Mon père est femme de ménage

CRITIQUE FILM : MON PÈRE EST FEMME DE MÉNAGE

Contrairement à ce dont son titre peut laisser présager, Mon père est femme de ménage ne parle pas de père, mais plutôt de fils. En l'occurrence Polo, un jeune garçon lambda qui tente de mener son petit bonhomme de chemin, en supportant tant bien que mal une famille qui - comme c'est souvent le cas à cet âge-là - l'embarrasse un peu trop à son goût. Entre son père qui fait des ménages en philosophant comme un vieux réactionnaire, une mère paralysée des jambes qui passe ses journées à regarder la télé et une sœur dont le rêve est de devenir Miss France (ou Miss Nationale, au choix), le pauvre Polo a bien du mal à franchir le cap de l'adolescence. D'autant que dans sa cité de banlieue, de l'autre côté du périphérique, les rêves et les aspirations ne sont pas les mêmes pour tout le monde... Sur le papier, Mon père est femme de ménage avait donc tout de la peinture sociale filmée à hauteur de jeune, comme on a pu en découvrir un bon paquet en France ces dernières années (avec plus ou moins de réussite). Le canevas est connu donc, voire usé, et il ne trouvera son salut que par la manière dont la réalisatrice Saphia Azzedine traitera son sujet, et par la capacité des comédiens à nous rendre attachant cet archétype de famille de prolo. Bonne nouvelle, c'est précisément sur ces deux points que Mon père est femme de ménage parvient à séduire.

Adaptation du roman éponyme écrit par Azzeddine elle-même, Mon père est femme de ménage s'offre à nous comme une petite parenthèse de vie (quelques années dans la vie d'un jeune) on ne peut plus attachante. Attendrissante même, puisque là où d'aucuns se seraient pris les pieds dans le tapis en dressant un tableau pathos de cette famille touchée par la crise, la réalisatrice parvient ici à nous faire sourire - voire rire - de sujets graves. Le chômage, la misère, le racisme, l'échec scolaire, autant de thèmes effleurés qui auraient pu plomber le film, mais qui se révèlent ici comme autant de territoires de jeux pour rendre sympathique un univers à première vue pas folichon. La qualité d'écriture d'Azzeddine y est pour beaucoup, puisque l'on se délectera sans retenue des nombreux dialogues savoureux du film, en particulier tous ceux de François Cluzet (la femme de ménage donc), qui nous chatouille les zygomatiques à chacune de ses interventions. Il n'est d'ailleurs pas le seul dans ce cas, puisque l'on retiendra également les quelques scènes "façon beaux gosses" des amis de Polo, ainsi que performances hilarantes de Nanou Garcia (la mère) et d'Alisson Wheeler (la soeur), toute les deux irrésistibles dans leur rôle respectif. Et puis que dire une nouvelle fois de la performance du jeune Jérémie Duvall, qui après nous avoir séduit dans l'excellent Le fils à Jo de Philippe Guillard, s'impose véritablement comme la révélation masculine de l'année. Bref, Mon père est femme de ménage s'impose comme un excellent film de comédiens et de dialogues, justement écrit et parfaitement interprété. Que demander de plus ?

Date de première publication : 2 mars 2011 à 13h41