Exclu : un hommage Made in France à Tony Scott !
Le 20/08/2012 à 20:30Par Michèle Bori
On ne va pas vous mentir : l'annonce ce matin de la mort de Tony Scott nous a fait un sacré choc. Nous ne nous en sommes jamais cachés : le cadet de Rildey faisait partie de ces réalisateurs pour lesquels nous avions énormément d'affection. Pour des raisons culturelles évidentes (quel fils des années 80 n'a pas pris son pied devant Top Gun ?), personnelles aussi, mais aussi parce qu'il était l'un des rares réalisateurs à avoir travaillé pendant trente ans à Hollywood, sans se faire bouffer par le système, sans jamais se démoder et surtout, sans jamais perdre cet amour du "too-much" qui a si longtemps fait sa marque de fabrique. Respect. Mieux encore, durant toute sa carrière, il a su se construire une filmographie ultra-cohérente, de par sa "forme" bien sûr (bien que son style ait évolué au cours des années), mais aussi de par son fond. Des Prédateurs à Unstoppable, Tony Scott n'a eu de cesse d'explorer des thèmes qui lui étaient chers. En vrac, les notions d'espace et de temps - voire d'espace-temps - de sacrifice, les rapports de force entre deux antogonistes forts et l'amour impossible. Et tout ça, sans jamais oublier qu'il était là pour divertir les foules et pour livrer un "produit de consommation" à un studio. En d'autres temps, on appelait ça un auteur.
Aujourd'hui, pour faire honneur à sa mémoire, nous avons décidé de laisser la parole à ceux qui, plus encore que nous, ont été marqués par le travail de Tony Scott. Vous trouverez donc ci-dessous plusieurs déclarations de réalisateurs français qui, chacun à leur manière, évoquent le cinéma de Scott, son influence sur leur travail et les films qui les ont le plus marqués. Un hommage de cinéphiles donc, par ceux qui, de notre côté de l'Atlantique, ont vu dans la carrière de l'homme à la casquette rose une source de plaisir et d'inspiration, voire même un modèle. Merci donc à tous ceux qui ont accepté de dire ou d'écrire quelques mots au sujet de cet immense metteur en scène.
Tony Scott : hommage de quelques réalisateurs français
Florent-Emilio Siri (Cloclo, Nid de Guêpes, Otage, L'ennemi Intime)
"J'ai toujours l'impression de perdre comme un parent proche quand un metteur en scène que j'admire meurt. Tony scott réussissait à réaliser des blockbusters qui étaient d'abord des films d'auteur. Ses films étaient à son image, avec ces personnages de héros mélancoliques constamment en proie à leurs souffrances existentielles. En tant que réalisateur, je l'ai toujours admiré pour sa capacité à réussir à faire évoluer le langage cinématographique, même dans ses films les moins réussis. Un maitre sans doute sous-estimé dans l'ombre d'un maitre encore plus grand, son frère. Man on fire et True Romance resteront à jamais dans l'histoire du cinéma. RIP Tony Scott."
Julien Séri (Les Fils du vent, Scorpion)
"Tony Scott était pour moi un immense metteur en scène. Sa filmographie a bercé ma jeunesse et ses films sont encore aujourd'hui dans mes best- of et font chauffer ma platine Blu Ray... La sensibilité de son regard et sa maestria visuelle vont me manquer. Son grand chef-d'œuvre est pour moi le fantastique MAN ON FIRE."
Julien Lacombe (Derrière les murs)
"Pour moi, Tony Scott faisait partie de ces petits maitres du cinéma qui s'étaient trouvé une niche cinématographique et s'y tenaient fermement. Ses films étaient inégaux, quelques navets mais aussi des petits chefs-d'œuvre qui m'ont vraiment marqué et inspiré : Le dernier Samaritain, USS Alabama, True Romance, Man on Fire, Spy Game. Autant de plaisirs coupables souvent descendus par la critique "intelligente" mais des vrais bons films. Sa folie récente du surdécoupage et des variations de grains, son univers d'esthète venu de la pub, coloré, surfiltré, toujours en mouvement montre à quel point il continuait à faire évoluer sa mise en scène même à plus de 60 ans. Un exemple de renouvellement permanent qui est la marque des grands techniciens. Et puis, même dans ses mauvais films il y avait toujours LA scène qui faisait oublier le scénario poussif ou le sujet bancal. J'ai des vrais bons souvenirs de Days of Thunder ou du Flic de Beverly Hills 2, qui n'était pourtant pas inoubliables. Finalement son cinéma – un peu comme celui de son frère – avait l'air jeune, puissant, jouissif, alors que c'était un vieux roublard qui avait tout vu qui était aux manettes. J'en garderai un souvenir fort, j'ai un peu le cafard car ses films d'action des années 80 et 90 ont bercé mon adolescence ; je les revois souvent, machinalement, et toujours avec le même plaisir. Alors oui, ce n'était pas un auteur et du coup pas sûr qu'il reste éternellement dans les mémoires des cinéphiles, mais en tout cas, moi, je ne l'oublierai pas."
Rémi Bezançon (Le premier jour du reste de ta vie) :
"Pour moi Tony Scott était surtout un grand réal de comédie et Le dernier samaritain est de loin son meilleur film."
Olivier Chateau (Asylum) - contacté par téléphone :
"Comme j'ai grandi dans les années 80, Tony Scott est logiquement l'un des réalisateurs qui m'a donné envie de faire du cinéma. Je garde un souvenir ému du Flic de Beverly Hills 2. Quand ce film est sorti, je devais avoir une douzaine d'années. J'avais un pote qui avait une carte illimitée à l'époque parce que son père était commissaire et donc on pouvait aller voir les films gratuitement ensemble. Et ce film-là, on a dû le voir 8 ou 9 fois. Pendant un mois, on y a été deux fois par semaine. J'étais super fan, c'était drôle, c'était fun. […] C'est toujours compliqué quand quelqu'un se suicide. Et à mes yeux, plus encore quand c'est un réalisateur car je me dis : 'Mince, ce métier ne l'a pas rendu suffisamment heureux'. Ca fait réflechir."
Pascal Sid (Derrière les murs)
"Une grande perte... Avec la disparition de Tony Scott, le cinéma a perdu un des rares réalisateurs Hollywoodien qui avait réussi à imposer aux fils des années un incroyable style formel, immédiatement identifiable, souvent imité mais jamais égalé. J'ai été moi-même fortement inspiré par ses nombreux travaux, que ce soit en publicité comme au grand écran. Tous ses films possèdent une vraie âme, et contiennent au moins une grande scène culte à mes yeux, et des numéros d'acteurs inoubliables. Que ce soit l'entretiens vérité entre Hooper et Walken dans True Romance, la scène de fin dans Revenge, le duel Whasington- Hackman dans USS Alabama, Willis dans Le dernier Samaritain, Redford et Pitt dans Spy Game... Il m'est impossible de toutes les citer tellement elles sont nombreuses. Ce qui était exceptionnel chez lui, c'était la manière dont il s'amusait à expérimenter les formats de tournage, les angles de caméras, les points de vue, le travail sur le son, sur le montage, en dépit des dictats hollywoodien et du public lambda américain. Il était un peu une sorte d'alter ego en plus sage de Tsui Hark... Il restera à jamais dans ma mémoire pour son œuvre magistrale et éclectique, avec de nombreux chefs d'œuvres, dont mon préféré restera Man on Fire, le film dans lequel son style a pris toute son ampleur et sa maturité, et qui offre à Denzel un de ses rôles les plus marquants. Une grande perte..."
Fouad Benhammou (Le village des ombres) - contacté par téléphone :
"Je suis vraiment attristé par cette nouvelle. L'histoire de Tony Scott, c'est un peu l'histoire de Salieri et de Mozart. Au début pour moi, Tony, c'était le mec qui vivait dans l'ombre du frère et qui n'avait pas son génie. D'un côté on avait un génie qui avait fait Les Duélistes, Alien et Blade Runner et de l'autre un bon technicien, appliqué à illustrer des scénarii, comme Top Gun ou Les Flic de Beverly Hills. Mais il a réussi à se sortir de ce statut de yes-man pour devenir un metteur en scène capable de poser son empreinte sur tous ses films. De plus, je trouve que Tony a révélé un vrai second degré et un sens de la comédie que n'avait pas Ridley. Le Dernier Samaritain est l'un de mes films préférés, et l'humour du duo Willis / Wayans y est pour beaucoup. Et avec True Romance, il a quasiment réalisé le meilleur film basé sur un scénario de Tarantino. [...] Mais son travail était vraiment basé sur l'expérimentation visuelle, et pas toujours sur le fond. C'est peut-être pour ça qu'il n'était pas apprécié par tous."
He Was So Cool ...
Benjamin Rocher (La Horde)
"Alors qu'il n'avait plus rien à prouver, Tony Scott a toujours pris des risques. Il a expérimenté et s'est mis en danger à chaque film. Plus qu'un grand réalisateur au style unique, Tony Scott est un modèle. Il va foutrement nous manquer. "
David Sarrio (les courts-métrages Projet Gamma, Daredevil, The Punisher 2) – contacté par téléphone :
"Je retiendrais de Tony Scott une forme de découpage qui n'appartenait qu'à lui, une manière d'utiliser les focales qui faisait sa marque de fabrique. C'est la recherche de ce nouveau style qui l'a tiré vers le haut et qui l'a amené vers son chef-d'œuvre qui est Man On Fire. Dans ce film, il y a tout : le cadrage, le montage, l'émotion et l'histoire. C'était quelqu'un de généreux, qui aimait en mettre plein à l'image. Il disait d'ailleurs lui-même qu'il ne pouvait pas faire de films à moins de 60 millions de dollars. Et malgré toutes ses qualités techniques, on sentait qu'il aimait ses personnages, puisque tous ses films contenaient une vraie dimension sociale. A titre personnel, j'aurai vraiment voulu le voir mettre en scène un film de super-héros. Je pense qu'avec un bon script, il aurait pu nous offrir quelque chose d'unique."
Xavier Gens (Frontières, The Divide, Hitman) - contacté par téléphone
"Pour faire simple, j'ai eu 15 ans au début des années 90. Donc j'ai été très marqué par les premiers films écrits par Quentin Tarantino : Reservoir Dogs, Tueurs Nés et True Romance. Et ce dernier a été un de mes premiers films cultes. Il y avait une telle modernité dans la mise en scène, un tel rythme … pour moi, ça reste l'un de ses meilleurs. A partir de là, c'est un réalisateur que je n'ai cessé de suivre. […] Ce qui est fort, c'est la manière dont il a réussi à s'abreuver de la culture américaine (ndlr : Tony Scott en anglais) pour la filmer avec un peu de recul - parfois même avec cynisme - et ce, dans le cadre de films de studios. Il a su observer son pays d'adoption pour mieux évoquer ses démons. Je conseille à tout le monde de regarder son court métrage Beat The Devil pour BMW. C'est un petit bijou d'esthétique, c'est du Scott à 200% et ça parle de la culture américaine tout en la pointant du doigt. […] Suite à sa mort, je pense qu'il y a pas mal de gens qui vont se replonger dans son œuvre et découvrir que son cinéma était plus honnête que celui de son frère, surtout sur ces 15 dernières années. Mes films préférés de Scott ? True Romance, Man on Fire, Domino et … Max Payne 3. Si Tony Scott n'avait pas été là, jamais le jeu de Rockstar n'aurait jamais eu ce look."
Et pour finir, nous vous laissons avec une petite sélection de réactions de stars (américaines et françaises) vues sur Twitter : Christian Slater, Samuel L. Jackson, Joe Carnahan, Jon Favreau, Edgar Wright, Marc Webb, Ron Howard et quelques autres. Cliquez sur la photo ci-dessous pour l'agrandir.