The X-Files Regeneration
Le 25/07/2008 à 08:00Par Arnaud Mangin
Ce X-Files 2, qui n'en est pas réellement un, risque à nouveau de tailler dans le vif de son public mais avec un effet inverse du premier opus, déjà dix ans derrière nous. Une surprise, donc, et pas mauvaise. Le résultat est une espèce de démystification de l'univers X-Files tel que les fans l'ont découvert, adoré et entretenu au profit d'une intrigue plus passe-partout, indépendante et abordable. Mulder et Scully laissent au placard leur uniforme iconique (mal rasé pour l'un et habillés au rabais pour les deux) et se cherchent l'un à travers les idéologies de l'autre pour se trouver un petit coin de paradis psychique, loin des créatures de foires. Un bon point finalement, dans un vrai film de personnages flirtant avec le cinéma policier sans (trop) de monstres et autres horreurs mais qui pèche néanmoins par un manque d'ambition flagrant. Sans plus, mais sympa.
Surprenant, donc, de constater à quel point Chris Carter privilégie la maturité de son œuvre et l'évolution vers le réalisme un brin défaitiste de son univers après une attente des plus interminables, à des années lumières du cadeau de geeks qu'était le premier opus. Le côté film segment est ici banni, avec une volonté certaine de ne plus vraiment entretenir la mythologie originale. Comme si essayer de la remettre au goût du jour aurait résonné comme un mauvais revival. X-Files, le film, c'est du cinéma dans son propos, donc qui mise à fond sur l'évolution pas nécessairement glorieuse de ses héros à un stade de leur vie où il est temps de laisser les aliens de côté. Une séance de psy prétexte, façon "Je travaille au FBI, sortez-moi de là" délivrant surtout un portrait de l'obstination, à plusieurs niveaux.
Sans trop en dévoiler sur l'intrigue (parce que les créateurs se sont donné un mal de chien pour la garder secrète), Mulder et Scully sont respectivement rappelés de leur cabinet médical pour l'une et de son terrier d'ermite pour l'autre afin d'aider leur ancien service à retrouver un agent mystérieusement disparu. Chose qui les entraînera dans une affaire, oh oh oh, un petit peu mystérieuse... Et puis c'est tout !
Quoi ? Dix ans pour une histoire de kidnapping ? Ben oui. Mais en choisissant délibérément une base formelle aussi fastoche que l'enquête policière, Carter en profite pour étoffer richement son récit de fond. En gros ça a l'aspect d'un thriller simple mais fichtrement bien écrit, autant dans la nature de son propos que dans la construction de ses personnages (soutenu par une interprétation tout aussi réussie) au point d'éclipser audacieusement les retors du fantastique et de la science-fiction. Il sera ici surtout question de reconstruction personnelle, de dissociation de la foi (sous toutes ses formes, morale, scientifique, cartésienne et ses opposés) et de la religion pure. Un message qui évite au récit de tomber dans une mauvaise bondieuserie et qui désacralise même carrément l'encadrement religieux au profit de l'introspection sous deux angles opposés. I Want To Believe, ce n'est pas un hasard, même si on (eux, nous) n'a clairement pas fini de chercher où se cachent les dites vérités.
En fait, le hic, c'est que dans l'empressement et à force de se focaliser sur les fondamentaux moraux, Chris Carter a un peu oublié d'y mettre la forme au point de nous livrer un produit qui s'apparenterait plus à un direct-to-video de luxe qu'à du cinéma. Réalisation franchement pas inspirée, deux trois travellings autour de l'héroïne pour faire applaudir les fans lors de sa première apparition, un cinémascope qui a du mal à se remplir et les six notes du thème de Mark Snow pour rappeler tout de suite qu'on est dans la bonne salle... Ces mêmes notes sont d'ailleurs réutilisées un peu plus tard pour une touche d'humour complètement gratuite, limite parodique, mais assez jouissive ! Sorti de là, on baigne un peu trop dans l'introspection pour laisser la magie s'emparer totalement du spectateur lambda à qui s'adresse le film en encore moins aux aficionados. Dommage.
Finalement, X-Files Regeneration se retient comme une bonne surprise (parce qu'il n'y avait clairement plus rien à en attendre), mais pas trop longtemps malgré une intrigue qui surferait presque par moment avec du Grangé (ce n'est pas forcément un défaut) voire carrément du Stuart Gordon dans son dernier acte. La seule question, la seule véritable double énigme de tout ce tatouin consiste à se demander si oui ou non on a affaire à X-Files, et si l'on avait besoin de le proposer sur grand écran. Tou, dou, doudoudoudou...