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Nouvelle Vague britannique : cinéma social sans tabous

Le 25/11/2008 à 18:39
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Nouvelle Vague britannique : cinéma social sans tabous Un an après avoir sorti un beau coffret consacré au Free Cinema, Doriane Films poursuit sa lancée et édite trois films de la Nouvelle Vague britannique, dont deux films de fiction fondateurs (Samedi soir, dimanche matin de Karel Reisz et Un goût de miel de Tony Richardson) et un documentaire (I was a Soldier de Michael Grigsby). Trois films mus par le même désir de donner la parole à ceux à qui on ne la donne jamais. Une suite tout à fait logique pour l'éditeur DVD français en somme, puisque nous retrouvons de cette vague les mêmes jeunes cinéastes qui évoluaient au sein du Free Cinema en réalisant au début des années 50 et en dehors de toute pression commerciale ou politique de courts documentaires ayant pour sujet principal la vie quotidienne de la jeune classe ouvrière. Nommé ainsi d'après les rendez-vous organisés au National Film Theater pour projeter ces courts films (accompagnés parfois d'autres films européens dont les premiers films de Truffaut, Chabrol, Polanski, etc.), le Free Cinema était un témoin direct des évolutions sociales de la société d'après-guerre.

Cette Nouvelle Vague britannique déboule lorsque ces cinéastes actifs au sein du Free Cinema font leur grand saut du documentaire au cinéma de fiction, tout en se gardant bien de réaliser des films bourgeois et déconnectés de la réalité comme il s'en produisait alors des tonnes au Royaume-Unis. Tout comme en France avec Godard, Truffaut et les autres, Lind­say An­der­son et Karel Reisz ont troqué leur plume de jeune critique contre une caméra. Portés par un ardent désir de prouver qu'un autre cinéma était possible, ils prenaient un malin plaisir de prendre le contre-pied du conformisme des règles narratives et esthétiques qui faisaient office de dogmes à cette époque.


Suivant l'exemple de John Osborne et des « jeunes gens en colère » qui avaient bouleversé la littérature, ces jeunes tête-brûlées du cinéma tournaient leurs films dans une indépendance totale et n'avaient d'autre désir que de conter des histoires profondément ancrées dans le réel, ignoré par le cinéma britannique. Ce nouveau cinéma, plus libre, s'intéresse au quotidien de la jeune génération confrontée au poids de la société d'après-guerre qui ne la comprend pas et l'oppresse littéralement sous des règles morales dépassées. Une génération rétive parfois, souvent désillusionnée sur l'avenir, mais qui refusera malgré tout jusqu'au bout d'abdiquer. Et les thèmes autrefois tabous tels que l'avortement ou la sexualité sont enfin traités sans ambage.

A nouvelles histoires, nouvelles façons de tourner. Ces cinéastes investissent ainsi les rues des quartiers populaires loin des décors artificiels des studios, s'entourent d'une équipe réduite à l'essentiel et préfèrent, pour se garantir une plus grande liberté d'action, l'utilisation de caméras petites et légères leurs permettant d'être au plus près des personnages. le réalisme étant le maître mot, de jeunes acteurs émergent, en dehors du moule de l'acteur shakespearien et peu connus du grand public (parfois même amateurs), des acteurs transperçant l'écran par leur incarnation à fleur de peau de cette génération qui ne demande qu'à s'épanouir librement.


De cette vague, on retiendra essentiellement trois noms, non pas que les autres cinéastes soient médiocres, mais parce que ceux-ci ont réellement signé la naissance et la mort du mouvement : Lindsay Anderson, Tony Richardson et Karel Reisz. Mettant de côté (provisoirement on l'espère) ce premier, Doriane Films édite deux films des deux autres cinéastes qui bien ont étrangement été les plus radicaux dans le mouvement à une époque, mais qui, à l'inverse de Lindsay Anderson, se sont rapidement éloignés des engagements de cette Nouvelle Vague (qui finira ainsi par disparaître) au cours des années 60, en adoucissant leur fureur pour entrer dans le rang (ces anciens révoltés iront même jusqu'à travailler pour l'usine à rêves hollywoodienne, c'est dire !). Quoiqu'il en soit, cette fin de carrière consensuelle n'amoindrit pas la force de leurs premiers films, et surtout des deux édités aujourd'hui, Samedi soir, dimanche matin et Un goût de miel, deux films radicalement différents l'un de l'autre malgré l'environnement prolétarien qui les rapproche.

Samedi soir, dimanche matin suit Arthur, ouvrier révolté et anti-social (incroyable Albert Finney) qui travaille en usine six jours sur sept et ne trouve le temps de réellement "vivre" que les week-end. Entretenant une relation charnelle avec l'épouse de son collègue (qui sera tentée d'avorter après être accidentellement tombée enceinte) tout en continuant à flirter avec d'autres jeunes femmes, le personnage campé par Albert Finney scandalisa l'opinion parce qu'il ne fera jamais preuve d'aucun remords, et ce même lorsque tout son entourage lui fera comprendre que ses choix de vie sont plus que discutables. Buté et arrogant, se considérant supérieur aux autres ("ne laisse pas les salauds t'écraser" déclarera-t-il), Arthur n'osera jamais avouer ses torts par peur d'être taxé de faible. En adaptant le livre du même nom d'Alan Sillitoe, Karel Reisz suit cet anti-héros avec la plus grande objectivité, n'osant jamais juger ses actes, Arthur n'étant que le fruit de son environnement. Aucun condamnation donc. Seule l'image est juge.


Producteur sur Samedi soir, dimanche matin, Tony Richardson réalise l'année suivante Un Goût de miel adaptation de la pièce éponyme de Shelagh Delaney (écrit alors qu'elle n'avait que 19 ans !) et suit Jo, une jeune collégienne délaissée par sa mère récemment mariée, qui tombe enceinte après une brève idylle avec un marin noir et se lie d'amitié avec Geoffrey, un jeune homosexuel compréhensif et aidant. Ce n'est que lorsque sa mère se retrouve seule parce que séparée de son mari que cette dernière revient dans un élan d'égoïsme s'occuper de sa fille et chasse Geoffrey... Moins rentre dedans que Samedi soir, dimanche matin, Tony Richardson propose un portrait d'une touchante sensibilité de cette jeune fille qui refuse de perdre espoir. Là encore, c'est le réalisme des situations tout comme la profondeur et la complexité des rapports humains qui surprend. Tony Richardson prouve que les auteurs de la Nouvelle Vague s'intéressent avant tout aux personnages, et en sondant leur intimité, il révèle leur âme. C'est sans doute ce qui explique le propension des cinéastes de la Nouvelle Vague à adapter des oeuvres littéraires. Richardson adaptera de son côté pas moins de quatre livres : Un Goût de miel donc, mais aussi Les Corps Sauvages et Le Cabotin d'après John Osborne, et La Solitude du coureur de fond d'après Alan Sillitoe.


Cependant, au court des années 60 les studios britanniques se mirent finalement à produire des films plus en phase avec leur époque (sex, drugs and rock'n'roll) phagocytant du coup les talents émergents de la Nouvelle Vague. Cette dernière perdra de sa fougue, les cinéastes réalisant que ce qu'elle véhiculait risquait d'être un obstacle à leur carrière derrière la caméra. Restent des films d'une ébourifante audace narrative et esthétique et un principe inébranlable : "style is an attitude and attitude is style" ("le style est une attitude, l'attitude est un style").





Un Goût de miel
Un Goût de miel
Sortie : 20 Octobre 2008
Éditeur : Doriane Films

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