Comme nous vous l'avions annoncé dans l'émission, nous avons non seulement rencontré le réalisateur Joachim Trier et le scénariste Eskil Vogt (interview disponible ici) mais aussi les acteurs du film Nouvelle Donne, puisque toute l'équipe s'était déplacée à Paris pour la sortie du film.
La parole à Anders Danielsen Lie, Espen Klouman Hoiner et Viktoria Winge.


Anders Danielsen Lie - Philip

Né en 1980, il a débuté sa carrière à l'âge de dix ans dans Herman, de Erik Gustavson ;

Il a fait des études de médecine et exerce actuellement à Oslo ;

Musicien, il se prépare à sortir son premier album.

Ce que lui inspire l'histoire

« C'était un scénario très intéressant et assez inhabituel pour la Norvège. Nous n'avons pas beaucoup de films qui se distinguent par leur style narratif, et celui ci n'est pas conventionnel. De plus, les problèmes liés à cette histoire me touchaient particulièrement. Je m'intéresse en effet beaucoup à la littérature et à la musique, ainsi qu'aux problématiques existentielles liées à la création artistique évoquées dans l'histoire. »

« Je pense que le film est représentatif d'une partie de ma génération. Bien sûr, on ne peut pas généraliser sur toute la jeunesse norvégienne, ni même sur tous les jeunes de la vingtaine. Je pense que le film concerne avant tout les jeunes vivant à Oslo. D'ailleurs, c'est un film qui touche plus les citadins que ceux qui vivent à la campagne, du moins si l'on en croit le retour que nous avons eu en Norvège. »

 

 

Son personnage

« Un personnage tel que Philip pose de nombreux défis. D'abord parce qu'il souffre d'une maladie mentale, un aspect qui représente déjà en soi un énorme challenge. En fait, plus que de dépeindre la maladie elle-même, l'intérêt était surtout d'en faire une métaphore sur la crise d'identité. Et il était vraiment difficile d'interpréter un personnage aussi introverti et dont le principal problème est lié à son identité, parce que vous ne pouvez pas utiliser la palette d'émotions habituelle. »

« Bien sûr, j'ai essayé d'utiliser mes connaissances médicales pour rendre les scènes de psychose les plus authentiques possibles. En effet, j'ai travaillé quelques temps dans la psychiatrie et j'ai eu l'occasion de voir pas mal de patients. Cela dit, je n'ai pris personne en particulier comme modèle. Mon expérience m'a juste servi à dresser un portrait plus réaliste. »

Ses plus gros challenges dans le film

« Il y a une scène où Erik vient chez Philip, lit ce que mon personnage vient d'écrire et lui fait comprendre que ce n'est pas si bon que ça. En fait, c'est la seule dispute qu'ils ont dans le film et j'ai trouvé difficile de jouer ce moment où ils sont en colère l'un contre l'autre. »

« Je suis aussi assez fier de la scène de sexe. Dans la plupart des films, le sexe est utilisé pour figurer le bonheur, pour montrer que les protagonistes aiment la vie. Au contraire, cette scène de sexe est très sombre. Elle a pour intérêt de montrer que quelque chose entre Kari et Philip mais aussi chez Philip. Elle tente de dépeindre tout ce malaise. »

La musique du film

« J'ai eu ma période punk, moi aussi ! (rires) A présent, je suis un passé à d'autres styles de musique. Mais je me reconnais très bien dans le style post-punk et new wave qu'il y a dans le film. »

 

L'après Nouvelle Donne

« Pour ce qui est des films, je n'ai rien de prévu dans un futur proche. En revanche, j'ai décroché un rôle principal dans une mini-série télévisée norvégienne, qui se tournera dès l'automne prochain. J'ai aussi un projet musical en cours, un album que j'enregistre depuis environ trois ans ! Enfin, il y a mon travail en tant que médecin. Un jour, il va falloir que je choisisse ! (rires) »

 

 

Espen Klouman Hoiner - Erik

Né en 1981, il a joué en 2004 dans Just Bea de Petter Naess ;

Il est diplômé comme rédacteur à l'Ecole de Communication de Westerdal ;

Il est actuellement étudiant au Conservatoire d'Art Dramatique d'Oslo.

 

Son personnage

« Erik a ce sens de la politesse qui le rapproche de moi. De plus, je suis moi-même rédacteur, plus exactement rédacteur publicitaire, mais j'écris aussi des nouvelles. Cela nous fait un autre point commun. »

 

Ses plus gros challenges dans le film

« Le plus difficile était de faire en sorte que l'amitié entre Erik et Philip paraisse crédible, de donner l'impression que nous nous connaissons depuis l'enfance. Anders et moi ne nous étions jamais rencontrés avant de passer cette audition, et il fallait se comporter comme si on était amis de longue date. Heureusement, l'alchimie a été très bonne entre nous donc tout s'est très bien passé. »

« Je suis très fier de cette scène où je lis l'histoire de Philip et où je me dispute avec lui. Nous avons réussi à créer une vraie connexion. Dans cette scène, quelque chose de nouveau émerge de leur amitié. Ils sont chacun le meilleur ami de l'autre et ne se sont jamais critiqués de cette manière. »

 

Son travail avec le réalisateur Joachim Trier

« Nous avons beaucoup répété avant de commencer à tourner, et lors de ces répétitions, nous avons improvisé pas mal de choses. Le réalisateur, qui était aussi co-scénariste, et le scénariste Eskil [Vogt, NDLR] modifiaient ensuite un peu le scénario en fonction de ce que nous faisions, afin que les dialogues paraissent plus spontanés et qu'ils nous soient plus accessibles . »

« Joachim est le meilleur réalisateur avec lequel j'ai travaillé. Nouvelle Donne n'est que son premier long métrage et j'admire déjà beaucoup son talent en tant qu'esthète et en tant qu'instructeur. C'est un visionnaire, il sait ce qu'il veut. Si j'avais l'opportunité de retravailler avec lui, je n'hésiterais pas. »

L'après Nouvelle Donne

« Avant Nouvelle Donne, je n'avais fait qu'un seul film et je n'avais pas vraiment de formation d'acteur, étant donné que je suis avant tout rédacteur. Depuis, j'ai tourné dans un autre film et j'ai eu des rôles dans quelques séries TV. J'ai aussi posé ma candidature au Conservatoire d'Art Dramatique d'Oslo et j'ai été reçu. Donc je suis à présent étudiant en art dramatique. »

« J'aimerais vraiment pouvoir écrire et jouer à la fois. En revanche, je ne souhaite pas forcément écrire pour le cinéma, mais plutôt pour la littérature et j'espère être un jour publié. Comme Erik ! »



Viktoria Winge - Kari

Née en 1981, elle est la fille du metteur en scène de théâtre et l'opéra Stein Winge.

Musicienne et mannequin, elle fait partie du groupe anglais Les Discorockers.

Elle faisait ses débuts au cinéma avec Nouvelle Donne. Depuis, elle est apparue dans le slasher à succès Cold Prey.

Ce que lui inspire l'histoire

« J'aime vraiment la manière dont le film dépeint les sentiments complexes de ces jeunes de la vingtaine. Le film ne les montre pas comme des êtres stupides, au contraire des films américains où on les montre toujours ne pensant qu'à boire et à tirer un coup. Mais à cet âge, on peut aussi avoir du plomb dans la tête. »

Ses plus gros challenges dans le film

« La scène la plus difficile à tourner était celle où Philip vient me voir à mon travail. Ce jour-là, c'était très éprouvant car nous avions très peu de temps. Nous devions capturer une palette très large d'émotions difficiles le plus rapidement possible. C'était d'autant plus dur que Joachim nous demandait d'intérioriser notre jeu. En tant qu'actrice, vous avez souvent envie d'extérioriser vos émotions, surtout lorsque vous avez des dialogues aussi brillants. Or, Joachim nous disait justement qu'il fallait les contenir, les garder à l'intérieur encore plus que nous le ferions d'habitude. »

 

 

Son personnage

« Je me suis inspirée d'une de mes amies d'enfance. Cela dit, quand vous construisez un personnage, vous devez nécessairement évacuer ce que vous êtes, même s'il y a toujours une part de vous dans le personnage. Je peux aisément m'identifier avec cette forme de timidité, cette façon de contenir les émotions... même si parfois, j'aimerais bien être un peu plus comme ça ! (rires) »

Son travail avec le réalisateur Joachim Trier

« Le plus important quand vous travaillez avec d'autres personnes est de vous intéresser à eux. Joachim est quelqu'un qui s'intéresse à ce qu'il fait mais aussi au travail de tous ceux qui l'entourent sur le plateau. Il pose des tas de questions et veut toujours prendre part à tous les aspects du processus. Normalement, en tant qu'acteur, vous devez vous construire votre propre histoire, imaginer qui était votre personnage, ce qu'il faisait avant. En général, les réalisateurs vous disent de vous débrouiller seul. Mais lui, il s'intéresse à ce que vous faites. Il est vraiment cool. »

 

La musique du film

« Je ne suis pas vraiment une accroc du rock, mais il y a plein de titres que j'adore dans ce film, comme par exemple celle du groupe Le Tigre... cette chanson possède une telle d'énergie ! j'adore aussi New Order et plein d'autres groupes que l'on entend dans le film. Il y a autre chose que j'aime particulièrement, c'est ce contraste entre toute cette énergie rock et la musique très émotionnelle des White Birch. C'est exactement comme ça que vous êtes à cet âge-là, pas sûrs de vous à un moment donné, et prêts à tout casser la minute d'après ! (rires)

L'après Nouvelle Donne

« J'ai fait Cold Prey la même année que celui-ci, juste dans la foulée. C'est un film d'horreur mais pas dans le genre psychologique, juste de la traque et du sang. L'histoire se résume à « Tuez tous les acteurs, maintenant ! » J'ai une mort très sanglante dans le film, et c'était très fun à faire. Après ça, j'ai joué dans pas mal de courts métrages l'année dernière, puis dans un autre film qui est actuellement en post-production. »

« Je mène ma carrière d'actrice et de musicienne en parallèle et je ne sais pas de quoi demain sera fait. La Norvège ne produit pas beaucoup de films. J'aime beaucoup aller au théâtre mais je n'ai pas envie de devenir actrice de théâtre. Je préfère travailler sur des films. Mais la production norvégienne est très irrégulière : il y a des moments où il n'y a rien et des moments où il y a beaucoup d'opportunités. C'est pourquoi je peux faire ce que je veux à côté tout en continuant à faire des films. Jusqu'à ce que je sois vieille et moche ! (rires) »

Propos recueillis par Elodie Leroy