A l'époque du tournage du film est arrivée sur le marché, pour la fabrication de l'internégatif, une pellicule nommée inversible. Personne ne savait à l'époque que cette pellicule avait comme principal défaut des déperditions colorimétriques. Pour sa sortie en Blu ray, Le Sauvage a été scanné et restauré en 2K et toutes les possibilités offertes par la restauration numérique ont été mises en œuvre notamment la reconstitution d'images disparues comme l'expliquent Jean-Paul Rappeneau et le chef opérateur Pierre Lhomme dans les suppléments. Fruit de la collaboration entre StudioCanal, La Cinémathèque française et l'aide du Fonds Culturel Franco-Américain, cette restauration en met souvent plein les yeux et s'avère éclatante. Il est vrai que d'emblée l'image est superbe et le point fort de ce nouveau master demeure sa colorimétrie vive, chatoyante, voire électrique en ce qui concerne le bleu de l'hôtel au début du film, ou tout simplement de la mer. La clarté est clairement HD, le relief est inédit et le piqué souvent très vif comme le montre la séquence de poursuite à Caracas. Certaines séquences restent tout de même altérées à l'instar de l'arrivée d'Yves Montand sur son île (38ème minute) où le grain est très prononcé et la définition chancelante avec quelques flous sporadiques notables. Les contrastes connaissent eux aussi une nouvelle jeunesse, l'ensemble est plus tranché qu'auparavant, la carnation plus naturelle, mais quelques noirs paraissent tout de même trop vernissés. La définition des séquences sur l'île n'a rien à envier à celle d'un Blu ray d'un film contemporain et les scènes de jungle du film n'ont jamais été aussi luxuriantes et précises. Nonobstant certaines scènes plus endommagées que d'autres perturbant l'homogénéité de l'ensemble, tout comme le rendu pastel de la mer qui lui donne un aspect "piscine", nous n'hésitons pas à honorer l'image de ce Blu ray d'un beau 4,5/5 ne serait-ce que pour la restauration miraculeuse de ce grand classique du cinéma français. Une fois n'est pas coutume nous vous proposons une galerie de captures en full HD plus étendue que d'habitude.
Profitant de la restauration de l'image de son film, Jean-Paul Rappeneau en a profité pour rafraichir également la bande-son à partir des éléments d'origine et notamment grâce à la bande-musique 6x25 qui avait été enregistrée en Stéréo par Michel Legrand. Exit le mixage mono d'origine et place à une piste Stéréo aussi ardente qu'explosive. Les envolées musicales profitent d'une redoutable balance entre les frontales, mais certains dialogues auraient mérité d'être un poil plus intelligibles. Bien que le cinéaste se réjouisse d'un mixage 5.1 sur le Blu ray, il n'en est rien puisque l'éditeur ne propose en second choix "qu'une" piste Dolby Surround 3.0 également saisissante et peut-être plus fluide quant à la spatialisation et la répartition des effets sonores, des dialogues (solides sur la centrale) et la musique du film. Néanmoins, la mélodie tend à prendre le dessus sur les effets ou les ambiances annexes, tout en se détachant un peu artificiellement par rapport au reste. Toutefois, ces deux pistes demeurent claires, minutieusement restaurées, et nous saurons pardonner les petites saturations constatables sur les beuglements de l'italien Luigi Vannucchi. Notons que l'éditeur ne propose étonnamment pas de sous-titres destinés au public sourd et malentendant et que de nombreuses séquences en italien, en anglais ou en espagnol, visiblement jugées futiles n'ont pas été sous-titrées.
Entretien avec Jean-Paul Rappeneau (40min27)
Réalisée en 2005, cette interview du réalisateur Jean-Paul Rappeneau revient sur tous les aspects de la production du Sauvage. Notre interlocuteur passe en revue la genèse du scénario, les différentes pistes explorées ou rejetées, le casting, l'évolution des personnages, sa collaboration avec le dialoguiste Jean-Loup Dabadie, les lieux de tournage (le Venezuela, les Bahamas…et Saint-Cloud pour les scènes du potager), la photo de Pierre Lhomme, la musique de Michel Legrand, le tout étant bien entendu agrémenté de nombreuses anecdotes liées au tournage. Pour l'histoire, le cinéaste avait d'abord pensé à Elliot Gould pour le rôle principal, mais devant le refus du producteur d'engager une vedette américaine, Jean-Paul Rappeneau décide de se tourner vers de grosses stars françaises. C'est tout d'abord à Alain Delon qu'il offre le scénario mais l'acteur refuse car "Alain Delon ne fait pas de comédie, et refuse de monter aux arbres, il vous en prie". Le metteur en scène pense ensuite à Jean-Paul Belmondo avec qui il avait déjà tourné Les Mariés de l'an II en 1971. L'acteur accepte mais souhaite partager l'affiche avec sa compagne Laura Antonelli, rencontrée sur le tournage de leur précédente collaboration. Mais Rappeneau ayant déjà Catherine Deneuve en tête ne voulait pas recomposer le même duo qu'il a déjà dirigé et oublie Bebel. Après avoir rapidement essuyé le refus de Lino Ventura qui ne voulait pas embrasser de femme à l'écran, le réalisateur se tourne enfin vers Yves Montand qui s'engage à faire le film. Mais sachant qu'il n'est qu'un "choix restant", le comédien passera ses rancunes sur le cinéaste en remettant en cause certaines de ses directives. Cela n'empêchera pas Jean-Paul Rappeneau et Yves Montand de se retrouver dix ans plus tard pour Tout feu tout flamme où ils s'entendront à merveille. Des anecdotes de ce genre, il y en a des tas dans cet entretien passionnant qui vaut bien tous les meilleurs commentaires audio.
Le Sauvage, une restauration indispensable (17min52)
Nous retrouvons ici le directeur de la photographie Pierre Lhomme et le cinéaste Jean-Paul Rappeneau dans un entretien réalisé pour la sortie du Sauvage en Blu ray. Nous ne reprendrons pas ici tout ce que nous avons déjà détaillé précédemment concernant la restauration du film mais nous ajouterons quand même que cette interview technique demeure passionnante et didactique. Les deux complices semblent très heureux de la renaissance du Sauvage et détaillent les étapes minutieuses de la restauration effectuée entre autre à partir du négatif utilisé à l'époque pour tirer les nombreuses copies du film. Un négatif usé, déchiré voire complètement déchiqueté, mais qui avait conservé la colorimétrie originale. Ce que nous apprend également ce documentaire, c'est que des images entières du Sauvage avaient tout simplement disparu du fait des collures réalisées sur certains montages où une image était coupée par ci par là. Au cours de cette restauration, 400 images perdues ont été reconstituées à partir d'autres plans. Ne ratez pas les détails sur les nouveaux étalonnage et équilibrage des tons (et des nuits américaines), exposés par Pierre Lhomme qui du haut de ses 81 ans épaterait plus d'un directeur de la photographie ayant grandi avec la technologie numérique. N'oublions pas la partie consacrée au nouveau mixage où Jean-Paul Rappeneau rappelle que la piste mono de l'époque a été remixée en stéréo ainsi qu'en Dolby Surround (et non pas en 5.1 comme il l'indique) à partir des éléments sonores originaux. Pour l'occasion, le réalisateur a rajouté quelques effets sonores, notamment des ambiances sur l'île. Dans l'interview datant de 2005, Jean-Paul Rappeneau avouait avec franchise qu'il trouvait la course-poursuite à Caracas trop longue. A l'occasion de cette restauration, l'auteur du film a pu remanier le montage de cette séquence qui selon lui avait un peu vieilli et ralentissait le rythme du film.