Minuit à Paris
Le 12/05/2011 à 12:35Par Aurélie Vautrin
Depuis quelques années, Woody Allen a changé de cap. En quittant son New York bien aimé pour se balader en Europe, à Londres, à Barcelone, à Rome bientôt, il a troqué ses névroses pour d'autres toutes aussi alambiquées, a fait monter la température, s'est parfois perdu en route, tentant le drame ou les grandes diatribes mal calibrées. Mais aujourd'hui, près de quinze ans après Tout le monde dit I Love You il plante à nouveau ses caméras à Paris, et notre chère capitale n'a jamais été aussi belle. Un Paris de carte postale, où l'on dort au Ritz, batifole au Café de Flore, s'extasie aux puces et rêve de visiter Veursailles... Une vision forcément fantasmée, affreusement clichée, mais que l'on accepte volontiers car c'est bien un conte filmé que l'on est en train de regarder. Car Woody Allen a gardé secrète la véritable histoire, et c'est tant mieux. Car quand se dévoile les vrais enjeux de Minuit à Paris, on se laisse porter par ce rêve où se mélange les époques, les envies, les rêves, passant des frissons aux sourires pour un tour de manège aussi surréaliste qu'envoûtant.
Si la petite introduction pourra faire grincer des dents ceux qui arpentent Paris quotidiennement, le charme opère finalement très vite lorsque l'on comprend le véritable but du film. Comme au théâtre, les décors sublimes se succèdent, les musiques nous transportent dans un autre monde, et les acteurs s'offrent tout entier dans un défilé de personnages mythiques dans tous les sens du terme. Ainsi, sans vous dévoiler leurs rôles ni leur incidence sur l'histoire, pour garder le rêve secret, on y croise pour un instant un Adrien Brody tout simplement épatant, un Gad Elmaleh parfait, une Léa Seydoux charmante... Des petites touches qui viennent transformer l'ensemble en une friandise sucrée à savourer tout doucement pour en préserver chaque arôme. Mais le film ne serait pas le même sans Owen Wilson qui, s'il enchaîne les comédies comme les autres les Granola, trouve ici l'un de ces meilleurs rôles. Les mimiques, la gestuelle, la manière de s'exprimer, le comédien réussit à nous offrir une version bigrement allenienne du personnage si attachant. Sans oublier Marion Cotillard qui a décidément mis l'Amérique à ses pieds (« Vous avez le plus beau visage du monde » lui déclare même Owen Wilson !) Certes, Woody Allen n'évite pas certaines caricatures, mais par des pirouettes habiles, il se joue avec brio des clichés, des anachronismes, des préjugés. Alors, grâce à un texte toujours aussi bien ciselé, des personnages d'une extrême profondeur, on navigue de surprises en surprises, en cherchant les clins d'oeil, les références, tout en laissant notre esprit se perdre avec délice dans cette vision de la vie, du présent, du passé, du futur, de l'art, de la petite et la grande Histoire.
En rupture avec ses derniers opus en date, Minuit à Paris nous offre sur un plateau d'argent un Woody bigrement inspiré par ses turpitudes sentimentales – un cinéaste ô combien prolifique qui réussit la gageure de faire à la fois un véritable retour aux sources, et à se renouveler d'une manière presque magique. Sans aucun doute son meilleur film depuis Match Point.