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Cecil B. DeMille : grandeur et décadence

Le 13/10/2008 à 07:09
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Cecil B. DeMille : grandeur et décadence La récente sortie chez Wild Side Video de trois films de Cecil B. DeMille nous permet de faire un retour rapide sur ce cinéaste hors du commun, véritable pionnier du cinéma controversé pour ses prises de position dans la vie publique pas toujours très heureuses. Comme Elia Kazan, Cecil B. DeMille a balancé ses collègues "communistes" à la commission dirigée par le sénateur McCarthy. Mais à la différence du réalisateur de Sur les quais, rongé par le regret, DeMille n'a jamais cherché une quelconque repentance à travers ses films. Non, il a assumé mordicus toutes ses déclarations, toutes ses prises de position et ce jusqu'au bout.
Mais plutôt que de s'étendre sur cette polémique pas réellement fondamentale (les artistes ont tous leur côté obscur - Mel Gibson, Emir Kusturica, Leni Riefenstahl - et ce n'est pas ça qui nous empêchera d'admirer leur art), concentrons-nous plutôt sur ce qui au fond nous importe vraiment, ses films.


Aux côtés de cinéastes américains tels D.W. Griffth ou Raoul Walsh, DeMille a façonné et démocratisé au cours des années 10 ce qui allait devenir le langage universel du cinéma, la manière (à l'époque) la plus claire et la plus efficace de raconter visuellement une histoire. Ils avaient en effet saisi comme personne comment élaborer visuellement de façon intelligible et transparente l'espace, et par là même comment rendre captivante pour le spectateur l'action qui s'y déroule. Ce qui n'était à l'époque pas une mince affaire, le cinéma étant alors dominé par une approche esthétique trop théâtrale (un plan/une séquence) l'empêchant de s'émanciper et de s'imposer comme un art à part entière. La composante primordiale, c'est bien sûr le montage qui permet la juxtaposition de deux plans entre eux créant ainsi du sens, du rythme surtout et une nécessaire construction dramatique.


Jusque dans les années 40, la filmographie de DeMille pourrait être divisée en deux catégories : d'un côté des drames (parfois même des mélodrames larmoyants) mondains, sondant aussi bien les rapports entre maître et domestiques que les excès de la Haute Société ; de l'autre, plus ambitieux, de grandes reconstructions historiques ou bibliques spectaculaires. Deux types d'histoires totalement différentes certes, mais tous conçus avec un seul et même mot d'ordre : offrir un spectacle massif et divertissant au public qui se rue en masse dans les salles, quitte à parfois faire dans le racoleur, quitte à aller très loin, trop loin dans les excès. Le cinéaste sera en effet plus d'une fois critiqué pour avoir inséré au sein de ses films d'importantes séquences d'orgies gréco-romaines. Compréhensible quand l'action se déroule pendant l'Antiquité, mais un peu moins quand cela se passe de nos jours, comme dans Après la pluie le beau temps (Don't Change Your Husband, 1919), qui suit les hésitations d'une jeune bourgeoise lassée de son mari qui ne lui prête pas toute l'attention qu'elle mérite et un amant escroc. Même topo pour L'Admirable Crichton (Male and Female, 1919) qui a lui aussi droit à sa séquence de pure débauche et de saoûlerie. Mais loin de n'être que de simples séquences spectaculaires, celle-ci servaient à souligner, de façon pas très finaude il faut bien l'avouer, les dérives morales des personnages baignant dans les folles années 20.


DeMille est incontestablement un incroyable conteur d'histoires, mais puisqu'il faut rendre à César ce qui appartient à César, nous ne pouvons minimiser le rôle qu'a joué aux côtés du cinéaste la scénariste Jeanie Macpherson. Ayant débuté dans le métier en tant que réalisatrice puis actrice, elle décida finalement de se lancer dans une carrière de scénariste, assistant DeMille dans l'élaboration d'histoires mettant en exergue l'évolution des moeurs au tournant de ce début de siècle. C'est à Jeanie Macpherson que l'on doit les intermèdes antiques et moralisateurs. Elle apportera ainsi pendant 25 ans son talent d'écriture à un homme à l'éducation puritaine, élevé dans le culte de la Bible par son père. C'est sans nul doute bien ici que réside aussi bien son goût prononcé pour les grandes fresques bibliques que ses obsessions sexuelles (on y reviendra). Le cinéaste aura d'ailleurs du mal à se dépêtrer de cette éducation puritaine, ses drames conjugaux se terminant toujours par une prise de conscience du mari et de la femme, malgré toutes leurs frasques et leurs tromperies, qu'il sont fait l'un pour l'autre... Après la pluie le beau temps et L'échange (Why Change your Wife ?, 1920) récemment édités par Bach Films en sont de bons exemples.


Mais revenons à ses obsessions. La Bible tout d'abord qui lui a apporté ses plus grands succès. On a tous en mémoire Charlton Heston en Moïse au mont Sinaï recevant la Table, mais on se souvient moins que DeMille avait déjà réalisé trente ans auparavant une adaptation muette et en noir et blanc des Dix Commandements, une première vision d'une incroyable maîtrise formelle et narrative loin de l'énorme production fade qui sera son dernier film. Il y a surtout Le Roi des rois (The King of King, 1927) gigantesque biopic sur la vie de Jésus, retraçant les dernières grandes lignes de sa vie et sa résurrection. DeMille s'éloigne de ces Christ "efféminés et papelards, fabriqués à la chaîne par des artistes de seconde zone" et réussit le pari de ne jamais tomber dans le cul-cul la praline là où nombre de cinéastes auraient échoué. On se souviendra particulièrement de la première apparition du Christ qui voit un enfant retrouver la vue face à la Lumière ("Now I see the Light"), et le visage du Christ d'apparaître progressivement entouré d'un halo lumineux.


Maîtrisant parfaitement le langage visuel, il ne se frottera que très tard au parlant, en 1932. Là où d'autres cinéastes auraient choisi la simplicité, une histoire n'engageant que très peu de personnages et de décors, DeMille, lui, se lancera avec audace dans une reconstitution du Rome de Néron, des jeux du cirque que les Romains affectionnaient tant, tout en évoquant la persécution dont étaient victimes les Chrétiens. Avec ce film cruel et sans concession qu'est Le Signe de la croix (The Sign of the Cross, 1932), DeMille se laisse aller à d'incroyables séquences d'orgies (encore) et de Chrétiennes à moitié dénudées offertes à des crocodiles affamés, allant même jusqu'à montrer discrètement la poitrine de sa star Claudette Colbert alors que celle-ci prend un bain de lait. Malheureusement, l'arrivée du parlant marquera pour lui le début de la fin. Par paresse (ou par désinvolture), le cinéaste se reposera sur ses lauriers, n'offrant plus que des films certes parfaitement emballés mais classiques dans leur forme et sans grande originalité narrative. Tout l'inverse de ses films muets en somme.


A voir :

# Edités par Wild Side Video :
L'Odyssée du docteur Wassel (The Story of Dr Wassel, 1944), Les Tuniques écarlates (North West Mounted Police, 1940) et Le Signe de la Croix (The Sign of the cross, 1932).

# Edités par Bach Films :
Carmen (1915), Forfaiture (The Cheat, 1915), Jeanne d'Arc (Joan the Woman, 1917), Le Rachat Suprême (The Whispering Chorus, 1918), La Proie pour l'ombre (Old Wives for New, 1918), Après la pluie le beau temps (Don't Change Your Husband, 1919), L'Admirable Crichton (Male and Female, 1919), L'Echange (Why Change your Wife ?, 1920), Le Coeur nous trompe (The Affairs of Anatol, 1921), Réquisitoire (Manslaughter, 1922).





Carmen
Carmen
Sortie : Courant Janvier 2008
Éditeur : Bach Films

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