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Ghostland interdit aux moins de 16 ans ? Pascal Laugier s'explique - interview

Le 13/03/2018 à 17:26
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Ghostland est enfin dans nos salles. On ne peut que vous conseiller le dernier film de Pascal Laugier qui ne saura vous laisser indifférent.

 

Le réalisateur de Martyrs et de The Secret recycle à sa façon les codes des films d'horreur qui le fascinent depuis son adolescence dans une histoire tortueuse, surprenante et terrifiante. Ghostland ne laisse aucun répit à ses spectateurs.

 

Et Mylène Farmer dans tout ça ? Surprise, la star y est impeccable et extrêmement crédible. Ghostland est à la fois diabolique mais aussi émouvant. Une franche réussite.

 

 

On a pu discuter avec Pascal Laugier des personnages féminins forts de ses films (qu'il aime tant martyriser), de l'interdiction aux moins de 16 ans de Ghostland, d'Hellraiser le remake et de Sinister 2 qu'il aurait pu réaliser puis de Martyrs qui célèbre ses 10 ans.

 

Rencontre avec un réalisateur passionnant et passionné qui n'a pas la langue dans sa poche.

 

Films d Horreur

 

"Si la présence de Mylène fait venir dans les salles des gens qui avaient soigneusement évité par préjugés l'épouvante, cela serait formidable."

 

Dans tous vos films, vous mettez en avant des personnages féminins forts. Qu’est-ce qui vous attire tant chez les femmes au cinéma ?

Pascal Laugier : Il est plus simple pour moi d’écrire des personnages féminins. Elles sont l’objet de mon désir, de ce qui m’intéresse et de ce que je ne comprends pas. C’est une façon pour moi de me rapprocher de l’autre, de ce que je ne serais jamais, de cette altérité qu’est la femme. Peut-être, que je fais aussi des films pour m’approcher des belles filles qui me snobaient quand j’étais ado au lycée (rires).

 

Les personnages féminins sont aussi une constante du cinéma d’horreur ?

L’héroïne de film d’épouvante est c’est vrai une grande icône de mon enfance. J’ai été très marqué par Mia Farrow dans Rosemary’s Baby, par Isabelle Adjani dans Possession ou encore par Catherine Deneuve dans Répulsion de Polanski. Elles ont énormément compté pour moi.

 

Cela vous amuse aujourd’hui de voir que par Mylène Farmer, un de vos films est traité par des médias qui ne se seraient jamais intéressés à vous autrement ?

C’est invraisemblable pour moi. Tout à l’heure, j’ai été interviewé pour le journal de TF1 dans lequel Mylène sera en direct. On plaisantait avec la journaliste que c’était l’arrivée de la contre-culture sur TF1 car il n’y a pas moins TF1 que mes films… Ceci étant dit, mes films je les fais pour tout le monde. Encore une fois je ne suis pas du tout sélectif dans ma tête avec un public qui serait supposé ou pas aimer ce que je fais. Je sais qu’un certain nombre mes films ont surpris des gens qui pensaient ne pas être fait pour ça. Si la présence de Mylène fait venir dans les salles des gens qui avaient soigneusement évité par préjugés le genre fantastique et l'épouvante, cela serait formidable.

 

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"La salle de cinéma doit rester une cathédrale sacrée où tout est possible. Y compris choquer, scandaliser les gens."

 

L’interdiction aux moins de 16 ans de Ghostland en France vous a surpris ?

Je n’ai pas été surpris car la commission de classification est en partie fréquentée par des associations de droite dure comme Promouvoir qui m’ont dans le collimateur depuis Martyrs. Ils n’ont pas du tout digéré Martyrs. Cela sentait le moins de 16 sur ce film. Il y a évidemment deux poids deux mesures. Quand Mel Gibson fait La Passion du Christ,qui est l’un des films les plus gores de l’histoire du cinéma, il écope d’un moins de 12 car ces gens-là ont envie que les petites têtes blondes françaises voient La Passion du Christ… Quand c’est un film de genre, il n’y a pas l’alibi culturel ou idéologique, et c’est moins de 16. Ce qui est en France une façon de limiter la carrière possible du film. Pour vous dire la vérité, je suis très dégoûté de tout cela. Parce que pour moi la salle de cinéma doit rester une cathédrale sacrée où tout est possible. Y compris choquer, scandaliser les gens. C’est un endroit sobre où l’on choisit d’aller. Si c’est voué à devenir comme la télé où chaque film est fait pour toute la famille, je n’irai plus en salles de cinéma. Je me contenterai de regarder les films de mon enfance sur mon écran.

 

Votre cinéma n’est pas un cinéma facile. Vos films bousculent le spectateur, le mettent mal à l’aise et laissent une empreinte viscérale chez lui. Ils s’imposent comme une expérience.

Je ne sais pas ce que l’on appelle le cinéma facile. Pour moi, mes films sont très faciles. C’est très facile de rentrer dedans, très facile de sortir de la salle avant la fin aussi (rires). C’est du cinéma qui se regarde et qui j’espère propose au spectateur de se positionner. C’est dans ce sens que je me sens un cinéaste classique. Je viens de l’école du point de vue où on doit savoir qui raconte l’histoire et où j’espère que le spectateur a toujours sa place. Le problème que j’ai avec beaucoup de blockbusters américains actuels, c’est qu’ils sont totalitaires. Ils essaient de nous asphyxier avec un débordement d’angles de caméra, de fric à l’écran, d’effets spéciaux à la minute, de surdécoupage. Je viens d’une école de cinéma classique, je suis passé par John Ford, Howard Hawks, John Carpenter où la tension était aussi déterminée par ce que l’on ne voyait pas à l’écran, où il y avait des choix, où les histoires étaient filmées à une seule caméra. C’est ce genre de sensation que j’aimerai redonner à goûter aux spectateurs, notamment aux plus jeunes qui ne connaissent pas ça.

 

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Quels ont été vos derniers coups de cœur au cinéma ?

Sur les trois derniers films qui m’ont bouleversé, deux ne sont pas sortis en salles mais directement en VOD ou Blu-Ray dans un anonymat total. Ce qui témoigne que les paradigmes que j’ai connu sont totalement en train de changer. Le premier est l'avant dernier film de Rob Zombie que personne n’a vu et que personne n’a aimé parmi ceux qui l’ont vu, The Lords Of Salem. Ce film je l’ai pris dans la gueule comme Suspiria de Dario Argento à l’époque.

 

Ce qui explique que vous citiez Rob Zombie dans Ghostland.

Oui tout à fait. Ce film de Rob Zombie m’a redonné confiance en l’horreur en tant que genre. Il fait partie de ces films très rares qui quand on rentre dedans, donnent l’impression de se retrouver dans le cerveau du metteur en scène. On prend conscience de sa folie, de sa déviance. Ce vertige quasi métaphysique je le ressentais si fort adolescent quand je regardais les films de Dario Argento.

 

Quels sont les deux autres ?

Il y a Bone Tomahawk avec Kurt Russell qui parvient à être un immense western et un immense film d’horreur. C’est un véritable tour de force d’avoir pu combiner les deux. Puis It Follows qui est sorti en salles et qui rassemble tout ce que j’aime, le ton mélancolique et le film d’horreur. Pour moi l’horreur a toujours été un genre mélancolique. C’est quelque chose qui retrouve les sensations que l’on a quand le soleil tombe, que le crépuscule arrive, quand on se sent cafardeux sans savoir pourquoi, ou durant ces longs dimanches après-midi d’hiver pluvieux quand on est enfant et que l’on se dit demain on va devoir retourner à l’école… Je n'ai jamais perçu l'horreur comme une façon de dégoûter, de provoquer ou de choquer le bourgeois. Je n’ai jamais pris l’horreur de haut ou comme un objet de kitsch mais comme quelque chose qui parlait de nous.

 

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"J’ai rencontré Jason Blum pour Sinister 2 et cela ne s’est pas bien passé. Je n’ai pas aimé l’être humain qu’il était."

 

On vous a proposé différents remakes aux Etats-Unis (Hellraiser) et des suites (Sinister 2) que vous avez toujours refusé. Pourquoi ?

J’ai travaillé pendant 4 mois avec les frères Weinstein sur Hellraiser. J’ai aussi rencontré Jason Blum pour Sinister 2 et la rencontre ne s’est pas bien passée. Je n’ai pas aimé l’être humain qu’il était. Je suis très étonné qu’un certain nombre de mes camarades français qui partent à Hollywood faire un film de commande reviennent très traumatisés par l’expérience américaine. On sait que c’est comme ça depuis la création des studios américains. Ils ont cette capacité à venir nous chercher soit disant pour notre originalité, pour ce que l’on est, pour au final nous demander d’être comme tout le monde. J’ai vite compris ça. J’ai joué ce jeu pendant un an après Martyrs, notamment 4 mois avec les frères Weinstein sur un remake de Hellraiser que je n’avais aucune chance de faire parce que toutes les raisons profondes de m’y intéresser dans le pur respect de l’œuvre de Clive Barker étaient tout de suite refusées par les Weintsein qui voulaient être mainstream. Pour moi être mainstream, à moins d’être James Cameron et d'être son propre producteur, c’est très compliqué quand vous avez une horde de quarante exécutifs derrière vous qui pour justifier leurs salaires disent moi je préfère ceci ou cela.  C’est à devenir fou. Je me sens trop français pour ça. Je suis très Godardien dans ce sens. Pour moi, il peut n'y avoir qu'un auteur et non pas dix.

 

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"On a oublié, mais la presse mainstream française m’a déchiqueté, insulté. Je me suis vu traiter de petit nazi par Paris Match, cela a été dur."


Martyrs fête ses 10 ans cette année. Vous êtes surpris du statut culte dont bénéficie le film aujourd’hui ?

C’est incroyable. Les gens sont surpris quand je leur dis qu’au début avec Martyrs, j’ai connu des moments de grande violence de la part des critiques et du public. Quand vous avez des bikers tatoués fans de films d’horreur qui veulent vous casser la gueule parce que même eux ils se sont sentis transgresser, vous vous posez des questions. On a oublié, mais la presse mainstream française m’a déchiqueté, insulté. Je me suis vu traiter de petit nazi par Paris Match, cela a été dur. Cela a pris du temps avant que le film ne s’impose au-delà du cercle réduit des "hardcore horror fans" des festivals marginaux. Mais cela a fait son petit bout de chemin jusqu’à un remake affreux par les américains. Je me suis retrouvé avec des papiers comme celui du New York Times qui explique comment Martyrs est l’un des films d’horreur les plus importants du 21e siècle. Celui là je l'ai envoyé à ma mère qui ne lit pas l’anglais (rires). Je me souviens qu’au moment du tournage de Martyrs à Montreal, qui a été très dur, je me disais "personne ne te pardonnera jamais ce film, tu le fais contre tout le monde, contre le public, assume le, il sera ton dernier film". Au final, il s’est passé tout le contraire.

 

Avez-vous d’autres projets avec Mylène Farmer ? Sur un clip, un film ?

J’adorerai. Dans l’immédiat, malheureusement non, elle est fort occupée avec son album. Mais j’aimerais en faire 10 ou 15 avec elle tellement les rapports artistiques et de travail sont évidents entre nous.

 

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