phase de post-production, le studio Columbia exigeant à tout prix un film interdit seulement aux moins de 13 ans non accompagnés et Peter Berg étant obligé de couper dans tous les sens à plusieurs reprises pour arriver à ce résultat. Conséquence sur l'histoire : il se passe beaucoup de choses dans la vie d'Hancock mais rien ne respire, des personnages disparaissent ou apparaissent sans prévenir, laissant l'impression qu'un seul film, un simple film, ne suffit clairement pas pour tout raconter. Pas celui que l'on a vu en tout cas.

Mais attention, malgré ces défauts flagrants, le film n'est pas mauvais. On l'a déjà dit mais ça devient tout de même une denrée rare au cinéma de nos jours. Le résultat en tant que tel est même meilleur que certaines adaptations officielles de comic books et si le résultat pèche par une véritable déconstruction narrative, les idées sont là et la plupart sont vraiment très bonnes. Outre une réalisation vraiment jolie (mais en total décalage avec le montage), on appréciera donc que l'aventure "burlesque" d'Hancock trahisse quelques soubresauts de maturité pour assumer un véritable plongeon dans une tragédie d'une noirceur et d'une violence inattendue et aux enjeux incertains.

 

 

C'est ce qui fait qu'Hancock peut prétendre temporairement à autre chose qu'un simple produit de commande, à la volonté de ne pas totalement succomber aux sirènes des blockbusters droits dans leurs pompes et même vouvoyer un vrai regard d'auteur l'espace de quelques scènes dont le dernier quart d'heure. De bien bonnes choses qui souffrent malheureusement des coupes à la scie sauteuse, flagrantes comme le nez au milieu de la figure et qui ne nous donnent qu'une envie : redécouvrir le vrai film de Peter Berg en vidéo, dans une director's cut, qui, à n'en pas douter, durera bien entre 15 et 30 minutes de plus. Rendez-vous dans quelques mois en DVD et Blu-Ray !