L'Ange du Mal
Le 07/09/2011 à 10:00Par Camille Solal
De L'Ange du Mal on retiendra la performance exceptionnelle de Kim Rossi Stuart, la mise en scène maitrisée de Michele Placido et la reconstitution soignée de l'Italie des années 70. De quoi regretter un personnage principal particulièrement insaisissable, un fil narratif qui zappe sans vergogne son ascension dans le grand banditisme et une représentation trop peu exhaustive du contexte politique et social de l'époque. Découvrez ici la critique de l'Ange du Mal.
Critique L'Ange du Mal
Dire qu’on attendait le nouveau film de Michele Placido avec impatience relèverait de l’euphémisme. Après tout quoi de plus excitant que l’histoire vraie du plus grand gangster italien racontée par le réalisateur de Romanzo Criminale ? Rien, si ce n’est peut-être que chez nous, en France, est sorti il n’y a pas si longtemps que cela le diptyque L’instinct de mort / L’ennemi public numéro un basé sur "notre" plus grand criminel. Et si l’on pouvait de prime abord redouter une comparaison évidente avec Romanzo Criminale, c’est bien avec l’histoire de Mesrine que se croise le destin cinématographique de cet ange du mal.
Certes, chaque homme a son histoire et chaque gangster a son passé. Et si on sort de la séance de L’Ange du Mal avec ce sentiment flou mais diablement prégnant d’avoir déjà vu ailleurs pareil destin (et pareilles scènes comme celle de l’arrestation avec la carte de l’agent de police glissée dans l’embrasure de la porte), ce n’est pas tant la faute de Michele Placido que celui des codes immuables du genre. Alors oui, en tant que film de gangster tout y est : attaques à mains armées, fusillades en pleine rue, courses poursuites effrénées, guerres de clans meurtières, oppositions musclées avec les forces de l’ordre, trahison fraternelle, emprisonnements, évasions, argent facile, filles de luxe, etc. Néanmoins, s’arrêter à ces figures attendues nous ferait passer à côté de ce qui fait la vraie force de L’Ange du Mal : son interprétation et sa mise en scène sans failles.
Dès la première séquence, l’évidence saute à nos yeux : l’acteur Kim Rossi Stuart portera le film sur ses épaules de la première à la dernière seconde. L’acteur est définitivement l’attraction du film. Sa performance, tout en nuance, éclipse les autres acteurs et, à lui seul, Rossi Stuart affirme (s’il le fallait encore) que rien ne sert de se créer des manières pour composer un personnage charismatique. Pourtant il n’est pas si aisé pour lui de remporter l’adhésion du spectateur tant la caractérisation de son personnage se révèle être la plus grosse faiblesse du film.
En effet, en ne prenant pas suffisamment le temps de dévoiler le passé de Renato Vallanzasca, le personnage perd autant en empathie qu’en identification. De ce fait, un mur infranchissable se dresse au fil du film entre, d’un côté, la psychologie cloisonnée du personnage et, de l’autre, un spectateur qui n’aura de cesse de s’interroger sur la portée des évènements qui se déroulent sous ses yeux. Inutile donc de se demander comment cet Ange du Mal en est arrivé à diriger des hommes arme au poing comme un chef d’orchestre puisque nombre de nos questionnements demeureront sans réponses. Ainsi, le spectateur aura parfois l’amère impression d’être délaissé, abandonné sur le bas côté d’une histoire, d’un pays, d’une époque, d’un contexte politique et social que le scénario n'aidera guère à cerner.
Pourtant, si l'on ne comprend pas toujours clairement les actions et ambitions de Vallanzasca et de sa clique, ce dernier suit un cheminement narratif suffisamment intéressant pour captiver l’audience jusqu’à sa conclusion -on pense notamment à la rivalité meurtrière entre Vallanzasca et Turatello qui évolue de manière drastique lorsque les deux hommes se retrouvent entre les murs de la même prison-. Michele Placido profite en effet d’une reconstitution extrêmement soignée pour développer une mise en scène dynamique qui arrive à magnifier Kim Rossi Stuart tant dans le côté humain du gangster (sa relation avec sa femme Consuelo) que dans ses failles, sa folie et sa terrible violence. Ainsi, quelque part entre les casses, les fusillades, les kidnappings et autres règlements de comptes se dresse avant tout le portait d’un homme seul, marqué très jeune par le suicide de son frère et dont le destin tragique s’illustre au coeur d'un film noir, sans concessions, froid et efficace.
Article publié le 17 juillet 2011.