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Westworld : la saison 2 décryptée avec Jonathan Nolan et Lisa Joy - HBO/OCS

Le 10/07/2018 à 17:06
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La saison 2 de Westworld s'est achevée de façon magistrale sur OCS en France et HBO aux Etats-Unis. La série demeure une expérience télévisuelle hors norme aussi fascinante qu'éblouissante visuellement.
 
On a eu la chance de rencontrer les showrunners et créateurs Lisa Joy et Jonathan Nolan à Londres afin d'analyser cette saison 2 et leur soutirer des infos sur ce qui nous attend dans la future saison 3.
 
Westworld
 
Voici une retranscription par thématique de leurs propos.

 

Les grands thèmes de cette saison 2

Lisa Joy : Cette saison 2 a été une extension de ce que l’on a établi avec la saison 1. La saison 1 examinait la conscience. On a vu les hôtes se libérer, grandir jusqu’à développer leur propre autodétermination. Cette saison 2, ce fut "maintenant que vous pouvez choisir vos actes, qu’allez-vous en faire ? Qui allez-vous devenir ?" On découvre également le parc sous un autre angle. On a délibérément jouer sur les alliances alors qu’une véritable guerre est enclenchée. Les enjeux sont réels. Plus rien n’est fake. C’est ce qu’a toujours voulu l’homme en noir. Puis en scrutant le choix des personnages, on s'est mis face à des choix moraux personnels. Qu’est ce qui est juste de faire si on veut survivre ? Doit-on agir comme ceux que l’on déteste ? Doit-on les imiter ? Est-ce justifié ? Sur une note plus philosophique, on aborde le thème de l’immortalité. Pourrait-on créer une conscience similaire à celle d’un autre humain si on uploadait ses pensées, ses paroles ? Pourrait-on créer une immortalité digitale ? Cette saison 2 traite de tout cela.

 

 

Un puzzle scénaristique

Jonathan Nolan : Mon premier film était raconté à l’envers (Memento réalisé par son frère Christopher Nolan). Donc oui, j'ai une réelle passion pour les structures puzzle (rires).

Lisa Joy : La narration de cette saison 2 demeure complexe et très puzzle. Mais le jeu des timelines y est moins cryptique que dans la saison 1. Il est facile de comprendre où se situent les différentes timelines les unes par rapport aux autres.

 

Une saison 2 portée sur l'émotion

Lisa Joy : La clé de Westworld repose sur un niveau émotionnel. Même si on a du mal à saisir toutes les complexités scénaristiques, on comprend les décisions de Maeve. A son essence, cette saison est définie par ses histoires d’amour. Maeve dont l’amour pour sa fille la ramène au parc, ou encore Akicha et sa passion pour sa femme. Puis il y a la relation de Dolores et Teddy qui peuvent enfin être eux-mêmes.

 

Les épisodes préférés de Jonathan Nolan et Lisa Joy

Jonathan Nolan : Mon épisode préféré est forcément celui réalisé par ma femme, l’épisode 4. Ces scènes entre Peter Mullen et Ed Harris ensemble sont merveilleusement jouées et dirigées. Pour moi, ce moment entre eux deux a été très fort. Et c’est un épisode qui explique les 14 autres épisodes.

Lisa Joy : Ma scène préférée est une scène tournée par Jonathan, celle où Logan parle à Delos pour la dernière fois. Cette scène va hanter Delos toute sa vie. Je la trouve très forte émotionnellement. C'est un crève-coeur de voir ce playboy rongé par la douleur. On comprend mieux Delos par la suite. Cette séquence le rend humain et vulnérable.

 

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Les théories de fans sur Reddit

Jonathan Nolan : Lisa va régulièrement les consulter. J'y vais voir occasionnellement afin de voir si nos propos ont été bienn compris. Mais c’est fun. Le plus génial, c’est tout l’art qui est créé par ces fans inspirés par la série. Que cela soit les posters fan made ou la musique. C’est gratifiant. On a créé Westworld car c’est le genre de série que l’on avait envie de regarder. C’est pour cela qu'elle est aussi complexe et possède tant de niveaux de lecture. Il y a des années quand j’ai écrit Memento (son premier film réalisé par son frère Christopher Nolan) en voulant proposer le genre de film que je désirais regarder au cinéma. On ne sait jamais ce qui va plaire aux autres, mais on peut déjà créer ce l’on aimerait voir en espérant que d’autres auront les mêmes envies que nous.
 

Protéger les twists

Lisa Joy : On a la chance d'avoir un formidable cast et une formidable équipe. Ils sont tous aussi dévoués dans la série que nous. Dans ces conditions, cela n’est pas si difficile de garder le secret sur le scénario. Personne n’a envie de gâcher l’expérience du public.

Jonathan Nolan : On ne dit pas tout non plus à tout le monde. Dans la saison 1, on avait dû expliquer à Jeffrey (Wright - Bernard Shaw) qu’il était un hôte à cause des timelines différentes dans lesquelles il jouait. Il aurait été injuste qu’il n’est pas un temps d’avance sur le public et ne saisisse pas l’histoire de son personnage. Rachel Evan Wood (Dolores) par contre ne savait rien. Parce que l’on voulait qu’elle soit justement isolée. Pour cette saison 2, Evan a été au courant de tout dès le début. A Jeffrey par contre, on ne lui a pas dit grand chose. Pour qu’il soit aussi perdu que Bernard.

 

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La fin de la série

Lisa Joy : La fin d'une série est un exercice vraiment difficile et périlleux...bien que le début soit aussi extrêmement difficile (rires). J’ai en tête la fin. J’ai une image formidable qui est en même temps un crèv- coeur. En écrivant le pilote, on a établi les temps forts de la série. Sans savoir à combien de saisons on aura droit. Quelqu’un d’autre nous dira combien de temps il nous reste avant que l’on nous vire. Mais on a une idée précise de l’évolution de nos personnages. Et entre chaque temps fort, tu danses. La poésie arrive souvent à ces moments dans les collaborations avec les autres scénaristes.

 

La saison 3

Lisa Joy : Cette série traite de l’émergence d’une nouvelle forme de vie et des conséquences de cette apparition. On utilise cette histoire comme un miroir afin d’examiner la nature humaine. Au fur et à mesure que Dolores et les hôtes évoluent et se développent dans leur monde et dans notre monde, de nouveaux thèmes émergeront. On a consciemment transféré notre sympathie cette saison. Dans les westerns, qui sont une grosse influence, l’idée du mal contre le bien est très binaire. Il y a le cowboy au chapeau blanc et celui au chapeau noir. Ce que l’on souhaite avec Westworld, c’est plonger de plus en plus profondément dans la psychologie de nos personnages et exposer ces zones de gris. Il y a pas que le bien et le mal mais un entre deux qui dépend des situations.

Jonathan Nolan : On traite d’un monde né il y a 30 ans et on peut désormais voir où il en est 30 ans plus tard. Jusqu’ici l’histoire s’est déroulée essentiellement dans le parc. Alors que l’histoire continue, le défi futur va être de montrer à quoi le monde ressemble à l’extérieur et ce que Dolores et les autres vont y trouver.

 

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L'influence de Lost

Lisa Joy : Dès pilote, on a développé cet aspect mystère, à l'instar de la "mystery box" de Damon Lindelof qui faisait la richesse de Lost. Ce qui nous intéresse est de disséquer cette boîte mystère, de l’ouvrir, de la retourner et de comprendre comment elle fonctionne. Contraitement à Lost, chaque saison de Westworld offre des réponses. On a pour ambition de répondre aux questions.

Jonathan Nolan : Lost est une série incroyable et une référence pour nous. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai voulu rencontrer J.J Abrams et évoquer l'idée d'une série Westworld. Mais notre approche diffère dans le sens où l’on ne prévoit pas d’étendre notre histoire pendant des années. On est dans une période où l’on peut concevoir une série comme une franchise au cinéma. Un peu comme si chaque saison était un film. On a pas pour projet de travailler indéfiniment sur Westworld.

 

#metoo

Lisa Joy : On peut voir dans Westworld des échos à des mouvements actuels. Mais quand on imaginait la série et que l’on écrivait, ni moi ni Jonathan ne le pensions de cette façon. On essayait juste de faire vivre nos personnages et de ressentir ce qu’ils traversent. Pour qu’ils aient l’air aussi vivants et crédibles que possible. Est-ce cela est influencé par le fait de vivre dans notre société et de constater la manière dont les gens sans pouvoir sont traités par ceux qui en ont ? Bien sûr. Cela fait parti de notre époque. Ce n’est pas de la fiction que les femmes sont maltraitées et harcelées. Ce n’est pas de la fiction que l’homme a un côté sombre, qu’il y a de la violence dans les relations entre homme et femme mais aussi entre hommes et entre femmes. En tant que scénaristes, on est attentif à la condition humaine et on souhaite que nos personnages paraissent réels et que leurs interrogations résonnent avec celles des spectateurs. Quand tu écris sur Maeve ou Dolores, tu t’inspires de gens que tu connais ou de la personne que tu as été. Ce n’est pas qu’une gestion de sexe. Homme ou femme, on s’est tous certainement senti victime d’un système écrasant. Teddy est un autre exemple de victime dans ce monde. Et c’est un homme. Mais il joue un rôle comme tous les autres et il n’a pas le choix. Cette série n’est pas là pour traiter de la société et de sa maux mais on aborde nos personnages comme des êtres humains à part entière avec leurs douleurs, leur solitude, leur noirceur et leur luminosité.

 

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La scène post-générique

Lisa Joy : C’est un extrait de quelque chose que l’on sera amener à explorer dans le futur. C’est une timeline qui est ancrée dans le futur. Ce qui nous a attiré dans cette histoire d’intelligence artificielle est l’immortalité. Cette scène expose brièvement ce vers quoi on souhaite s’orienter. William a bien tué sa fille dans l'épisode 9. L'homme en noir est rongé par le doute. Peu à peu, il devient fou, incapable de différencier ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. Son rôle dans cette saison fait écho aux hôtes d'une certaine manière. Il est coincé dans une boucle qu'il ne comprend pas. Il commence à s'interroger sur sa propre réalité (ce qui explique qu'on le voit fouiller son bras à plusieurs reprises - ndr)... Il a tué sa fille tandis que Dolores a cherché une issue vers l'extérieur. Il a fait un choix et il s'est trompé. Cette scène finale montre qu'il est forcé à revivre ce moment, encore et encore. Et à chaque fois, il prend la même décision. Il tue sa propre fille.

 

Oui au western, non aux super-héros

Jonathan Nolan : J’espère vraiment que l’on va se débarrasser des films de super-héros. A un certain point du moins, même si certains sont bons. Mais c’est ainsi que fonctionnent les modes. Avec Westworld, on puise énormément dans les westerns. C'est un genre qui a eu une longue durée de vie des années 30 aux années 60. Je ne pense pas que les super-héros, qui sont aujourd'hui déclinés au cinéma mais aussi en séries, survivront aussi longtemps. Ayant contribué aux films de super-héros plusieurs fois, je ne les vois pas bien vieillir. Ils seront très vite datés. Il y a quand même un truc étrange à voir des types en costumes moulants mettre des raclées aux autres. Mais le film de western nous fascine toujours autant. Et c’était l’une des choses les plus terrifiantes quand on a lancé la série,  à savoir utiliser le western alors que ce n’est plus un genre dans l’air du temps. Lorsque Michael Crichton a tourné Mondwest en 1973, 1974, le western était déjà en voie d’extinction. Mais pour lui tout comme nous, c’est un genre tellement riche et simple. J’ai grandi avec les films de Sergio Leone, les westerns spaghetti.

 

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La musique

Jonathan Nolan : Je sélectionne les chansons que l'on utilise puis Ramin Djawadi lers réarrange. Mon passage musical préféré cette saison a été la reprise du Wu-Tang Clan, C.R.E.A.M.

 

L'intelligence artificielle

Jonathan Nolan : C’est un sujet qui a guidé trois de mes projets. Person Of Interest, Interstellar, puis Westworld. C’est J.J Abrams qui nous a contactés, afin de développer cette série. 20 ans auparavant, il avait discuté avec Michael Crichton au sujet d’un remake mais n’était pas parvenu à trouver la bonne approche. Puis J.J a eu l’idée d’une série télé et nous a appelés. On en a discuté entre nous. Le point de vue de Lisa est que Westworld incorporait tous les thèmes qui nous intéressaient, de la réalité articificielle, à l’intelligence artificielle, à la conscience artificielle et la nature humaine qui m’a toujours fasciné. De quoi sommes nous faits?  Qu’est ce qui guide nos choix ? Tout cela est très mystérieux. Aborder ces thèmes en dévoilant une créature faite à notre image était irrésistible. C’est vraiment le sujet sur lequel je veux écrire. On spécule dessus depuis 30, 40, 50, 70 ans. Il ne nous reste que quelques années pour imaginer avec la science-fiction ce que la science parviendra à faire. C’est la même chose avec les voyages dans l’espace. Il nous reste encore peu de temps afin de spéculer avant que la science ne nous rattrape ou que les aliens se pointent et nous demandent d’arrêter de parler de tout ça.

 

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Ed Harris & Anthony Hopkins

Lisa Joy : Ce qui est génial de bosser avec eux, c’est qu’ils sont capable de tout. Hopkins peut mémoriser 8 pages de script sans oublier une virgule et te livrer des performances éblouissantes. Ed est si méticuleux et perfectionniste. Il est tellement soucieux que sa performance soit la bonne. Ils ont été tels qu’on les imaginait. Et vous n’avez pas entendu de la vraie poésie, tant que vous n’avez pas entendu Anthony Hopkins en réciter. Moi qui suis fan de poésie, j’étais en transe. Entre les prises, Anthony clame des textes entiers. C’est envoûtant.

 

Westworld saison 1 et saison 2 est disponible sur OCS.

 

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