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Johnny Mad Dog

Le 19/11/2008 à 08:47
Par
Notre avis
7 10

Tourné avec de jeunes acteurs pour la plupart anciens combattants, Johnny Mad Dog aborde de front la question dérangeante de la violence juvénile dans l'enfer des guerres civiles africaines. A mille lieues des clichés médiatiques sur le sujet, le film de Jean-Stéphane Sauvaire dresse un tableau réaliste du quotidien des enfants-soldats, dont le point de vue est traité avec humanisme, entre cruauté absurde et manque affectif, sans jamais verser dans le pathos. Malgré la présence de quelques effets lyriques inopportuns, la mise en scène reste proche du style documentaire et ne cède jamais à la spectacularisation de la violence ou à la surenchère. Et si l'expérience perturbe autant, c'est parce que Johnny Mad Dog respire l'authenticité - jusqu'à son dénouement, inattendu.

 


Critique Johnny Mad Dog

Critique Critique Johnny Mad Dog

 

Quatre ans après Carlitos Medellin, documentaire qui s'intéressait aux enfants des rues confrontés à la guérilla en Colombie, Jean-Stéphane Sauvaire poursuit son exploration de la violence enfantine. Si les noms de Matthieu Kassovitz et Benoît Jaubert à la production ont clairement participé à attirer l'attention sur cette fiction à caractère documentaire, on ne s'en plaindra pas : Johnny Mad Dog ausculte l'horreur des guerres civiles africaines comme nul autre film ne l'a jamais fait auparavan au cinéma. Une question abordée sous l'angle le plus dérangeant qui soit puisque le film effectue une plongée brutale dans le quotidien d'une bande enfants-soldats et d'une jeune fille qui tente de survivre dans la tourmente.

 

Critique Critique Johnny Mad Dog

 

L'histoire plante son décor en Afrique de nos jours mais pourrait tout aussi bien se dérouler dans n'importe quel autre pays ravagé par une guerre civile sans fin. Tourné en Libéria avec des acteurs pour la plupart non professionnels - en l'occurrence d'anciens combattants -, Johnny Mad Dog joue la carte du réalisme choc, quitte à se révéler quasi insupportable dans ses premières séquences. Difficile de ne pas avoir le coeur serré par l'effroi et la tristesse, non seulement devant le sort des victimes mais aussi face à la brutalité inouie de ces enfants qui enchaînent les maltraitances et humiliations à l'encontre de leurs semblables et des adultes, n'hésitant pas à exécuter sommairement quiconque les contrarie. Au sein de ce gang de gosses armés jusqu'aux dents évolue Johnny Mad Dog (Christopher Minie), un adolescent de 15 ans au regard implacable. A ce stade du film, ces jeunes livrés à eux-mêmes et sans aucun repère moral montrent un visage complètement deshumanisé, une première impression qui va cependant très vite s'enrichir de nuances.


Critique Critique Johnny Mad Dog
A l'inverse d'un Blood Diamond, autre film coup de poing dépeignant la violence des guerres civiles africaines avec une volonté de réalisme, Johnny Mad Dog ne tente pas de cerner les enjeux globaux. Et pour cause puisque le point de vue adopté n'est pas celui d'étrangers mais bel et bien celui des enfants, qu'il s'agisse du personnage titre ou de la jeune Laokolé (Daisy Victoria Vandy), adolescente de 16 ans qui tente désespérément de sauver son père handicapé et son petit frère de 8 ans. Jean-Stéphane Sauvaire ne se fait pas donneur de leçons sur le plan politique mais n'en replace pas moins cette violence juvénile dans son contexte, à savoir le climat de barbarie et d'instabilité ambiante. Au passage, le film détruit un à un les clichés médiatiques sur le sujet, des clichés naviguant entre misérabilisme et fatalisme puisqu'ils présentent ces jeunes tour à tour comme des victimes irrécupérables ou comme des monstres. Démontrant une réelle connaissance de son sujet, Sauvaire explore les mécanismes psychologiques, la manipulation opérée par les adultes ou encopre les effets de groupe qui peuvent conduire à des comportements qui nous paraissent - à nous, spectateurs confortablement installés dans notre fauteuil - complètement inconcevables venant d'enfants, mais nettement plus explicables dès lors que l'on se donne la peine de s'y intéresser. Et dans cette sauvagerie ambiante qui entoure les enfants soldats, et qu'ils participent eux-mêmes à propager, émerge parfois un geste d'humanité, un besoin d'affection. Une lueur d'espoir personnifiée par le parcours de la jeune Laokole qui déploie la même énergie à préserver que ses jeunes compatriotes soldats dépensent à détruire.

 

Critique Critique Johnny Mad Dog

 

Pour servir son propos, Jean-Stéphane Sauvaire adopte un style de mise en scène proche de celui d'un documentaire et plonge sa caméra en plein coeur de l'action, pour offrir une représentation sèche et anti-spectaculaire de la violence. Ce qui n'empêche pas le cinéaste de mettre son sens du cadrage au service de ses acteurs, de capter le regard et de percer à jour la vie affective de ses personnages. Qu'il s'agisse de Johnny Mad Dog, de No Good Advice ou de Laokole, la caractérisation de ces derniers reste toujours profondément ancrée dans la réalité, là où une production hollywoodienne aurait probablement opté pour une écriture nettement plus romancée. Seul bémol, l'emploi de quelques effets de mise en scène lyriques plus ou moins pertinents, qui rompent avec la tonalité réaliste du métrage et en atténuent le caractère viscéral sur la durée. Une maladresse qui n'entame cependant en rien la crédibilité de ce film porté par une démarche qui inspire indéniablement le respect.






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