Le Secret de Terabithia
Le 28/03/2007 à 20:29Par Elodie Leroy
On s'attendait à une énième grosse production formatée à effets spéciaux et aux relents grandguignolesques, et l'on se trompait. Autant l'avouer tout de suite : lors de sa sortie en mars dernier, Le Secret de Terabithia nous a véritablement pris par surprise, réveillant l'enfant et le rêveur qui sommeillait en nous. Réalisé par Gabor Csupo, ce long-métrage s'adresse sans ambiguïté aucune à un public familial, un ciblage qui n'est ici nullement synonyme de niaiserie. Fable moderne adaptée du roman éponyme de Katherine Paterson (en anglais Bridge to Terabithia), Le Secret de Terabithia raconte l'émouvante histoire d'amitié de deux jeunes adolescents. Le charme opère dès le générique du début, des images qui mêlent avec grâce les prises de vues réelles et l'animation de dessins crayonnés, préfigurant la part de rêve qui habite le film. L'histoire est celle de Jess (Josh Hutcherson), un garçon de treize ans issu d'une famille socialement défavorisée. Complexé et solitaire, il peine à trouver sa place à l'école comme au sein de sa famille et se réfugie dans son monde imaginaire. Jusqu'à ce que la nouvelle élève de la classe, Leslie (AnnaSophia Robb), entre dans sa vie et tente coûte que coûte de gagner son amitié. D'abord réticent, Jess finit par devenir son plus fidèle complice. Mais un jour, alors qu'ils explorent la forêt voisine de leur quartier, les deux enfants découvrent une corde pendue à un arbre, juste au-dessus de la rivière. Et s'il s'agissait du passage secret vers un monde fantastique ?
La présence de la Weta Digital et de l'équipe de production des Chroniques de Narnia au générique constituait certes l'un des arguments majeurs de la campagne promotionnelle. Il est vrai que l'œuvre tient largement ses promesses en matières d'effets visuels chiadés, ce qui se traduit notamment par la découverte par les enfants d'un bestiaire sympathique. Toutefois, Le Secret de Terabithia ne saurait se résumer à sa galerie d'effets spéciaux, ces derniers s'avérant au final bien moins abondants que prévu. S'il s'autorise une part évidente de fantaisie, toujours parfaitement dosée, le récit reste résolument centré sur son personnage principal et l'évolution de son rapport au monde qui l'entoure - le monde d'aujourd'hui et plus précisément l'univers cruel du collège. Le jeune âge des comédiens et les séquences parfois clipesques qui ponctuent le métrage confèrent au premier abord à celui-ci une tonalité légère, donnant parfois réellement l'impression d'assister à un teen-movie. C'est pour mieux glisser ensuite vers les enjeux dramatiques qui se dessinent progressivement et mine de rien, Le Secret de Terabithia aborde des thématiques plus profondes qu'il n'y paraît, telles que les conséquences d'une condition sociale difficile au sein d'une famille, le besoin de reconnaissance des enfants par leurs pairs ou encore le school bullying. A ce titre, le film transmet quelques messages bien sentis, et cela sans jamais tomber dans le piège de la dérive moralisatrice.
Mais la force majeure du Secret de Terabithia réside surtout dans son approche passionnée du pouvoir de l'imagination, un pouvoir tour à tour cathartique et réparateur. Les rapports constants entre le vécu dans la vie quotidienne et l'expérience dans le pays extraordinaire évoquent parfois Le Labyrinthe de Pan. Si le film de Csupo est loin d'avoir la noirceur extrême du chef d'œuvre de Gillermo Del Toro, il est rare de voir une production hollywoodienne estampillée "pour enfants" parler avec autant d'orignalité et de naturel de la mort, du deuil et de la reconstruction. A ce titre, Le Secret de Terabithia doit beaucoup à la prestation de son interprète principal, Josh Hutcherson - enfin à visage découvert après son rôle dans Le Pôle Express. Décidément prometteur, ce jeune comédien très cinégénique se révèle formidable dans ses échanges avec sa partenaire AnnaSophia Robb (Charlie et la Chocolaterie) mais aussi extrêmement touchant dans les séquences qu'il partage avec Robert Patrick (Terminator 2), interprète de son père. Jamais misérabiliste, toujours juste dans sa manière de dépeindre les sentiments de son personnage central, ce Secret de Terabithia convainc par sa fraîcheur et sa sincérité. Et il émeut jusqu'à son final, sublime.