Le pitch de L'Empreinte de l'Ange ne payait pas forcément de mine. On avouera même que l'on se méfiait d'avance devant cette histoire de conflit de maternité, tant le sujet aurait pu donner lieu à un traitement conventionnel. Mais dès les premières séquences, on se rend bien vite compte que ce second long métrage de Safy Nebbou (Le Cou de la Girafe) n'est pas comme les autres et pose de vraies questions sur ce que l'on appelle couramment l'instinct maternel. Une notion que nos cultures judéo-chrétiennes ont tendance à sacraliser sans pour autant être capables de la définir, et qu'il convient bien sûr de distinguer de l'amour maternel. La nuance est justement au cœur de ce film où une femme déjà mère d'un petit garçon se persuade que l'enfant d'une autre n'est autre que le sien. Négligeant son propre fils, elle s'introduit dans la vie de cette famille pour tenter de découvrir la vérité.

 

 

Il serait certes erroné de résumer L'Empreinte de l'Ange à un film d'angoisse, mais il faut tout de même souligner le talent de Safy Nebbou pour faire monter la tension. Non content de disposer d'un scénario manipulateur jouant sur plusieurs fausses pistes, le cinéaste soigne son atmosphère visuelle et sonore et entretient une véritable proximité avec son personnage principal, Elsa (Catherine Frot). L'attente constitue l'élément moteur du suspense de L'Empreinte de l'Ange. On attend qu'Elsa dérape, que la situation bascule, que l'hostilité croissante entre les deux femmes se transforme en violence. Jouant sur le voyeurisme de son personnage principal, Safy Nebbou agrémente le récit de quelques séquences véritablement angoissantes, telles que la scène du ballet, à la fois émouvante et dérangeante, ou encore celle où Elsa observe la petite Lola évoluer au bord de la piscine, un moment troublant et bien évidemment lourd de symbolisme. Lola va-t-elle se noyer dans cet amour maternel que veut lui imposer Elsa ? Le déséquilibre psychologique de cette dernière lui confère un caractère à la fois inquiétant et attachant, ce qui insinue chez le spectateur un sentiment de malaise croissant à mesure que grandit l'obsession de cette mère de famille dépressive remarquablement interprétée par Catherine Frot. Face à elle, Claire Vigneaux (Sandrine Bonnaire) respire au contraire la stabilité, incarnant la mère de famille idéale (dans le sens traditionnel du terme, entendons-nous bien) dévouée à sa famille. La confrontation entre les deux femmes, dont les interprètes rivalisent de présence et d'intensité, s'impose incontestablement comme l'un des points forts du film, prenant un sens différent à mesure que se dessinent les véritables enjeux.

 

 

Car l'issue cruelle de ce drame humain risque bien d'en faire bondir plus d'un. Si l'on apprécie la volonté manifeste de Safy Nebbou de ne pas verser dans le sensationnalisme à l'américaine façon La Main sur le Berceau, on reste d'une part légèrement sur sa faim en ce qui concerne le traitement de la thématique centrale. Le cinéaste pose de nombreuses questions sur le sens même de la maternité et n'y répond pas vraiment, voire pas du tout en ce qui concerne le point de vue de l'enfant. En outre, lorsque survient la dernière scène, qui laisse véritablement pantois, on se demande ce que Safy Nebbou a voulu véhiculer à travers cette histoire, ou même s'il a réellement voulu transmettre un quelconque message. Et l'on se dit que finalement, si l'on fait abstraction des formidables prestations de ses actrices, L'Empreinte de l'Ange tient peut-être mieux la distance en tant que thriller dramatique qu'en tant qu'exploration psychologique.