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La Forêt de Mogari

Le 05/11/2007 à 11:38
Par
Notre avis
8 10

Film sur le deuil, Noami Kawase réussit avec La Forêt de Mogari le tour de force de nous conter une histoire loin d'être une oeuvre désespérament larmoyante, mais une ôde à la vie, d'une poésie et d'un optimisme rares par les temps qui courent. D'une rare beauté plastique, La Forêt de Mogari est une oeuvre universelle portée par deux acteurs habités. Subtile et sublime, Naomi Kawase signe une oeuvre touchante et précieuse. La cinéaste mérite amplement le Grand Prix de Cannes 2007.


Critique La Forêt de Mogari

Critique La Forêt de Mogari

 

 

Mogari désigne la période consacrée au deuil ou encore le lieu du deuil.

 

L'étymologie de ce mot serait Mo Agari, la fin du deuil.

 

Le précédent film de Naomi Kawase, Shara, se terminait par une naissance. Première séquence de La Forêt de Mogari : une marche funèbre accompagnant un cercueil en haut d'une colline en pleine forêt. La cinéaste installe son histoire dans un hospice pour personnes âgées, installé en pleine campagne japonaise pour accompagner les locataires à mourir paisiblement. Vivre mieux pour mieux mourir. S'y rencontrent Machiko, nouvelle infirmière qui vient de perdre par sa faute son unique enfant, et Shigeki, un des locataires qui n'a toujours pas accepté le décès de sa femme il y a 33 ans. La perte respective de l'être qui leur était cher, tel sera le lien qui liera ces deux personnages. La rencontre faite, la psychologie des personnages dessinée, Kawase lâche ses personnages au coeur de l'inconnu, au sein d'une forêt qui les fera se retrouver, les lavera de tous ces souvenirs les empêchant d'aller de l'avant.

 

Critique La Forêt de Mogari

 

De par son passif de documentariste, Kawase ne cherche pas à imposer sa propre logique narrative à ses personnages, mais les laisse se dévoiler par eux-mêmes. La caméra aérienne les scrute, les observe, les accompagne sans que jamais les deux personnages ne se sentent mis à nus. La force de Kawase est de laisser ses personnages vivre par eux-mêmes. Leurs fantasmes, leurs rêveries et leurs songes prennent vie sans que la cinéaste ne les souligne et ne les re-stabilote comme l'aurait fait n'importe quel metteur en scène. Elle ne remet pas en cause la santé mentale du vieux Shigeki quand il joue du piano ou lorsqu'il danse avec sa femme. Il est avec elle, point. D'ailleurs, dans la scène de danse, lorsque Machiko se réveille, la caméra opère un panoramique du vieil homme vers elle, et jamais Kawase ne reviendra sur lui, jamais on ne verra ce que voit précisèment Machiko. L'intérêt se ne porte que sur ce que ressentent les personnages, pas si ce qu'ils voient est vrai ou non. De même, la scène du clé du film qui se déroule au bord d'une petite chute d'eau est à cet égard d'une incroyable simplicité. Un souvenir douloureux de Machiko s'insère de façon très simple au milieu d'une action. La cinéaste ne nous montrera jamais par la suite que ce plan n'était qu'une simple réminiscence de l'esprit confus de Machiko. Ce plan existe parce que les personnages l'ont vu, l'ont ressenti. Il ne nous viendra ainsi jamais à l'esprit de remettre en cause ce que ses personnages vivent et voient.

 

Critique La Forêt de Mogari
On ne soulignera jamais assez l'incroyable travail sonore élaboré par Kawase et son ingénieur du son David Vranken. Ayant reconstruit en post-production quasiment tous l'environnement sonore du film (dialogue et ambiance), ils ont fait de la forêt un lieu hors de temps et de l'espace, une sorte de purgatoire pour ces deux êtres. Les gouttes de pluie tombant sur les feuilles d'arbres, le vent, les sons produits par la faune (en particulier par les insectes), tout est mis en oeuvre pour plonger les deux personnages dans un ailleurs. Livrés à eux mêmes dans une forêt au rôle exutoire, Machiko et Shigeki peuvent ainsi faire un retour sur eux-mêmes, faire le deuil de leurs proches et de ce passé atrophiant. Le vieil homme que l'on retrouvera à la fin du film recroquevillé comme un foetus contre la tombe de sa femme pourra ainsi "renaître".

 

Critique La Forêt de Mogari

Naomi Kawase

 

Il est assez surprenant de voir que Naomi Kawase, récemment devenue mère, se soit penchée sur le thème de la mort et d'avoir suivit ce personnage de jeune mère ayant perdu son enfant... Peut-être tentait-elle d'exorciser ses démons à l'aide du cinéma comme elle l'avait déjà fait précédemment lors de la naissance de son enfant (Naissance et maternité - 2006), sur le lent et douloureux décès d'une de ses proches (Letter from a Yellow Cherry Blossom - 2003), ou sur la recherche de son père (Sky, Wind, Fire, Water, Earth - 2001). Le cinéma de Kawase est à l'image de cette forêt de Mogari : salvateur et nécessaire pour aller de l'avant.

 

Loin de tout drame familial franco-français qui ne s'intéresse qu'à l'individu et met de côté l'universalité de son propos, La forêt de Mogari est une oeuvre touchante d'une rare simplicité portée par une mise en scène habile et maîtrisée. Lentement mais sûrement, Naomi Kawase s'impose comme une cinéaste contemporaine majeure.

 








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