Allons immédiatement à l'essentiel, ce master plein cadre HD de La Traversée de Paris est sublime. Mise à part une séquence, précisément à 25min45 au moment où Jean Gabin découpe le jambon sous les cris horrifiés de Louis de Funès, où un accéléré réalisé en postproduction entraine une baisse de la définition durant une vingtaine de secondes, il n'y a absolument rien à redire concernant la restauration irréprochable de l'image. Le film s'ouvre et se clôt sur des images d'archives replaçant l'histoire dans son contexte (le défilé du 11 novembre 1944 entre autres), des images certes marquées par des scories et griffures, poussières en bord de cadre et scratchs, mais même ici la qualité est indéniable avec une belle luminosité. Dès que le film proprement dit commence avec la scène de la bouche de métro, les contrastes apparaissent tranchés, le grain infime, la clarté et la profondeur de champ étant quant à elles exceptionnelles. Evidemment, les 3/4 du film se déroulant la nuit, il y avait fort à craindre du rendu des séquences sombres, d'une médiocrité absolue sur l'ancien master édité par René Château. C'est donc avec un grand bonheur que nous découvrons un niveau de détails aussi inédit que sensationnel de la photographie avec des noirs denses, un piqué acéré et des clairs-obscurs hauts de gamme, consolidés par une compression AVC d'une solidité à toute épreuve. L'oeuvre de Claude Autant-Lara retrouve en Blu-ray une seconde jeunesse.
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La piste DTS HD Master Audio mono se révèle percutante dès la présentation du logo Gaumont suivi de la marche militaire et d'une valse musette dynamique. Aucun accroc n'est constaté sur ce mixage restauré, les dialogues demeurent percutants tout du long et même si les ambiances annexes sont finalement très rares, elles demeurent savamment équilibrées et limpides. Signalons tout de même un écho prononcé à 59min50 au moment où Louis de Funès téléphone à son confrère.
Le Blu-ray reprend le documentaire déjà présent sur l'édition DVD sortie en 2009.
La Traversée de Paris, un film subversif (50min55)
Ce documentaire rétrospectif donne la parole à l'écrivain Pierre Assouline, Freddy Buache (ancien directeur de la cinémathèque suisse, ami de Claude Autant-Lara), Geneviève Cortier (script-girl sur La Traversée de Paris) et Max Douy (chef décorateur, mort en 2007). C'est devenu une habitude chez Gaumont, les interlocuteurs voient leurs propos croisés et illustrés par quelques images tirées du film, ou comme c'est le cas ici, par des archives (correspondances, feuilles de tournage, notes de production lues à voix haute) ainsi que des dessins préparatoires réalisés par le chef décorateur grâce auxquels on se rend compte de la fidélité quant au résultat final. Parallèlement à la dissection du fond (le comportement humain sous l'Occupation, la charge subversive de l'histoire) et de la forme du film (tourné en 5 semaines entièrement en studio), un portrait du cinéaste Claude Autant-Lara se dessine progressivement à travers les propos de ceux qui l'ont connu, certains propos renvoyant à ceux déjà entendus dans les suppléments du Rouge et le noir, du même réalisateur. Les propos de Pierre Assouline ne manquent pas d'intérêt, notamment sur la condition humaine en temps de guerre, mais certaines de ses analyses s'éloignent parfois du sujet principal. Le must de ce module demeure l'intervention de Max Douy concernant la création des décors principaux, réalisés en perspective forcée, "un décor emmerdant à réaliser" pour reprendre ses propos, mais "réalisé en pensant que les parisiens devaient s'y retrouver quant à la route empruntée par les deux personnages principaux". Le casting est également passé au peigne fin. On y apprend qu'Yves Montand avait d'abord été envisagé pour le rôle octroyé à Jean Gabin, ainsi que Bernard Blier pour le rôle finalement offert à Bourvil, non sans le véto émis par Marcel Aymé lui-même qui ne voyait pas du tout le comédien normand dans le rôle de Marcel, allant même jusqu'à le qualifier d'insignifiant. Ce documentaire se clôt sur le célèbre épilogue de la Gare de Lyon, imposé à Claude Autant-Lara par les producteurs, peu enthousiasmés par la fin préalablement tournée par le cinéaste. A l'origine, le réalisateur terminait son film au moment de la déportation de Marcel en camion, rendant l'avenir du personnage trop incertain selon les producteurs. L'épisode de la rencontre après la Libération n'a jamais obtenu l'adhésion de Claude Autant-Lara.
L'interactivité se clôt sur la bande-annonce (2min44).