Omar m'a tuer
Le 22/06/2011 à 09:00Par Yann Rutledge
Notre avis
Critique d'Omar m'a tuer
Pour son second long métrage après la comédie sentimentale Mauvaise foi, Roschdy Zem s'intéresse à l'affaire Omar Raddad, du nom du jardinier marocain inculpé en 1991 du meurtre de son employeur. Sur le lieu du crime, une inscription en lettre de sang : "Omar m’a tuer". Bien qu'il ait jusqu'au bout clamé son innocence, Omar Raddad sera, au terme d'un procès médiatisé, condamné en 1994 à 18 ans de réclusion criminelle. Et si, sous la pression du roi Hassan II du Maroc, Raddad sera gracié après sept années de prison par le Président Chirac, il reste à ce jour toujours coupable aux yeux de la justice.
Pour Roschdy Zem ainsi que la majorité de l'opinion publique, la vérité judiciaire n'a rien à voir avec la réalité des faits. L'innocence d'Omar Haddad ne fait aucun doute. Victime d'une enquête bâclée truffée d'erreurs de procédure, il était le suspect idéal d'un meurtre qu'il n'a pas commis. Et bien que son metteur en scène s'en défende, de la première à la dernière image, Omar m'a tuer ne dit rien d'autre. Il ne s'applique effectivement par le biais d'une contre-enquête menée par Pierre-Emmanuel Vaugrenard (Denis Podalydès), écrivain convaincu de l’innocence du jardinier, qu'à pointer du doigt les invraisemblances du dossier d'accusation et démonter un à un les preuves de sa culpabilité. Il eut fallu, s'il souhaitait respecter la neutralité qu'il affiche, que Zem retrace l'enquête conduite par la justice. Le film n'a de fait pas vocation à refaire le procès mais plutôt à retracer le drame d'une vie brisée par la machine judiciaire. Du tutoiement insupportable des policiers qui l'interrogent à sa culpabilité certaine avant tout jugement, du simple fait qu'il est maghrébin.
Omar m'a tuer repose pour une large part sur un va et vient entre Omar Raddad et Vaugrenard. Tandis que ce dernier relève les manquement de la justice, Raddad, enfermé dans une cellule d'une dizaine de mètres carré avec quatre co-détenus, perd espoir, entame une grève de la faim et tente de se suicider. Sami Bouajila, impeccable comme à son habitude, incarne avec dignité cet homme simple brisé par une machine judiciaire jamais prompt à reconnaître ses erreurs. Raddad n'a pas les armes pour se défendre, il s'exprime avec difficulté en français, cherche ses mots, bute. Tout l'inverse de son avocat, le controversé Jacques Vergès (Maurice Bénichou), Vaugrenard ou encore le juge qui prononcera la déclaration de culpabilité. Omar Raddad apparaît alors davantage comme la victime de préjugés sociaux et raciaux qui ont la vie dure dans le Pays des Droits de l'Homme que comme la malheureuse victime d'un coup monté. Seulement, Roschdy Zem a une telle confiance en son sujet et ses comédiens qu'il s'efface. La mise en scène d'Omar m'a tuer manque d'audace et d'inventivité, pourtant indispensables pour que le sujet trouve résonnance.
Critique de Omar m'a tuer publiée le 17 juin 2011.