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Kaboom : Interview de Thomas Dekker

Le 08/10/2010 à 18:27
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Interview : Thomas Dekker (Kaboom) Dans les salles depuis mercredi, Kaboom marque le retour de Gregg Araki vers le teen movie barjo, dans l'esprit des films cultes que sont The Doom Generation et Nowhere. Révélation du film, Thomas Dekker, 23 ans, s'impose comme le successeur idéal de James Duval en héros arakien, à la fois candide et parfaitement à son aise dans cet univers déjanté.
Nous avons rencontré Thomas Dekker le mois dernier à l'occasion du Festival du Cinéma Américain de Deauville qui rendait un hommage à Gregg Araki. En dépit de son jeune âge, l'acteur fait montre d'un grand recul sur le cinéma américain et la culture du sexe dans son pays. Et il ne mâche pas ses mots !


Interview : Thomas Dekker (Kaboom)



Filmsactu.com : Nous vous avons vu à Cannes puis à Deauville, qu'est-ce que cela vous fait de parcourir tous ces festivals pour ce film ?

Thomas Dekker : C'est quelque chose, pour être honnête ! Faire ce film était une expérience à part et à l'époque, il nous semblait très modeste parce que le budget était minuscule. Je n'en reviens encore pas que ce soit avec ce film que j'aie pu voyager dans tous ces festivals.

 

L'accueil à la séance de minuit de Cannes était vraiment exceptionnel.

Oui, lorsque nous avons eu cette longue ovation, Gregg et moi, on s'est regardés. On se demandait s'il fallait partir, rester debout... Qu'est-ce qu'il fallait faire ? C'était très bizarre. J'avais l'impression de vivre un rêve et je n'arrivais pas à croire que cela nous arrive. D'autant plus que ma mère était dans la salle. Elle vient à Cannes chaque année depuis environ dix ans. Voir ce film avec elle était très spécial.

 

" La plupart des films grand public sur la jeunesse relèvent de la  plaisanterie. "

 

Quel est le premier film de Gregg Araki que vous avez vu ?

Le premier que j'ai vu est Mysterious Skin. Tout le monde autour de moi me l'avait recommandé. Je l'ai regardé et il a provoqué en moi une réaction que je n'avais jamais eue auparavant. Après la fin du film, j'ai pleuré pendant des heures. Ça m'a renvoyé à une histoire très personnelle chez moi et je n'avais jamais vu cette histoire racontée de manière aussi éloquente. Par la suite, j'ai vu The Doom Generation, qui me semble être à l'opposé. C'est un film insensible et très agressif, mais je l'ai adoré, bien que pour des raisons différentes. Il m'a évoqué la période hédoniste de mon adolescence. J'aime aussi beaucoup la musique dans les films de Gregg. Nous avons beaucoup de goûts musicaux en commun. Après avoir vu ces deux films, je voulais désespérément travailler avec lui et mon manager a réussi à m'arranger un entretien. Je voulais juste le rencontrer et lui faire mes compliments, lui dire à quel point ses films m'avaient touché. Ce qui est étrange, c'est que l'endroit où nous nous sommes rencontrés à l'époque est le même que celui où nous nous sommes revus des années après pour parler de notre collaboration sur Kaboom. C'est presque poétique. (rires)

 

Interview : Thomas Dekker (Kaboom)


Les films de Gregg Araki sont très subversifs. Comment sont-ils reçus aux Etats-Unis ?

Probablement différemment d'ici. J'imagine qu'il doit y avoir un fossé entre la réception en Europe et aux Etats-Unis. En réalité, il n'est pas si connu que cela, là-bas, ce qui est absolument honteux. Il n'est pas nécessairement perçu comme un auteur par les Américains. Il y a des gens qui connaissent certains de ses films mais ils ne le connaissent pas en tant qu'artiste à part entière. Ceux qui connaissent vraiment son travail font partie d'un public déjà enclin à aimer des œuvres choquantes. Mais ses fans, quelque soit le pays, ont un amour sincère pour l'univers qu'il a créé dans chacun de ses films.

 

La manière dont les films de Gregg Araki dépeignent la jeunesse tranche avec les films grand public. Qu'en pensez-vous ?

Je pense que Gregg dit la vérité sur les jeunes, du moins tels qu'ils sont aux Etats-Unis. Mais il le fait de manière ultra stylisée. Ce que j'adore dans ses films - même si cela concerne moins des films comme Mysterious Skin ou Smiley Face -, c'est qu'ils ne se vantent pas de représenter la réalité. Ils montrent la réalité à travers un prisme spécifique. Aussi, ce qui est extraordinaire, c'est que Gregg n'a jamais perdu le contact avec la jeunesse. Il fait des films sur la jeunesse depuis les années 80, il en a fait les années 90 et il en fait à présent dans les années 2000, et son cinéma est toujours d'actualité. En tant que fan de son travail, je trouve que Kaboom est un film très spécial parce qu'il est un peu moins pessimiste que les autres sur les jeunes. Il y a quelque chose de plus léger, de plus lumineux. Vous voyez ce que je veux dire ? Je trouve très beau que tout ce parcours aboutisse à cela.

 

Les films américains grand public sur la jeunesse, au contraire, tendent à devenir de plus en plus conservateurs.

Selon moi, la plupart des films grand public sur la jeunesse relèvent de la plaisanterie. Je n'y crois pas. Aux Etats-Unis, nous vivons dans une culture obsédée par les situations évocatrices. Foncièrement, tout le monde a envie d'être allumé par ces couples merveilleux que l'on vous sert à la télévision, sauf que personne ne veut vraiment que ça aille jusque là. Ça, c'est un problème. Il y a quelque chose de réactionnaire dans le fait d'insinuer quelque chose, de manière très lascive et explicite, sans avoir le courage d'aller jusqu'au bout. Ce que j'aime avec Gregg, c'est qu'il y va. Il vous montre différents personnages, avec leurs sexualités ou expériences différentes, mais ce n'est pas pour vous provoquer. Certes, il y a beaucoup de sexe dans Kaboom et je suis largement impliqué dans cet aspect du film. Mais je n'ai jamais eu l'impression de faire de la pornographie. C'est une manière super stylisée de montrer cette oisiveté, cette obsession du sexe et cette vanité qui existent, selon moi, partout en Amérique.

 

Interview : Thomas Dekker (Kaboom)

 

 

" Je me suis battu pour faire le plan de nudité frontale. "

 

Comment Gregg Araki dirige-t-il ses acteurs et comment s'est passé le tournage des scènes de sexe ?

C'est intéressant parce que j'avais vu tous ses films et il ne dirige pas ses acteurs comme je l'avais anticipé. Il passe un temps incroyable à faire le casting et à vérifier que chacun est bien à sa place. Ensuite, il vous laisse un peu vous débrouiller par vous-même. Nous n'avons jamais parlé de la signification du film, du passé de mon personnage, ou de rien de tout cela. Nos discussions tournaient la plupart du temps autour de considérations techniques, ou la manière dont nous devions bouger sur une scène. On n'était pas très encadré. Ça a l'air péjoratif mais ce n'est pas du tout le cas. Au contraire, j'ai beaucoup apprécié parce que nous avions beaucoup de liberté. Il ne venait vers nous que si quelque chose ne fonctionnait pas. Il n'essayait pas de vous modeler pour obtenir quelque chose. Il vous choisit pour ce que vous pouvez faire. Concernant les scènes de sexe, de manière incroyable, je les voyais comme n'importe quelle autre scène parce que le tournage se passait de la même manière. Tout était fait avec bon goût, nous nous sentions bien sur le plateau, et pour ce qui est de la nudité, il était très patient. Il n'employait aucun procédé particulier pour nous mettre à l'aise et nous traitait de la même manière que sur n'importe quelle autre scène. Ce qui rendait ces scènes de sexe d'autant plus faciles à tourner puisqu'on n'en faisait pas une montagne. C'était juste des scènes importantes pour le film, voilà tout. Je ne regrette rien de ce que j'ai fait. Je me suis même battu pour faire le plan de nudité frontale au début du film. Aucun de mes représentants aux Etats-Unis ne voulait que je le fasse parce que c'est quelque chose d'extrêmement tabou pour un jeune acteur. Je ne comprends vraiment pas pourquoi. C'est juste de la nudité. Le corps humain est quelque chose de beau.

 

La nudité est encore à l'heure actuelle plus taboue pour les hommes que pour les femmes ?

Beaucoup plus ! Je suis très irrité que l'anatomie féminine puisse être étalée, voire prostituée pour vendre un film, alors que dès qu'il s'agit des hommes, le film se retrouve classé X si on dévoile quoique ce soit. C'est ridicule. C'est une attitude très chauvine. Quand j'ai voulu faire ce film, on m'a averti que j'aurais du mal à jouer par la suite dans des films plus grand public. D'une part, je n'y crois pas, et d'autre part, qui en a quelque chose à faire ? C'était déjà une opportunité unique de travailler avec quelqu'un comme Gregg.

 

Interview : Thomas Dekker (Kaboom)

 

Pour la suite, souhaitez-vous continuer dans le cinéma indépendant ou alterner avec des films grand public ?

J'ai eu de la chance jusqu'à présent de faire à la fois des films grand public et indépendants. A mon avis, si vous posez cette question à n'importe quel acteur, il vous dira qu'il veut faire du cinéma indépendant. C'est dans le cinéma indépendant qu'on vous propose les meilleurs projets, les plus excitants artistiquement. En plus, qu'il s'agisse de l'équipe technique ou créative, vous vous retrouvez avec des gens qui ont vraiment envie de faire le film et de travailler ensemble, pas seulement d'encaisser un chèque. Donc, bien sûr, si je le pouvais, je ne ferais que des films indépendants, et peut-être quelques films mainstream miraculeux. Mais bien sûr... c'est avant tout un travail ! (rires) Donc, moi aussi, j'ai fait des films uniquement pour gagner ma vie.

 

" Je suis fasciné par la beauté qui réside dans la laideur. "

 

Ces jours-ci, Hollywood recycle beaucoup d'idées et produit beaucoup de remakes de films étrangers. Qu'est-ce que vous en pensez ?

La raison pour laquelle Hollywood se répète encore et encore, c'est la peur. Déjà, à moins qu'ils aient la certitude qu'un projet va être un succès commercial immédiat, ils ne veulent pas miser dessus. C'est pourquoi ils enchaînent les franchises, les remakes, les reboots, ou même les remakes non-avoués. Et ce qui fait peur, c'est que ça marche ! Les gens vont voir ces films, donc ils rapportent de l'argent. Et donc, ça continue. On ne peut pas vraiment se rebeller contre ça : Hollywood continue à se tirer une balle dans le pied, puisque le public va voir ces films. Ce ne sont pas de bons films, ce ne sont pas des idées originales. Ils ne valent pas que l'on perde notre temps à les voir. C'est d'ailleurs sans doute pour cela que Gregg Araki est aussi respecté ici mais pas vraiment compris ou connu là-bas. Il fait des films auxquels personne ne veut toucher. C'est délicat, même pour un acteur. Mais depuis que je fais ce métier, j'ai toujours pensé que l'idée était de jouer toutes sortes de rôles qui ne me ressemblent pas. J'ai de la chance de continuer à le faire.

 

Peut-être qu'il faudra attendre que la crise passe pour que les choses s'arrangent...

Je sais ! Avec le krach financier, la contrainte de l'argent est devenue une énorme source de peur. Et bien sûr, il y a des répercussions sur le monde du cinéma. Mais il n'en est pas moins choquant et triste que quelqu'un comme Gregg, avec son passif professionnel, ait toujours besoin de se battre pour monter un film. C'est un vrai combat, aux Etats-Unis. D'ailleurs, les financements de Kaboom viennent de France...

 

Interview : Thomas Dekker (Kaboom)

 

Quels sont vos prochains projets ?

Je viens juste de finir un film intitulé Cinéma Vérité, avec Diane Lane, Tim Robbins et James Gandolfini. Le casting est vraiment incroyable. C'est une histoire vraie qui parle d'une émission télévisée américaine des années 70 qui s'appelle An American Family, et je joue un personnage incroyable qui fut la première personne ouvertement homosexuelle à apparaitre à la télévision américaine. C'est marrant que j'enchaîne ces rôles de bisexuels et homosexuels. Qui sait ce qui va se produire ensuite ? Ensuite, je réalise un nouveau film à mon retour.

 

Quel genre de films faites-vous en tant que réalisateur ?

Je ne peux pas en dire beaucoup sur celui-ci parce qu'il est toujours en développement. Mais je peux vous dire que Gregg fait partie des réalisateurs qui influencent mon travail de réalisateur. J'ai trois films à mon actif, deux longs métrages et un court, et je suis fasciné par la beauté qui réside dans la laideur. J'aime prendre un sujet très sombre pour en faire quelque chose de lumineux, plein de vie. C'est la magie et la beauté du cinéma. Vous ne pouvez pas le faire de la même manière avec la musique, la littérature ou le théâtre. Le cinéma est un medium qui vous offre énormément de moyens pour transcender votre sujet.

 

Propos recueillis par Elodie Leroy

Interview réalisée le 4 septembre 2010 au Festival du Cinéma Américain de Deauville







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