Slumdog Millionaire
Le 13/01/2009 à 14:30Par Yann Rutledge
Notre avis
A/ Un mauvais film et de toutes façons, mis à part La Plage, Danny Boyle n'a réalisé que des navets.
B/ Une bafouille honteuse et kitsch indigne de Bollywood
C/ Une sacrée surprise de la part d'un réalisateur touche à tout de talent
D/ La réponse D
Slumdog Millionaire est suivi de la réputation très en vue avant sa sortie de feel good movie, cette catégorie de films qui fait sortir n'importe quel spectateur de la salle de ciné avec un sourire jusqu'au oreilles. Sous nos dehors d'ours mal léchés qui n'aiment que des films d'horreur testostéronés, il faut avouer que nous aussi avons un vrai coeur d'artichaut. Seulement voilà, tous les films précédés d'une telle réputation sont tout ce que nous abhorrons au cinéma aujourd'hui (nous ne reviendrons pas sur "tout le bien" que nous pensons de Juno et de Little Miss Sunshine). C'est donc avec une certaine méfiance que nous nous apprêtions à accueillir le dernier film de Danny Boyle. Mais il fallait se rendre à l'évidence, le cinéaste n'étant pas le dernier des tâcherons, Slumdog Millionaire ne pouvait pas être une énième soupe douce-amère.
Le film tient sur un postulat d'une évidente simplicité : Jamal un jeune homme de 18 ans issu des bidonvilles indiens, est sommé de justifier devant la police de ses bonnes réponses au Qui veut gagner des millions ? local. Jamal explique d'où lui viennent ses connaissances et raconte sa vie entière dans la rue, ses histoires de familles et même celle de cette fille dont il est tombé amoureux et qu'il a perdue. Une construction en flash-back simple et directe dont jamais Boyle ne s'éloignera (ce qui est étonnant venant d'un réalisateur qui d'habitude aime brouiller les pistes) lui permettant à lui et à son scénariste Simon Beaufoy de revenir sur cette vie construite de débrouille où Jamal, après la mort de sa mère, devient tour à tour mendiant, guide, vendeur de chaussures, cuisto etc. Du trio inséparable qu'il formait avec son meilleur ami et son amoureuse, Jamal finira seul après qu'ils l'aient salement abandonnés, son meilleur ami devenant un caïd, son amoureuse s'offrant à un autre que lui.
Jamais la chance ne lui sourit jusqu'au jour où Jamal se met dans l'idée de participer à Qui veut gagner des millions ? dans l'espoir de renouer contact avec son amour, fervante spectatrice de l'émission. C'est alors que toute sa vie et ses embrouilles prennent sens.
Habitué depuis des lustres à une représentation carte postale ou pire excessivement idéalisée par l'occident, le décor de l'Inde est transcendé dans Slumdog Millionaire, véritable bouffée d'air frais où l'on fini même par se demander si le gars derrière la caméra ne serait pas indien plutôt que blanc. Danny Boyle s'est en effet éloigné de toutes l'imagerie habituelle occidentale, s'imprégnant du caractère de la ville de Mumbai pour la filmer telle qu'elle est : une mégalopole bruyante en pleine mutation, qui respire, transpire, pue et vit à 100 à l'heure dans l'espoir de rattraper son retard face à l'Occident en embrassant exagérément la modernité. La mise en scène survoltée de Boyle nous plonge dans un véritable tourbillon de couleurs et d'odeurs captant avec une véritable maestria les rêves et les désillusions de cette génération qui a connu aussi bien les bidonvilles insalubres que les hauts immeubles construits à bas prix, subvenant à la demande de la classe moyenne émergente. Jamal est en quelque sorte le symbole de cette Inde qui se lève et qui s'affirme après dès années de misère.
Malgré une idéologie purement américaine pas très finaude (tes échecs se transformeront en atouts), Slumdog Millionaire conquiert de part sa mise en scène endiablée et sa BO déchaînée (génial A.R. Rahman !) menée tambours battants par une brochettes de jeunes comédiens pour la plupart non-professionnels. Danny Boyle n'offre clairement rien de neuf dans le fond, les enjeux étant les mêmes depuis la nuit des temps (amour à reconquérir, amitié, trahison etc.), mais se rattrape par la cadence effrénée et la vie qu'il offre à cette histoire. Certains préféreront le Boyle plus sombre et moins humaniste, certes, mais il ne faudrait pas pour autant déprécier le film pour cette raison. Formellement et contextuellement original, généreux en tout point, Slumdog Millionaire annonce un grand cru pour l'année cinéma 2009.