Black Phone : faut-il prendre cet appel ? Critique du nouveau Blumhouse avec Ethan Hawke
Le 04/07/2022 à 13:14Par Pierre Champleboux
Back in black
La précédente incursion de Scott Derrickson dans le cinéma d’horreur remonte à 2014. Avec Délivre nous du mal, le réalisateur et scénariste signait une péloche du genre polar sur fond d’exorcisme, mêlant les genres pour mieux nous faire flipper.
Le mélange des genres est de nouveau à l’honneur avec Black Phone, une histoire de serial killer vue suivie du point de vue de l’une de ses victimes, qui mêle l’horreur bien réelle façon Faites Entrer l’Accusé au surnaturel.
Stand by me
En situant son action en 1978 le cinéaste ne cherche pas à surfer sur la vague de nostalgie en vogue depuis Stranger Things, mais plutôt à s’approprier une histoire fictive pour l’intégrer dans la sienne et dépeindre l’époque dans laquelle il a grandi.
Au travers d’une reconstitution sobre et s’éloignant des clichés putassiers auxquels certaines productions récentes nous ont parfois habitués, Scott Derickson adapte une nouvelle de Joe Hill tout en se replongeant dans sa propre adolescence.
Le réalisateur nous propose ainsi une histoire sombre et peuplée de personnages criants de vérité (puisqu’inspirés d’individus qu’il a réellement connu) dans laquelle le fantastique est plus une toile de fond qu’un élément central. Comme dans Ça ou Charlie, le fantastique sert en fait ici à raconter quelque chose qui parle à tous.
Il ne rentre pas ce soir
Dans une petite bourgade du Colorado, on découvre Finney (Mason Thames), un jeune garçon qui menait une petite vie tranquille jusqu’à ce que l’Attrapeur (Ethan Hawke), un kidnappeur doublé d’un tueur en série, se mette à faire disparaître les uns après les autres ses camarades de classe. Un funeste sort qu’il ne va pas tarder à subir à son tour…
Mais lorsque le jeune garçon se retrouve pris au piège de la cellule par laquelle sont passés ses amis disparus, il parvient à communiquer avec eux par le biais d’un téléphone. Les revenants vont alors le guider pour tenter de l’aider à ne pas subir le funeste sort dont ils ont été les victimes.
L’un des axes les plus passionnants de l'histoire de Black Phone concerne la petite sœur de Finney, Gwen (Madeleine McGraw), qui essaie d'aider la police locale à retrouver les enfants disparus en utilisant les indices qu’elle croit déceler dans ses rêves. Du surnaturel pas aussi improbable qu’on pourrait le penser, les cas de médiums proposant leurs services à la police étant plutôt fréquents.
Le club des losers
Dans Black Phone, on retrouve l’ambiance des bouquins du Stephen King des années 80 (et ce n’est sans doute pas par hasard, le film étant basé sur une nouvelle de son fils, Joe Hill), et des héros qui, malgré des personnalités en apparence stéréotypées, évoluent au fil de l'histoire.
Si Finney et sa sœur sont différents, c’est notamment du fait de leur passé traumatique lié à violence exercée par un paternel (le très sous-estimé Jeremy Davies) englué dans une forme d’alcoolisme sévère. Un père indigne qui affiche même parfois une forme de vulnérabilité tout en restant la plupart du temps presque aussi effrayant que L’Attrapeur lui-même.
Derrière le(s) masque(s) du croquemitaine, Ethan Hawke livre une performance mémorable. Manipulateur, incontrôlable et terriblement sadique, la star de Bienvenue à Gattaca incarne une sorte de mélange improbable qui se situe quelque-part entre le Chapelier Fou de Tim Burton et le Jigsaw incarné par Tobin Bell dans la saga Saw qui devrait causer quelques cauchemars à certains spectateurs durant quelque temps.
Un élève doué
Depuis Sinister, Derrickson a fait du chemin. Derrière la caméra, il brille particulièrement dans les séquences où le jeune captif explore le sous-sol de l’Attrapeur, tentant désespérément de dénicher une issue ou un moyen de s’extirper des griffes de celui qui risque fort de le tuer.
Dans sa direction d’acteur, le réalisateur brille aussi, notamment lorsqu’il laisse à Ethan Hawke le soin de suggérer certaines choses sur son personnage à travers des changements brusques dans le ton de sa voix et le langage corporel de l’Attrapeur.
Une performance particulièrement impressionnante puisque l’acteur interprète la plupart de ses scènes le visage à moitié dissimulé derrière un masque affichant un sourire obscène qui jure parfois avec le ton qu’il adopte pour s’adresser à son prisonnier.
En dosant savamment le fantastique, le suspens et la violence, Scott Derrickson maintient habilement la tension pour plonger ses spectateurs dans une angoisse grandissante, parvenant à faire de son Black Phone une expérience aussi fascinante qu’éreintante. Une réussite éclatante qui ne donne qu’une envie : voir le réalisateur de Sinister s’attaquer un jour à l’adaptation d’un roman de Stephen King sur grand écran.