Toi, moi, les autres
Le 22/02/2011 à 09:07Par Maxime Chevalier
Essayez d'imaginer une comédie romantique et musicale façon Roméo + Juliette, matinée d'un discours social sur l'expulsion des sans papiers, quelque part entre le cinéma de Spike Lee et Bollywood, et vous obtiendrez peut-être un aperçu de ce qu'est Toi, moi, les autres. Généreux, passionnel et engagé, mais hélas parfois un peu naïf et manichéen, ce deuxième film de la jeune Audrey Estrougo a néanmoins la sincérité d'assumer jusqu'au bout son postulat et de le mettre au service d'un propos pas inintéressant. Et puis Leila Bekhti et Cécile Cassel, comme d'habitude, sont sublimes...
Découvrez ci-dessous la critique de Toi moi les autres
Dans le cinéma français contemporain, on peut facilement compter les comédies musicales sur les doigts de la main. Idem sur les films dont la portée sociale résonne avec des sujets d'actualité, et non pas avec de vagues histoires ayant 15 ans de retard. Alors un film qui combinerait les deux, vous pensez bien que c'est aussi rare qu'une pluie de grenouilles. Et pourtant ... Pourtant, voilà que déboule sur nos écrans Toi, moi, les autres. Deuxième film de la jeune réalisatrice Audrey Estrougo (Regarde-moi), Toi, moi, les autres pourrait être décrit comme un melting-pot de comédie, de romance Shakespearienne, de variété française façon Radio Nostalgie et de drame social sur fond d'expulsion de sans-papiers. Dis comme ça, on peut en effet avoir peur. Il est vrai que, mal dosé, ce mélange aurait eu vite fait de se transformer en un ignoble gloubiboulga. Fort heureusement, il n'en est rien.
Reprenant dans ses grandes lignes le postulat de Roméo et Juliette, Toi, moi, les autres narre la rencontre de Leila (Leila Bekhti) et Gab (Benjamin Siksou), deux êtres que tout sépare mais qui, bien entendu, vont vivre passionnément une belle histoire d'amour. Elle, une jeune fille d'immigrés qui essaie tant bien que mal d'éviter les pièges que lui tend sa vie. Lui, un fils de préfet de police fiancé à une jolie bourgeoise (Cécile Cassel) qu'il doit bientôt épouser, plus par intérêt que par amour. Les ficelles sont usées mais tiennent toujours. Et donc, la romance fait mouche, pas tant par son côté bluette exacerbé que par la mise en scène aérienne d'Estrougo et le talent et la beauté de ses protagonistes. Bekhti (révélée dans Des poupées et des anges avant d'exploser dans Tout ce qui brille) confirme une nouvelle fois son immense talent. Siskou de son côté, fait des débuts prometteurs. Ensemble, grâce à leur présence et à leur voix, ils parviennent à tenir sur leurs épaules ce concept de comédie musicale ultra casse-gueule, où l'on chante aussi bien du Zazie et du Téléphone, que du Daniel Balavoine ou du Michel Delpech. Les allergiques à RFM pourront passer leur chemin. Les autres sauront apprécier ces petits moments de tendresse à la musicalité simple, efficace et parfois même bouleversante (on pense au sublime "Un autre monde", chanté par Marie-Sohna Condé).
Et si tout cela est possible, c'est parce que l'on sent que le but du film (et donc d'Audrey Estrougo) est avant tout d'offrir au spectateur une émotion sincère, et non pas frelatée par un quelconque second degré qui prendrait obligatoirement de haut les genres abordés (la romance, la comédie musicale). A la question : "la musique peut-elle changer le monde ?", le film donne d'ailleurs, dans son final, une réponse sans équivoque. Une réponse naïve ? Peut-être. Mais comme disait Hugo : "la naïveté est le visage de la vérité". Et l'on regrettera plutôt que Toi, moi, les autres ne fasse pas preuve d'une grande finesse lorsqu'il s'agit de faire dans le social. En effet, celle qui avait réussi à dépeindre avec justesse et virtuosité la jeunesse de banlieue dans Regarde-moi se prend un peu les pieds dans le tapis en dressant un portrait un brin manichéen d'une situation un peu plus complexe que "il y a les gentils immigrés d'un côté et les méchants policiers de l'autre". Si l'on apprécie la sincérité et les convictions, on aurait sans doute aimé davantage de nuance. Un léger bémol qui n'atténue cependant en rien le fait que Toi, moi, les autres est une œuvre résolument humaine, comme on a rarement la chance d'en voir chez nous.
Article publié le 28 janvier 2011