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DIESEL : interview de David Basso pour son roadmovie documentaire punk

Le 19/05/2017 à 13:31
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On connaissait David Basso pour ses nombreux clips de groupes punks de la scène indépendante française (Uncommonmenfrommars, Forest Pooky, Dirty Fonzy, Guerilla Poubelle...). Le voici désormais à la tête de Diesel, un premier film sous forme de roadmovie documentaire qui dresse le portrait d’une génération, d’un mouvement musical, d’un état d’esprit : celui de la scène punk-rock des années 1990 – 2000.

 

En tournée depuis les années 2000 avec UncommonMenFromMars, David Basso a entre autre croisé NoFx, Burning Heads, Bad Religion, Against Me!, les Wampas, Guerilla Poubelle, Frank Turner, Dirty Fonzy, Kepi Ghoulie, les Shériff… Il en a profité pour les interviewer, photographier et filmer afin de constituer les centaines d’heures d’interviews, de live, de moments de tournées qui lui ont servi de véritable matière première pour son film.


On était présent à l'avant-première de Diesel à Saint-Jean De Braye le 13 mai dernier. Enchanté par le résultat, on en a profité pour poser quelques questions à David Basso.



 

Diesel est enfin fini. Combien de temps ce film t’aura-t-il pris à monter ?

David Basso : La version présentée ce soir est une première version. Il reste encore du boulot pour cet été. L’idée a germé en 2003 au moment où j’étais en tournée avec Uncommonmenfrommars. Je me disais que tout ce que je filmais pourrait me servir plus tard. Petit à petit, j'ai eu envie de réaliser un documentaire qui montre la réalité des groupes en tournée, tout particulièrement des petits groupes. Le grand déclic c’est fait un jour, quand on m’a appris que dans Lagwagon, groupe de punk américain que j'adore, un des musiciens est peintre en bâtiment et qu'il tourne pendant ses vacances. Pour moi c’était inimaginable que jouer dans un groupe international de cette envergure ne lui permette pas d’en vivre. De la même manière que les Burning Heads, qui passaient sur Nulle Part Ailleurs dans les années 90, avaient des clips sur M6 et leurs disques dans les magasins, travaillaient dans un théâtre à Orléans pour boucler leur fin de mois. J’ai été surpris et j’ai voulu raconter cette vie de musiciens qui n’en vivent pas ou qui galèrent à en vivre au prix de sacrifices. J’ai voulu casser ce cliché du musicien qui parce qu’il est sur scène est forcément riche. Cela été le point de départ.

 

Le punk dont tu parles est très différent de celui qui est habituellement mis en avant dans les médias.

Oui, c'est un autre de mes constats. Dès que l’on parlait de punk rock à la télé ou dans les médias, ce n’était jamais le punk rock que j’écoutais avec mes copains. C’était toujours les Ramones, les Sex Pistols ou les Bérus, Ludwig Von 88 pour la France. Mais jamais celui que j’écoutais et que je partageais avec Uncommonmenfrommars, Dirty Fonzy, Flying Donuts. J’espérais qu’un jour quelqu’un ferait un documentaire en France sur ce punk-là. Mais les années ont passé et ce film n’est jamais arrivé. Cela a été une lente progression pour moi. Autour de 2010, j’en ai parlé à Pierre Dron, producteur du film qui lui aussi avait une expérience dans la musique, et il a proposé de m’épauler. On a cherché de l’aide de structures d’état qui nous a toujours été refusée. Courant 2013, on s’est dit qu’on allait le faire à la DIY, le produire nous-mêmes, comme les groupes du film avec leur musique. Le tournage s’est arrêté en 2016. Que le film prenne autant de temps m’a permis des rencontres de dingues comme Bad Religion, NoFX, Against Me!. Si on m’avait dit il y a 15 ans que j'aurai eu ces groupes dans mon film, je ne l’aurai pas cru. J’hallucine encore d’ailleurs.



Dans toutes ces interviews, quels sont les propos qui t’ont le plus marqué ?

Il y en a plusieurs. Notamment un passage de Jay Bentley (bassiste de Bad Religion) qui n’est pas dans le film où il explique qu’après Epitaph, Bad Religion a signé sur une major. Or la major ne donne pas d’argent au groupe. Si un groupe a du succès, l’argent est réinvesti dans la promo. Jay Bentley raconte notamment qu'on leur a dit, "allez on va faire un clip, non pas avec un de vos potes, mais avec une vraie équipe pour 90 000 dollars". Au final, le groupe a réalisé que cet argent était le sien et qu’il pouvait se retrouver déficitaire et redevable au label si la promo excédait les bénéfices. Ce genre d’anecdote est intéressant et permet de découvrir l’envers du décor et que même sur les gros labels, si les groupes ne tournent pas, ils ne vivent pas de leur musique.

 

Qu’as-tu l’impression d’avoir appris en tournant ce film ? Qu’est ce qui t’a surpris par rapport aux idées de départ que tu pouvais avoir sur le fonctionnement d’un groupe dans cette scène indé ?

Ce qui est raconté dans Diesel, c’est ce que j’ai appris sur le tas en partant en tournée avec les groupes et en posant des questions parfois un peu naïvement. Mais rien ne m’a finalement surpris. Par contre, c’est difficile à expliquer à quelqu’un de l’extérieur. Quand on dit ‘ah bah non ils ne vivent pas de leur musique’, les gens ne comprennent pas et se demandent toujours 'mais alors pourquoi le font-ils ?'. Ils ont du mal à comprendre la passion qui anime ces groupes.

 

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(NOFX en concert. Photo David Basso)

 

Tu as tenu à aussi rencontrer des gens qui travaillent dans le business musical afin d'ouvrir ton discours...

Oui je voulais ouvrir le discours au-delà du discours de notre petite scène. Quand j’ai interviewé Stéphane Saunier, ex programmateur de Nulle Part Ailleurs aujourd’hui dans l’Album de la semaine, je lui ai demandé comment se faisaient ses choix ? Et est-ce que si les Burning Heads étaient passés deux fois à NPA, c’était parce qu’ils étaient chez Pias, Epitaph ou Yelen/Sony ? Pour moi, s’ils étaient parvenus à passer sur Canal, c’était grâce à leur distribution ou leur promo. Il m’a tout de suite dit « non pas du tout. C’est simplement parce que j’aimais leur musique ». Il n’avait pas lieu de débat. Toutes mes idées préconçues étaient fausses. Pierre ou Thomas des Burning Heads disent dans le film, que dans un gros label, c’est toujours l’histoire d’une personne avec qui tu es en contact. Le jour où elle s’en va, il n’y a plus personne pour toi. Avec Saunier, c’est ça. Il décide seul de ce qu’il passe. Il a les pleins pouvoirs et son but dans Nulle Part Ailleurs était de passer des groupes que l’on ne voyait nulle part ailleurs. Qu’il soit punk, metal, ou reggae, hip hop. Mathieu Pinaud, attaché de presse chez Pias France qui travaille en maison de disques depuis 20 ans, a aussi déconstruit des clichés que l’on se fait du monde de la musique. Rien n’est tout blanc, ni tout noir. Une des questions du film est : est-ce l’on vit ou pas de sa musique ? Pour certains, c’est un choix assumé de ne pas en vivre. D’autres veulent en vivre et mettent tous les moyens en œuvre pour y parvenir. Pour en vivre, cela ne se fera pas par les ventes de disques mais par les concerts. C’est ce que disent Laura Jane d’Against Me ! et les Uncommonmenfrommars. Pour Saunier, on juge un groupe par son live. D’autres ont des discours différents. C’est cela l’intérêt de Diesel.

 

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(Laura Jane Grace d'Against Me! / capture d'écran de Diesel)

 

Quand Diesel sortira-t-il en DVD ?

Vers la rentrée. Même si l’idée actuelle est d’organiser des projections dans différentes villes. On veut se promener avec le film comme un groupe qui tourne. On va se mettre en contact avec des associations, des salles ou des cinémas et organiser des projections avec débat ou alors un concert. On tient à présenter ce film ainsi dans toutes les villes où cela est possible. Chaque ville possède un groupe de punk rock phare qui aurait eu sa place dans le film s'il n'y est pas. On suit les Uncommonmenfrommars mais c’est aussi l’histoire de plein d’autres groupes. Et de nombreux autres peuvent s’identifier et se retrouver dans ces propos ou ces images. Diesel est un film bavard qui donne envie d’en parler. Présenter le film face aux gens et pouvoir en parler nous semble la meilleure manière de le voir.

 

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(David de passage à Paris pour rencontrer Marsu de Crash Disques, aller chez Canal et Pias).

 

Les Uncommonmenfrommars se sont séparés il y a quatre ans après 7 albums et des milliers de concerts. Voir Diesel risque de leur faire bizarre ?

Oui je pense. D'autant plus qu'ils ont dû oublier pas mal de ces images. Ils risquent de voir d’un œil extérieur ces moments de concerts et de vie qui vont de leur formation au lycée au milieu des années 90 jusqu’à 2013. Il y aussi Forest Pooky parce que c’est aussi un film sur la fratrie des quatre frangins Follain. Sur 15 ans, ils changent de coupe régulièrement. C’est drôle. Cela va des cheveux longs, courts, rouges, verts et noirs. La personne non initiée pourra être un peu perdue en se demandant si c’est toujours Ed ou Forest. D’un plan à un autre, 10 ans peuvent s’être écoulés. J'ai un rapport intime avec les Uncos. Je les connais depuis le lycée, j'ai été en coloc avec Trint. Diesel m’occupe depuis presque 20 ans et avec toutes ces images, photos, vidéos, on a l’impression de voir un film sur nos vies.

 

Combien de temps dure Diesel ?

La version de l'avant-première dure deux heures, mais j'aimerais améliorer le rythme du film et que ça soit moins redondant peut être. Cela n’a pas été facile de couper parmi ces centaines d'heures tournées. Mais l’histoire de Diesel n’est pas encore terminée. Je risque de bosser sur d’autres aspects. Je ne sais pas sous quelle forme mais il y a encore beaucoup de choses à raconter. On a déjà une chaîne youtube sur laquelle on postera des scènes coupées, d'autres interviews et des lives de groupes que j’ai montés mais que je n’ai pas pu utiliser.

 

 

As-tu eu des films de référence lors de la conception de Diesel ?

J’ai longtemps eu en référence le documentaire Dogtown and The Z-Boys (2001). Quand j’ai vu la bande-annonce, je me suis dit Diesel c’est ça. Je veux raconter Diesel de la même façon avec une voix off, des interviews, des musiques cools, des négatifs photos, de l’image un peu abîmée, ce que je ne pouvais éviter entre tous les formats utilisés sur plus de 15/20 ans,… cela a été mon documentaire de référence. Dans Dogtown, le narrateur est Sean Penn. Pour Diesel, c’est moi car c’est mon histoire et celle des Uncos. Diesel est ma vision du punk rock. J’ai beaucoup regardé d’autres documentaires musicaux comme Sugarman (2012) qui m’a vraiment touché. C’est très loin de Diesel mais ce film a une émotion forte. Je me suis dit qu’il ne fallait pas que je tombe dans le côté trop technique et musical de la musique sans oublier pourquoi ces groupes font ce qu’ils font, c'est à dire des centaines de concerts par an avec un taf à côté. Il fallait que l'on voit que la passion prime.

 

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(Daff et Trint d'Uncommonmenfrommars / Capture d'écran de Diesel)


Tu as interviewé la maman des Uncos. En parlant d’émotion, ce passage est fort car sans filtre.

Les premières personnes interviewées sont Marlène, la maman, et Anne-Gaëlle, la petite sœur. Les Uncos et Forest ont eu une éducation atypique. Quand je les ai rencontrés au lycée, je les voyais parler anglais couramment entre eux. Quand ils s’engueulaient c’était en anglais, quand j’allais chez eux j’avais l’impression d’être dans un sitcom, de baigner dans la culture américaine par rapport à chez moi. Je trouvais cela génial. Quand j’ai demandé à Marlène "pourquoi as-tu 4 garçons qui font de la musique ? Aviez-vous des copains qui jouaient de la musique chez vous quand ils étaient enfants ?" Elle m’a répondu pas du tout, qu'ils avaient découvert la musique seuls. Elle ne les a jamais poussés à quoique ce soit. Et elle est trop fier de leur parcours Généralement, les parents disent 'trouves toi d’abord un travail et après tu feras de la musique'. Elle non. Elle n’a jamais mis un frein à leur passion. Je trouve admirable. J’ai souvent posé des questions un peu naives pendant toutes ces années mais leurs réponses ont donné le ton du film.

 

Il est toujours possible de soutenir la finalisation de Diesel en pré-achetant le DVD sur la boutique du site !

 

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