Tree of Life
Le 17/05/2011 à 08:44Par Aurélie Vautrin
Tree of Life ne s'écrit pas, ne se décrit pas. Il se vit. Car avant d'être un réalisateur, un scénariste et un (merveilleux) metteur en scène, Terrence Malick est un artiste. Un artiste avec dix milliards d'images en tête, des idées qui bouillonnent sans cesse et une vision du cinéma toute personnelle. Alors quand il s'intéresse à l'origine de la vie sur Terre, pour mieux en comprendre le sens (question qui revient finalement dans chacun de ses films), il nous livre une œuvre qui ne ressemble à rien de connu. Évidemment, on pense rapidement au maître Stanley Kubrick, mais Tree of Life sait aussi se démarquer pour livrer son message d'une simplicité presque vulgaire comparé aux métaphores et autres allégories bigrement complexes qui le parsèment... L'éternelle, l'inexorable question du "Pourquoi ?" - pourquoi sommes-nous sur Terre, pourquoi Dieu donne et reprend sans prévenir, pourquoi serais-je bon alors qu'Il ne l'est pas ? Terrence Malick, en deux ex machina, derrière sa caméra, nous répond : "Aime sinon la vie filera en un éclair".
Car Tree of Life est un film sur la vie, sur la mort, sur le deuil, la perte d'un enfant, l'amour d'un père et la colère d'un fils. Du concret, du solide auquel se raccrocher, car l'introduction, comme la conclusion façon shining happy people sur la plage, baignent dans des métaphores mystiques qui ont de quoi laisser sceptiques. Des méduses, des molécules et des dinosaures (!), des cascades, des éruptions, de la lave en fusion, une éclipse et les anneaux de Saturne, le big bang, des tâches d'encre façon tests de Rorschach et des fonds d'écran Microsoft, le tout entrecoupé d'images noires qui ont le chic pour briser la rêverie.
Une parenthèse diablement surréaliste dont on a du mal à comprendre l'intérêt réel dans l'histoire – d'autant que Malick se permet alors un immense bond dans le temps, des brontosaures à cette famille dans l'Amérique des années 60, une mère aimante mais passive (troublante Jessica Chastain), un père aimant mais brutal (Brad Pitt, plus vrai que nature). Un père qui refuse de laisser ses enfants passer à côté de leur vie comme ce fût le cas pour lui. Et si la voix off, incessante, nous ramène au message philosophique, Terrence Malick excelle véritablement dans la captation de moments de vie, des sourires, des rires des enfants, leurs peurs, leurs regards chargés de reproches, de haine, de colère, d'espoir aussi. Des moments parfois si vrais qu'on pourrait simplement croire la caméra posée là, dans un coin, pour filmer la vie. Peu de dialogues, beaucoup de silences et de non-dits... D'ailleurs, le texte de Sean Penn doit tenir sur une page et demi. Mais une telle puissance dans les images qu'on en a encore la tête qui tourne. En revanche, que ceux qui s'attendaient à un face à face mémorable Brad Pitt / Sean Penn le sachent tout de suite : les deux hommes n'ont finalement qu'une scène, silencieuse, en commun.
Depuis l'épisode décevant du Nouveau Monde, on s'attendait à une véritable expérience avec Tree of Life, un film qui nous titillerait du coeur jusqu'aux tripes. 2h18 plus tard, reste un arrière-goût amer d'une fable christique surréaliste dont on attendait trop. Des questions, des interrogations, des portes et des fenêtres ouvertes où s'engouffrent des courants d'air façon tsunami. Reste aussi un film absolument magnifique à regarder, un objet visuellement splendide, où tout est filmé en grand angle, et offre une profondeur, une immensité à tout ce que l'on voit, pour conforter encore le discours naturaliste du film. Alors, reste cette conclusion malheureuse : cet Arbre de Vie n'a finalement pas les racines assez puissantes pour s'implanter à jamais dans le paysage du cinéma. Tree of Life fût propulsé au rang de chef d'œuvre alors que l'on n'avait encore rien vu. On aurait sans doute dû attendre un peu.
BANDE ORIGINALE DE TREE OF LIFE