L'Echange
Le 12/11/2008 à 18:50Par Elodie Leroy
Ce qu'il y a de plus stupéfiant dans cette nouvelle réussite de Clint Eastwood, c'est certainement l'histoire qui y est racontée. Plantant son décor dans un Los Angeles des années 20 minutieusement reconstitué à l'écran, L'Echange s'impose à la fois comme un thriller remarquablement écrit et un drame poignant. Si la réalisation irréprochable en devient parfois presque académique, le film fait mouche pour pointer la corruption de la police de l'époque sans pour autant négliger le vécu de son personnage principal, magistralement interprété par Angelina Jolie. Parions que cette dernière ne sera pas oubliée aux Oscars...
Les événements décrits dans L'Echange peuvent paraître invraisemblables sur le papier, et pourtant ils s'inspirent de faits réels. Le scénariste J. Michael Straczynski, ancien journaliste au Los Angeles Times, n'y a lui-même pas cru lorsqu'il a eu pour la première fois connaissance de l'affaire Christine Collins. Cette femme dont le fils de neuf ans a été kidnappé et à qui la police a restitué un enfant qui n'était pas le sien, faisant pression sur elle pour qu'elle accepte la substitution sous peine d'être internée en asile psychiatrique. Aussi difficile à avaler que cela puisse paraître, cette histoire est bel et bien véridique. C'est certainement là l'aspect le plus impressionnant de ce nouveau film de Clint Eastwood, mélange brillant de drame et de thriller qui, en plus de s'intéresser une fois de plus à un enlèvement d'enfant - tout comme Un Monde Parfait et Mystic River -, met en évidence la corruption qui régnait alors au sein des autorités de Los Angeles.
L'affaire Christine Collins a fait date puisqu'elle a rien moins que provoqué l'effondrement de la municipalité locale à son l'époque. L'Echange brasse ainsi des thématiques plus larges que le simple destin de son personnage, dévoilant au passage non seulement les abus policiers mais aussi les internements abusifs de femmes ou encore la violence sordide des traitements en hôpital psychiatrique. Mais comme c'est souvent le cas dans les films de Clint Eastwood, ce que l'on retiendra le plus, c'est avant tout la dimension humaine, en l'occurence ici le parcours de son personnage central. Victime d'une machination inconcevable, Christine Collins ne tombe pas dans le cliché de la mère-courage et parvient à susciter d'un bout à l'autre une rélle empathie, dans les scènes où elle exprime sa détresse face au discours révolant du commissaire, comme dans les moments très perturbants où elle fait face à l'enfant imposteur. Jolie délivre une performance d'actrice qui ne s'appuie nullement sur des effets tire-larmes, soigneusement évités par le réalisateur. L'occasion pour la comédienne de rappeler une fois encore, un an après le Un Coeur Invaincu de Michael Winterbottom, que son jeu ne se résume pas à une présence charismatique mais possède de multiples facettes et une puissance hors du commun - pour notre part, nous l'avions deviné dès 1999 avec Une Vie Volée de James Mangold.
Clint Eastwood soigne son univers visuel à travers un travail de reconstitution d'une richesse renversante, les costumes et les décors du Los Angeles des années 20 se voyant sublimés par la splendide photographie de Tom Stern - un habitué de l'équipe du cinéaste depuis 2002. Mais si L'Echange s'avère plastiquement irréprochable, on pourra aussi lui reprocher un certain académisme, la réalisation élégante et précise de Clint Eastwood conférant presque à certaines séquences un caractère un peu trop démonstratif, là où elle soulignait l'intensité émotionnelle dans un film comme Million Dollar Baby. On reste néanmoins tellement impressionné par l'ampleur des ambitions, stupéfait par cette histoire cruelle et bluffé par l'interprétation d'Angelina Jolie que L'Echange se place sans difficulté dans le haut du panier parmi les oeuvres de son auteur.