There Will Be Blood
Le 08/02/2008 à 09:21Par Michèle Bori
Citizen Kane, Il était une fois en Amérique, Voyage au bout de l'enfer, The Abyss, After Hours, Terminator 2, Star Wars, E.T., Breakfast Club, Fight Club, Blade Runner, les 7 Samouraïs, Quand Harry Rencontre Sally, Indiana Jones, Stand By Me, Do The Right Thing, Forrest Gump, Magnolia...
... There Will Be Blood.
Il est de ces films, ou lorsqu’on doit écrire un article dessus, on se retrouve comme un imbécile à 4h du matin devant un fichier Word vierge. Parce qu’on ne sait pas quoi dire. Ou alors rien de bien original. Des trucs comme "la mise en scène est somptueuse", "la musique est magnifique", "les acteurs sont géniaux", "two thumbs up". Alors on cherche à développer, mais on se rend vite compte qu'on arrive pas à mettre des mots sur nos pensées. Alors, comme il est tard et qu'on est fatigué, on se lache...
Voir un film, c’est un peu comme sortir avec quelqu’un.
D’un côté il y a des films sympas. Ceux qui nous ont fait passer un bon moment, mais avec lesquels on n’a pas forcément de rester bien longtemps, vu que c’était juste l’histoire d’un soir, ou d’une nuit, parfois même juste une séance de 5 à 7 et puis on oublie. On est content sur le coup, mais finalement on ne les aurait pas vus que ça serait revenu au même. Parce que ce n’était pas sérieux. Parce que c’était juste pour s’amuser… Ces films-là sont nécessaires, pour rester de bonne humeur, pour passer du bon temps ou pour pouvoir frimer auprès des potes en leur disant "Je l’ai vu celui-là ! j’ai bien pris mon pied avec je vous le conseille !".
Des films comme ça on peut en voir un paquet avant de tomber sur celui qui va vraiment compter, celui qui vont faire que notre vie bascule et qui va nous faire comprendre tous les autres avant lui, c'était pour du beurre. Et à cet instant tout change. Tout prend une autre saveur.
Voir ce genre de film ça arrive presque aussi rarement que de tomber vraiment amoureux. Il y en a même à qui ça n’arrive qu’une fois dans une vie ! Avec des films comme ça, on peut avoir le coup de foudre direct. C’est rare, mais ça se peut. Le plus souvent on ne les remarque pas tout de suite et ce n’est qu’en les revoyant qu’on tombe sous le charme. Toutes les petites choses qui auraient pu nous échapper la première fois font soudainement surface et c’est à ce moment-là qu’on comprend qu’il existe des films capables de nous rappeller pourquoi nous aimons le cinéma. Ou alors qui nous font aimer le cinéma, c’est au choix. Il est de ces films qui nous laissent muets pendant plusieurs heures après leur visionnage. Non pas parce que nous n’avons rien à dire dessus, mais parce que tout ce que nous pourrions dire ne reflèterait qu’un pour cent de ce que nous venons de vivre. Il est de ces films qui nous font rêver, pleurer, rire, crier et pleurer encore, des films qui nous donnent tellement des frissons que rien qu’en y repensant, vous avez de nouveau les poils qui s’hérissent, du bout des bras jusqu'à l'échine. Il est de ces films qui nous empêchent de penser à quoique-ce-soit d’autre, des films qui nous déconnectent totalement du monde extérieur. Des films qui nous feraient presque oublier que nous sommes en train de regarder un film. Il est de ces films qu’on aime même pour ses défauts. Parfois même, surtout pour ses défauts. Il est de ces films qui nous font nous demander "C’était quand la dernière fois que j’ai ressenti ça au cinéma ?" nous faisant ainsi remarquer à quel point le temps passe vite et à quel point ce genre de film est rare. Très rare.
Des films comme ça dans une vie, on peut les compter sur les doigts de la main de Mickey. Ces films-là, lorsqu’on en parle à des amis, c’est comme leur parler de la personne qu’on aime : on ne peut pas leur dire pourquoi. C’est comme ça, on le sent dans notre peau, dans nos veines, et puis c’est tout. De toute façon, pas la peine de leur expliquer, ils ont compris parce qu’eux aussi ils ont un film qui leur est cher. Bien sûr, pour nous embêter, il y en aura toujours un pour dire "Ouais mais ton film il a quand même une grosse baisse de rythme dans le 2e acte !" comme ils pourraient te dire "Ouais mais ta copine elle sourit tout le temps !". C’est pas grave, on l’aime quand même, et puis de toute façon il vaut mieux ça qu'une fille qui tire la gueule tout le temps, non ?
On peut toujours essayer de trouver des arguments pour parler de ce genre de films, basés sur des critères plus ou moins universels. On peut décrire la mise en scène par exemple, décortiquer les sous-textes du scénario ou encore analyser le jeu de comédiens, histoire d’expliquer à tout le monde pourquoi on l'a trouvé extraordinaire, fabuleux, magique… Mais au final, ce genre de perle rare là ne nécessite que très peu de commentaire. On n'aurait presque pas envie d'en parler, juste de le regarder et de le montrer. On veut aussi les garder pour soi, quelque part dans un coin du cœur, rangés précieusement dans un tiroir secret qu’on peut rouvrir à notre guise dès qu'on a la malchance de voir un navet, histoire de se rappeler que le cinéma c’est autre chose qu’une simple histoire de dollars et que finalement, lorsqu’on aime, c’est pour la vie. Ces films-là nous rendent heureux, tout simplement, et c'est sans doute la chose la plus difficile au monde.
There Will Be Blood, de Paul Thomas Anderson, fait partie de ces films. Point barre.