Céline

Le gros problème de Céline c'est qu'il s'agit d'un film qui, dans l'absolu, ne sert à rien, ne raconte rien, et n'a surtout pas le moindre regard artistique qui peut élever le vide sidéral de son propos au-delà de l'histoire qu'il raconte. Bon, la pauvre Céline Dion, la vraie, n'y est pour rien, et sa carrière n'est pas plus honteuse que celle n'importe qui d'autre, mais il faudra bien reconnaître que son extraordinaire destin n'est pas si extraordinaire que cela. Même sur le papier, on est loin des écarts de conduite de Ray Charles, Tina Turner ou consort... Ce qu'on retient du film ? C'est une chanteuse, elle chante, et elle chantera... voilà. Impossible de passer à travers un interminable chapitre sur son enfance où les années 70 ressemblent au village de La Petite Maison dans la prairie et qui dévoile une atmosphère de fausse comédie musicale où toute la famille chante J'ai du bon tabac à table. En tout cas, ça manque clairement d'un essor dramatique. C'est sorti trop tôt, Céline - la vraie, encore - est en bonne santé et il manque à tout ça une petite ampoule défaillante au dessus de la baignoire, un petit tunnel de l'Alma ou même un problème de drogue, que sais-je... Ben là non. Ca se termine expéditivement bien et c'est en presque chiant.

Ah si, il y a tout de même deux tragédies. La première ouvre le film et fait écraser la pauvre sous les roues d'un chauffard alors qu'elle avait trois ans. Certes, c'est aussi hilarant que de contempler un poisson rouge hors de son bocal qui cherche désespérément de l'aide, mais on sait déjà qu'elle survivra. Niveau suspens c'est mort, au même titre que ses dernières remarques sur Titanic "Pourquoi je chanterait la chanson du film? Tout le monde sait que le bateau coule." La principale concernée appréciera la façon dont son intellect est représenté. L'autre aspect du drama, c'est le traitement physique du personnage qui ne fait clairement pas dans la dentelle et assume ouvertement le fait que Céline Dion était une petite fille très moche et qu'il lui aura bien fallu une quinzaine d'années pour remonter la pente des standards. Même son mari, de 26 ans son aîné, attendra qu'elle atteigne ses 20 printemps pour poser les yeux et les mains dessus. Bon, là encore on se gausse un peu, comme n'importe quel être humain rirait devant une petite fille très moche, bien que la jeune Joelle Ferland (qui jouait la fille de Rhada Mitchell dans Silent Hill, mais aussi le personnage titre de Tideland) a du se poser quelques questions sur le fait qu'on lui ait proposé le rôle. Magie du ciné... euh, de la télévision, les créateurs de Céline ont eu la bonne idée de lui administrer une meilleure amie encore plus tromblon pour cacher la misère. Les enfants ne sont pas gâtés. Pas plus que la comédienne principale qu'on a vraisemblablement enlaidie un peu pour rester le plus fidèle possible à la légende. Sympa !

Il fallait bien ça pour animer le show parce qu'en tant que film à part entière, ça ne repose sur rien de concret. Un vieux et une jeune qui s'aiment éperdument et affrontent leur différence d'age sous l'auréole du succès jusqu'à la concrétisation absolue : chanter My Heart Will Go On ! Le succès, on ne le voit pas vraiment et les trois badauds qui se déchaînent devant la star ont malheureusement été contraints de squatter le seul décor qui servira, pour le coup, d'une scène Berlinoise de l'Eurovision, d'Olympia et autres cérémonial prestigieux. Mais comme ils n'ont même pas changé les lumières, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Et finalement, c'est cette négligence créative qui amuse. En bon produit télé calibré pour une heure et demi, le film s'aperçoit qu'il n'a pas raconté la moitié des choses à 4 minutes de la fin et expédie tout ça manu militari parce qu'après tout, on s'en cogne. Les "dernières" années de la chanteuse sont même racontée de manière très drôle par l'héroïne elle-même qui voit justement le générique arriver droit sur elle (Titanic, of course, à croire qu'elle n'a chanté que ça) et qui conclue l'histoire en 2 lignes. "Oh puis tiens, faisons la chanson de ce film, on enchaîne sur un gosse puis je fait un Break", mélodie, fondu au noir, emballé c'est pesé !

Céline le film, c'est ça ! Un gros cake au caribou archi mal foutu, désintéressé, incomplet (on aurait bien aimé voir Jean-Jacques Goldman là dedans) et probablement pas assez informé pour être solide. Mais bon, au moins on aura bien rigolé...