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Crawl : "Je voulais revenir à un cinéma de pure terreur" Alexandre Aja interview

Le 22/07/2019 à 16:08
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Alexandre Aja revient au cinéma de sensations fortes et l'on ne peut que s'en réjouir. Crawl, en salles dès le 24 juillet, est parfait pour l'été. Un vrai plaisir sur grand écran.

 

Une série B produite par Sam Raimi qui certes n'invente rien mais qui saura ravir les amateurs de grosses bestioles affamées et de survival qui prend aux tripes.

Films d Horreur / Fantastique

L'histoire est celle de Hayley (Kaya Scodelario, Skins, Labyrinthe, Pirates des Caraïbes 5) qui décide de rejoindre son père porté disparu alors qu'un violent ouragan s’abat sur sa ville natale de Floride. Elle le retrouve grièvement blessé dans le sous-sol de la maison familiale et réalise qu’ils sont tous les deux menacés par une inondation progressant à une vitesse inquiétante. Mais là n'est pas la seule menace… 

Mélangeant à la fois le survival, le film de monstre et le film catastrophe, Crawl ne débande pas d'un croc pendant 90 minutes. 

On a eu la joie de pouvoir en discuter avec Alexandre Aja, réalisateur entre autre de Haute Tension, la Colline des yeux, Piranhas 3D et Horns.  

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"J’avais vraiment envie de revenir à un cinéma de peur."


Pourquoi Crawl ? La plupart des gens associent films de crocodile à de la série Z à la Sharknado. Qu’est ce qui t’a motivé dans cette histoire ?

Alexandre Aja : J’avais vraiment envie de revenir à un cinéma de peur, de pure peur, de pure suspense, à quelque chose de proche de Haute Tension et de la Colline a des yeux qui ont été mes premiers films de terreur. En même temps, je ne voulais pas complètement oublier Piranhas 3D qui était une comédie gore mais qui avait des créatures. J’ai toujours aimé les films de bêtes sauvages et de monstres. Quand j’ai reçu le scénario de Crawl, c’était exactement ce que je cherchais. C’était l’histoire d’une jeune fille qui doit sauver son père pendant un ouragan catégorie 5 en Floride dans une zone inondée infestée d’alligators. C’était parfait. En même temps il est vrai que le film d’alligator c’est vraiment la série B de la série Z. Il n’y a pas de films vraiment très réussis dans le genre même si j’ai grandi avec l’Incroyable Alligator (Lewis Teague - 1980) qui est un film sympa mais il n’y a pas de film référent comme pour les films de requins avec les Dents de la Mer évidemment où un chef d’oeuvre a tout changé. Il y avait un défi intéressant pour créer une histoire qui soit à la fois un film catastrophe, un film réaliste sur ces créatures et qui ne soit pas une série Z avec un alligator géant radioactif qui veut se venger d’un personnage.

As-tu eu des films de référence pendant la conception de Crawl ?

Sur Crawl, j'en ai eu deux. D'un côté Alien, qui reste un de mes films préférés et qui demeure un des films les plus réussis en terme de direction artistique, d’atmosphère, de peur qui monte, de suspense, de tension. Et de l’autre côté un film qu’il faut refaire découvrir aux gens qui est Cujo (de Lewis Teague d’après le roman de Stephen King). Cujo a cette qualité dans le drame, le réalisme, le survival avec une créature que l’on connait (un chien). Quand je demandais à Sam Raimi quel était son film d’alligator  ou crocodile préféré, il m’a dit Jurassic Park. Je pense qu’il a raison. C’est vraiment dans cet univers Jurassic Park, Jurassic World où les dinosaures sont les plus réussis. Et les alligators sont des dinosaures vivants.

 

"Sam Raimi est le producteur de rêve pour n’importe quel réalisateur."

 

A quel point Sam Raimi a été impliqué dans Crawl ?

Il est arrivé après le premier développement. Il a eu quelques notes sur le scénario mais c’est vraiment sur la préparation qu’il a grandement contribué. C’était un tournage compliqué. C’était vraiment un énorme challenge car il fallait tout tourner dans l’eau, recréer la tempête et ce contexte de Floride sous un ouragan, puis tous ces alligators. Il a été très présent sur cette partie-là ainsi qu’au montage. C’est un producteur qui est assez unique et qui est un peu le rêve pour n’importe quel réalisateur. C’est quelqu’un qui est là pour aider. Il fait en sorte que ta vision se réalise plutôt que de s’approprier et la mettre à sa sauce. C’est quelqu’un qui pourrait dire : "non moi je le vois pas comme ça", mais qui au contraire est à l'écoute et va te soutenir par rapport au studio en disant « non, il a raison, essayons ça ». C’est là où il fait la référence.

 

Du coup cela a été plus simple qu’avec Wes Craven pour la Colline a des yeux ?

Avec Wes Craven, cela a été dur à certains moments et formidable à d’autres. A l’arrivée, il a été très content du film. C’est quelqu’un qui était très partagé. La Colline a des yeux était le remake d’un de ses films. Ce n’est pas facile. C’était la première fois qu’il se retrouvait à produire le remake d’un de ses films dont il n’était pas content mais qui était quand même devenu culte. Wes Craven avait un rapport très compliqué avait l’original de la Colline a des yeux. Finalement, on a gagné cette bataille. Il était très heureux après les projections tests. Mais cela n’a pas été évident.

 

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"Les projections tests m’ont toujours aidé. Sans elles, je n’aurais pas réussi à garder le contrôle artistique sur tous mes films."

 

C’est compliqué de travailler avec les projections tests ?

Il n’y en a pas en France mais j’aime beaucoup les projections tests. Elles fonctionnent avec le cinéma de sensation que je souhaite produire. On voit tout de suite si le film fonctionne quand on a 350 spectateurs sélectionnés au hasard parce qu’ils ont dit qu’ils aimaient le cinéma d’horreur. On voit comment ils réagissent. On voit s’ils aiment, s’ils ont peur, s’ils s’emmerdent, s’ils sont scotchés sur leur siège, s’ils sursautent, s’ils veulent partir. En général, les projections tests offrent un sentiment beaucoup plus réel par rapport au film que les avis de certains exécutifs de studio américains qui ont les idées les plus étranges qui existent. Là, c’est le public qui va protéger un film. Ce n’est pas toujours le cas. Un chef d’œuvre comme l’Armée des Douze Singes a été massacré à la projection test. Dans le making of, tu voies des gens vraiment débiles ne rien comprendre au film alors qu’il est évident. Pareil pour les Affranchis de Scorsese qui a été très mal testé à l’époque. On voit là les limites de la projection test. De l’autre côté, quand on fait des films de sensations et d’immersion, ou alors de la comédie, les projections tests ont vraiment du sens.

 

La plupart des réalisateurs français partis tourner aux Etats-Unis sont revenus dégoûtés parce que leur film a été massacré. Qu’est-ce qui fait que toi tu aies réussi à t’imposer là-bas  ?

Je ne sais pas... Je ne me laisse pas faire, je me bagarre, je suis un pitbull… J’essaie vraiment à chaque film de me battre pour ma vision. Comme je le disais, les projections tests m’ont toujours aidé. Sans elles, je n’aurais pas réussi à garder le contrôle artistique sur tous mes films. A chaque fois que je fais un film aux Etats-Unis, je sais que je m’expose à la possibilité de perdre mon film en route. C’est pour cela que je le protège et que je suis prudent quant à mes partenaires parce que je veux être certain dès le départ qu’ils veulent faire le même film que moi. S’il y a un désaccord, il ne va pas disparaître et il vaut mieux arrêter tout de suite.

 

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Qu’est-ce que tu reprocherais au cinéma d’horreur actuel ?

C’est toujours la même chose. Cela marche très bien, du coup beaucoup de gens en font et comme énormément de gens en font, il y a beaucoup de très mauvais films. Mais il y en a de très très bons aussi. C’est à double tranchant. Il y a ceux qui aiment ça, qui ont des envies, je suis vraiment spectateur de ces films... J’essaie de tout voir même le pire. Finalement on est dans un paysage très similaire aux années 80 où il y avait d'un côté de très bons films et énormément de séries Z horribles. Il faut faire la part des choses. Mais ce succès du genre est encourageant. A un moment où toute l’industrie du cinéma est en train de changer avec le streaming et Netflix, Amazon, de moins en moins de films d’auteurs vont trouver leur place dans les salles américaines contrairement en France où il y a toujours 15/20 sorties par semaine. Les derniers films qui parviennent à se battre aux Etats-Unis contre les Avengers et autres Disney et Star Wars sont les films de genre et d’horreur. Pourquoi ? Parce que ce cinéma propose une expérience. Quand on va voir Crawl, on va voir un film qui est un tour de montagne russe, qui est à la fois réaliste et ultra flippant, qui n’est pas non plus un festival de gore. C’est un thriller de suspense et de survie que les spectateurs ont envie de partager avec d’autres.

 

"Je loue Shining par accident à 7 ans et je découvre le pouvoir des images."

 

Quel réalisateur te rend jaloux aujourd’hui ?

Il y en a beaucoup. Ce qu’Andy (Muschietti) fait avec Ca c’est magnifique, ce que Fede Alvarez a fait avec Evil Dead et Don’t Breathe est magistral.. Je ne les envie pas mais je les admire. Ce sont de grands réalisateurs.

 

Avec quel réalisateur rêverais-tu de passer une soirée à discuter ?

Si c’est un disparu, Kubrick. Même si ce n’est pas la personne la plus bavarde et sympathique (rires). Mais s’il était sympathique ce soir-là, cela serait lui.

 

Quel est le film qui a changé ta vie ?

Shining. Je loue Shining par accident à 7 ans et je découvre le pouvoir des images. Je mets la cassette, je commence à regarder et au bout de 5 à 6 minutes, Danny a sa première vision et là je ne peux même pas bouger pour arrêter le magnétoscope. Je sais que j'aurais du l’arrêter mais je ne peux pas bouger. Ce sentiment d’être complétement avalé par l’image va me pousser à faire ce cinéma-là.

 

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Qu’est ce qui t’a fait choisir Kaya Scodelario pour le rôle principal de Crawk ?
Au départ j'avais une autre actrice en tête. Mais elle est partie sur une série télé. Je connaissais Kaya. Cela faisait un moment que j'avais envie de tourner avec elle, ceci depuis ses débuts dans Skins et dans Labyrinthe. Je trouve qu'elle dégage quelque chose de fort. Elle a beaucoup de détermination, ce qu'il était primordial pour supporter la dureté et l'inconfort absolu de ce tournage dans l'eau. Je pensais que je ne pourrais pas faire pire que Piranhas 3D et pourtant (rires). Passer 40 jours dans l'eau même en combinaison de surf, c'est rude ! Surtout avec du vent, de la pluie et du bruit en permanence.

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