Au Pays du Sang et du Miel
Le 27/01/2012 à 16:48Par Camille Solal
Notre avis
Au Pays du Sang et du Miel : Critique
Au Pays du Sang et du Miel est un film qui aurait pu passer inaperçu s'il avait été réalisé par n'importe quel réalisateur d'Europe de l'Est. Mais il faut bien avouer que la réception du film est lié à son attrait principal : sa scénariste et réalisatrice Angelina Jolie. Après tout, quelle légitimité peut avoir l'actrice la mieux payée d'Hollywood, fille d'une star de cinéma et qui forme avec Brad Pitt le couple le plus glamour de la planète ? A priori rien si on ne connaissait pas parfaitement sa nature philantrope via son implication dans diverses et nombreuses actions humanitaires dans les pays du tiers monde. Pour son premier film, Angelina sait très bien que son travail sera analysé, décortiqué voire facilement dévalorisé mais peu importe, son but n'en demeure pas moins aussi immuable que ses prises de positions politiques : conter une tragédie moderne qui se devait d'être mise en lumière, enfin.
Pourtant la guerre de Bosnie est un sujet très sensible, en attestent les nombreuses pressions publiques et politiques qu'ont dû subir l'actrice et son équipe durant le tournage. Bien entendu, si Jolie a dû défendre son scénario (accusé de narrer l'histoire d'amour entre une femme violée et son agresseur), c'est aussi et surtout parce qu'il est un véritable pamphlet à l'encontre de la communauté internationale, soulignant son évidente passivité lors du conflit. Si l'actrice ose accuser ouvertement le manque d'implication de certains pays majeurs, son scénario ne s'embarrasse pourtant pas d'enjeux politiques et économiques complexes. Elle préfère ainsi se focaliser sur la violence de la nature humaine, par le biais de l'histoire d'amour tragique entre Danijel le soldat serbe et Ajla la prisonnière bosniaque, quelque part entre meurtres, viols et tortures. Car au-delà de ces paysages en ruines où règnent la peur, la faim et la mort, la scénariste qu'est Angelina Jolie n'en oublie pas de construire une histoire solide et particulièrement prenante, via cette relation terriblement complexe et ambigüe qui lie ces deux protagonistes principaux. Le tout est souligné par un choix d'une réalisation "intimiste" qui évite tout effet de style superflu et permet de rester proche des personnages, de leur quotidien et de leurs souffrances. Ainsi, que ce soit des images d'une terre désolée en proie à l'horreur et oubliée du reste du monde ou celles des murs de la prison, chaque élément (les décors autant que la lumière et les costumes) participe à un sentiment anxiogène et particulièrement oppressant. Inconsciemment, le spectateur se retrouve presque autant prisonnier que les protagonistes à l'écran et se sent donc particulièrement concerné par cette tragédie et par leur destin.
Pourtant le pari n'était pas gagné d'avance. Le fait qu'Au Pays du Sang et du Miel soit conçu et porté par une star de la trempe d'Angelina Jolie se révèle à double tranchant. Car l'ombre de la star plane sur l'intégralité du long-métrage, au point qu'il semble à priori bien délicat pour le spectateur de véritablement rentrer dans l'histoire tant son attention peut aisément être portée sur le travail de la belle (cadrages, dialogues, montage, direction d'acteurs, etc.). On peut ainsi regretter son apparition lors de l'introduction du film, présentant face caméra la note d'intention de son projet, une séquence qui nous fait nous demander si ne se trouve pas là la limite que la réalisatrice n'aurait pas dû franchir afin de laisser une chance à son film de trouver sa vraie identité. Fort heureusement, l'actrice arrive à passionner avec un scénario qui évite soigneusement les clichés tout en faisant fi de la complexité de l'histoire des Balkans. Ainsi, entre crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, les deux personnages naviguent comme des âmes en peine, poussés et repoussés par des émotions violentes et par un pouvoir politique qui jouent avec leur vie et leur destin tel des pantins. Et Angelina Jolie de nous faire comprendre que tout ceci doit s'arrêter, maintenant.