La Traque
Le 28/01/2011 à 17:45Par Arnaud Mangin
Improbable film de monstre made in France recyclant quelques recettes efficaces des séries B américaines des 80's, Proie a le mérite d'être d'être l'un des rares essais de chez nous qui tiennent la route sans basculer dans le ridicule. On aurait seulement souhaité un brin d'originalité, histoire d'être autre chose qu'un film qui se laisse juste suivre, mais l'exercice est encourageant.
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Critique La Traque
Oui, et encore oui, on se lance à la découverte d'un film de genre français en trainant les pieds. La faute à la qualité intrinsèque de la plupart d'entre eux et de la majorité de leurs créateurs, perdus dans un tout petit on ne sait quoi, qui font que les réussites sont d'une grande rareté. Et comme si le constat se mordait la queue, les on-dit ont fini par devenir un adage à part entière : chez nous, ça ne fonctionne pas. Par conséquent, c'est sans grand enthousiasme que l'on se rend au visionnage de Proie, surtout avec son postulat aussi alléchant que casse-gueule (on en parle plus bas), pour finalement ressortir de là avec une satisfaction particulièrement inattendue. A défaut de regarder un grand film, on a au moins la chance d'assister à un petit bout de péloche parfaitement réussi dans son genre, qui tient solidement la route, conçu sans cynisme et jamais ridicule. Autant dire qu'il contourne le tapis dans lequel la plupart des essais précédents se sont pris les pieds... Aux Etats-Unis, Alexandre Aja fait un bis avec des petits poissons carnivores. en France, le film de monstre champêtre parvient à exister.
La réussite essentielle de Proie, c'est qu'à aucun moment le créateur (ici le réalisateur Antoine Blossier, qui signe son premier film) ne regarde son œuvre de haut et s'efforce de lui donner vie avec le plus grand respect. Un respect du genre, d'abord, qui accepte tout de go son statut de divertissement un peu bis avec des gros monstres sans pitié et de pauvres nababs qui essaient de leur échapper, sans jamais le justifier par une intellectualisation de bazar de dernière minute. Un respect de soi ensuite puisque, malgré l'énormité du propos, il ne s'en moque jamais et joue le jeu totalement à fond du début à la fin avec un premier degré appréciable. Il y avait pourtant de quoi faire avec ce survival dans une exploitation agricole où, une famille de chasseurs partis capturer une sale bête semant le trouble, se retrouve face à une meute de sangliers surdimensionnés, dont l'organisme a été modifié par les fuites toxiques d'une centrale nucléaire. Non seulement ce type de programme est quasiment inédit chez nous (un film avec des acteurs français qui bloquent une porte avec des monstres derrière, ça court pas les rues) mais en plus ça fonctionne.
Loin d'un mouvement geek autoproclamé où certains fantasment un peu trop leur envie de se confondre avec leurs références que sont Carpenter, Hooper ou Romero, Blossier garde à l'esprit que son film passe avant lui et sa propre collection de DVD de films d'horreurs. Et si références on devrait y déceler, ce ne seraient pas forcément les plus faciles. Conservant une texture très franco-française avec une approche très rêche d'une situation qui peut dégénérer, on pense un peu à La Traque de Serge Leroy pour l'annihilation de la morale qui croiserait la route de Predator de John McTiernan pour son retour radical à la bestialité. En poussant le vice un peu plus loin, il émerge de tout ceci un petit côté Tremors rural et bien évidemment le Razorback de Russel Mulcahy avec qui il partage bien des choses. La nature même de ses créatures, évidemment, mais également sa mise en scène suggestive qui nous renvoie à l'âge d'or de ce type de cinéma (les 80's, donc) où les grosses bêtes redoublaient de frayeur en ne se dévoilant que par morceau, avant l'ère du démonstratif numérique.
Evidemment, Proie n'est pas exempt de défauts, à cause d'un rythme inégal et de péripéties trop balisées pour surprendre, mais le film maintient la tête hors de l'eau en évitant constamment de tomber dans le mauvais goût. Si l'on ajoute à cela une construction formelle intéressante, en particulier sa photographie (qui passe du basique de jour à très stylisée une fois la nuit tombée) et surtout une bande son vraiment maligne en ce qui concerne les interventions du bestiaire, on se retrouve avec l'un des rares du genre en France à ne pas susciter de moquerie. Mieux que ça, certainement l'un des seuls à provoquer un ou deux petits coups de flippe bien sentis. C'est quand même pas mal.