Le Petit Nicolas

En France, rares sont les films qui parviennent à exploiter pleinement le potentiel jubilatoire des histoires mettant enfants et ados au centre des débats. En effet, mises à part quelques exceptions sympathiques (Nos jours heureux, Un château en Espagne), soit ces derniers se trouvent tout juste bons à jouer les faire-valoir dans des comédies nombrilisantes et sans envergure (Demandez la permission aux enfants, Je déteste les enfants des autres, Une semaine sur deux, Les enfants ...), soit ils se retrouvent propulsés tête d'affiche dans des histoires fantaisistes (Big City, Les enfants de Timpelbach) qui sont loin de faire l'unanimité. Bref, en 2009, on attend toujours avec impatience le digne héritier des 400 coups, de Zéro de conduite, de La guerre des boutons voire au moins de Génial mes parents divorcent ou de L'école est finie. Et c'est alors qu'arrive Laurent Tirard (Molière, Mensonges et trahison) et son adaptation du roman pour enfant le plus connu de l'hexagone : Le petit Nicolas. La chance inespérée de ressusciter l'esprit d'Antoine Doinel et René Bigey ?

Tirard n'est pas passé loin de l'exploit. Exploit oui, car plus casse-gueule que le Petit Nicolas, c'est dur à trouver. Avec ses histoires connues de tous, son univers intemporel, ses personnages devenus stéréotypés avec le temps et sa narration très littéraire, on imaginait mal les livres de Sempé et Gosciny portés à l'écran de manière fidèle. L'espièglerie et la malice seront-elles au rendez-vous ? Les enfants nous rappelleront-ils les héros fantasmés de notre jeunesse ? L'humour sera-t-il passé à la moulinette du XXIe siècle pour plaire au jeune public fan de Titeuf et de Bob l'éponge ? Tant de questions qui nous ont laissé présager du pire. Dès les premières minutes et un générique d'ouverture très soigné, nos craintes s'envolent un peu. L'ambiance est gentillette, les enfants son mignons et on se laisse rapidement prendre par ce film à l'univers rappelant parfois celui d'Amélie Poulain. Plusieurs gags font mouche et on rit de bon cœur dès lors que ces bambins en short se retrouvent embarqués dans des aventures hautes en couleur qui nous rappellent nos propres bêtises d'enfants. Bref, au départ, tout va pour le mieux dans le petit monde de Nicolas.

Et là, patatra, ce que l'on pouvait craindre en voyant les affiches et les bandes-annonces du film finit par arriver : les parents débarquent. Qu'il y ait des adultes dans le Petit Nicolas est chose normale. L'institutrice, le surveillant, le directeur, les parents de Nicolas (Kad Merad et Valérie Lemercier) ... tous ses personnages font partie intégrante de l'univers des livres et se doivent de figurer sur grand écran. Mais pourquoi viennent-ils s'accaparer près de la moitié du métrage dans des saynètes de comédie de boulevard (le patron de Monsieur vient manger à la maison, Madame apprend à conduire...) desquelles sont totalement exclus les véritables héros du film que sont Nicolas et ses amis ? Le fait est que ces séquences "adultes" viennent littéralement plomber le film. Car voir des enfants faire des bourdes d'enfants, c'est peut-être facile, mais c'est mignon. Mais voir des adultes jouer les benêts dans des scènes grimaçantes et sur-jouées, que n'aurait pas reniées Olivier Lejeune, ca fait tache. Ca ennuie vite, même. Et ca vient surtout considérablement alourdir le scénario du film avec des histoires secondaires totalement artificielles. Voyons le bon côté des choses : en comparaison, les passages avec Nicolas, Alceste, Joaquin et toute la bande gagnent en saveur et prennent d'autant plus d'importance. Et au final, ce seront ces moments, certes inoffensifs et pas toujours inspirés, mais tous emprunts d'une vraie tendresse, que nous retiendrons. Et si le film de Tirard avait été pensé exclusivement dans ce sens, laissant de côté ces intermèdes adultes, pour sûr qu'il aurait été autrement plus emballant, voire carrément génial. En l'état, il est simplement sympathique, et c'est déjà pas mal.