OLD : critique anti-rides du cauchemar estival de Shyamalan
Le 21/07/2021 à 08:13Par Pierre Champleboux
Deux ans après Glass, qui offrait une conclusion plutôt décevante à la trilogie initiée en 2001 par Incassable, M. Night Shyamalan revient avec une adaptation du roman graphique français "Château de Sable", de Pierre-Oscar Lévy et Frederik Peeters. Et comme son précédent film, Old est en demi-teinte. Si on apprécie le concept, les images et l’ambiance, force est de constater que lce nouveau long-métrage souffre principalement d’un problème de rythme et offre un résultat finalement assez anecdotique. Là où la bande-dessinée laissait planer le mystère, Shyamalan décide de tout expliquer, de rationaliser à l’extrême, anéantissant par la même occasion la nature mystique, poétique et mystérieuse de l’œuvre originale. Ce qui aurait pu donner un épisode parfait de "Black Mirror" ou de "La Quatrième Dimension" devient entre les mains du réalisateur de "Signes" une sorte de huis clos en plein air qui s’étire sur près de deux heures et peine à passionner, malgré quelques séquences diablement efficaces. Une déception qui tend à confirmer, plus de 10 ans après la sortie du Dernier Maître de l’Air, que Shyamalan est plus à l’aise lorsqu’il s’agit de mettre en scène des récits directement issus de sa propre imagination.
Imaginez : vous êtes en vacances dans un hôtel club de ouf malade, mais vous trouvez que la plage commune à tous les vacanciers du club est un peu trop fréquentée. On vous indique alors une autre plage, une crique secrète, où vous pourrez lézarder et faire du monokini comme jaja. Forcément, vous y allez. Sauf que là, c’est le drame. Déjà, y’a d’autres gens. Pas beaucoup, mais quand même : les gens, c’est chiant.
Mais pire : au lieu de vous offrir le teint hâlé qui fera rager vos collègues à la rentrée, cette séance de farniente vous fait vieillir vitesse grand V. Pris de panique, vous décidez de rentrer à l’hôtel pile à l’heure pour le cours d’aquagym. Mais tandis que votre peau se ride et que votre calvitie continue à se propager, vous réalisez qu’il n’est pas possible de vous échapper…
Tel est le pitch cauchemardesque et anxiogène du nouveau M. Night Shyamalan. Séduisant et particulièrement approprié en cette saison estivale, ce concept ne va pourtant pas tarder à démontrer ses limites. À l’image de ses protagonistes pris au piège, Old tourne rapidement en rond et peine à palpiter.
Il y avait pourtant matière à développer certains angles narratifs de la bande dessinée originale, notamment en explorant davantage ses côtés sulfureux et ambigus.
Mais le réalisateur d’Incassable ayant choisi d’édulcorer son récit en lissant ses personnages et les réduisant à des stéréotypes écrits avec autant de finesse qu’ils l’auraient été dans un téléfilm catastrophe bas de gamme, ce n’est pas à travers ses protagonistes qu’il apposera sa patte.
Pour se démarquer du récit proposé dans le roman graphique Château de Sable et le rendre accessible à un plus large public, c’est tout simplement en comblant les questions qui avaient été délibérément laissées sans réponse par Pierre-Oscar Lévy que Shyamalan décide d’agir. Monumentale erreur.
L’une des forces de Château de Sable, c’est de plonger son lecteur dans une situation en tous points semblables à un cauchemar, en partant d’une situation initiale lambda pour glisser progressivement vers la terreur sans jamais réellement expliquer à quoi est dû ce vieillissement accéléré.
Chez Shyamalan, on devine dès les premiers plans que quelque-chose se trame, qu’il y a quelque-chose de louche et que les apparences sont trompeuses. Et à la fin du film, plus aucun doute ne subsiste : presque tout est expliqué et la situation pliée sur une fin qui ne laisse guère de place au mystère.
Pire : la dernière case de la BD (qui lui donne son titre) est reprise, mais là encore, Shyamalan décide de l’expliciter. Une case presque muette devient ainsi un dialogue entre deux protagonistes, nous expliquant par A + B ce que l’auteur de Château de Sable laissait à la libre interprétation de son lecteur.
Chose curieuse : comme pour nous signaler les passages du récit qu'il a décidé de modifier ou bien d'expliciter, Shyamalan apparaît en chair et en os à chaque fois que son scénario s'aventure au-delà de ce qu'avait choisi de raconter Pierre-Oscar Lévy. S'agit-il là d'une forme d'aveu ?
Trop pataud, trop explicité et pas toujours très bien joué, Old fait malheureusement l’effet d’un pétard mouillé ou encore d'un chateau de sable piétiné. À celles et ceux qui souhaitent découvrir l’histoire de la plage qui fait vieillir en accéléré on recommandera donc de se procurer la bande dessinée plutôt que de choisir son adaptation édulcorée et surlignée au Stabilo.
Dommage : on espérait une claque à la The Visit, on a découvert une sorte d’épisode longuet et paresseux de la série Au Delà du Réel.
Rencontre avec les acteurs