Quatre étranges cavaliers : 16/20
Tornade : 16/20
La Reine de la prairie 15/20
Les Rubis du prince birman : 09/20
La Perle du Pacifique sud : 16/20
Le Mariage est pour demain : 12/20
Deux rouquines dans la bagarre : 13/20
Il est certain que la qualité des masters proposés dépend des conditions des copies d'origine et ce malgré un travail de titan effectué sur le plan de la restauration. Commençons par le format des films proposés qui risque de faire grincer les dents de certains puristes même s'il était acquis d'avance que l'éditeur ne pouvait contenter tout le monde. Ainsi, Les Rubis du prince birman, La Perle du Pacifique sud, Le mariage est pour demain et Deux rouquines dans la bagarre, tournés au format 1.37., avaient été recadrés et distribués dans les salles au format Superscope (2.00), procédé concurrent du Cinémascope censé retenir la largeur complète de l'image tournée tout en réduisant sa hauteur pour offrir aux spectateurs le film sur écran large. Un carton d'introduction indique pour les quatre films mentionnés que les masters restaurés sont délivrés en 1.77 (16/9) pour Les Rubis du prince birman, en 1.33 plein écran (conservant la hauteur et la largeur de l'image) pour La Perle du Pacifique sud alors tourné en 1.37 et diffusé dans les salles en Superscope 2.00. Vous suivez toujours ? En ce qui concerne Le Mariage est pour demain, le film tourné au format 1.37 avait également eu les honneurs du Superscope. L'éditeur annonce ce nouveau master restauré pour la première fois dans son format dit « officiel » Superscope au ratio 2.00 :1 (16/9). Dernier accroc formel pour ce qui est de Deux rouquines dans la bagarre, tourné en 1.37., distribué en Superscope lors de sa sortie en 1956 et néanmoins présenté au format 1.77. (16/9). Ne vous étonnez donc pas de voir le logo de la RKO déplacé du centre de l'écran et même parfois carrément rogné sur les côtés !
Finalement, à part pour La Perle du pacifique sud, les copies les plus altérées du coffret s'avèrent être celle des trois autres longs métrages susmentionnés en début de test. Les couleurs paraissent plus délavées, le grain est plus prononcé, les contrastes plus brouillés, les détails tronqués, le Technicolor n'est guère resplendissant en particulier pour Les Rubis du prince birman, présentement la copie la plus gâtée du lot comme l'annonce l'éditeur en introduction. Certaines séquences se déroulant dans la jungle affichent d'ailleurs une teinte sensiblement monochrome. L'étalonnage en prend un coup au cour d'une même scène, le piqué laisse franchement à désirer, les gros plans sont voilés mais plus précis que les plans larges (exemple dans Le mariage est pour demain) et tous ces défauts s'accentuent lors des scènes nocturnes où les problèmes de définition se durcissent. Malgré tout, la luminosité est de mise. Le master de Deux rouquines dans la bagarre semble être celui comprenant le plus de scories apparentes avec plusieurs rayures intempestives, quelques moirages, un voile granuleux constant et ce en dépit de couleurs flamboyantes faisant ressortir sans mal la chevelure incendiaire de Rhonda Fleming et Arlene Dahl. La Perle du Pacifique sud, le film le plus mauvais du coffret, s'offre le luxe d'une palette colorimétrique soignée et ardente, le master étant lisse, relativement velouté et les détails délicats.
Deux rouquines dans la bagarre
Les plus belles copies de ce coffret demeurent les films présentés dans leur format respecté plein cadre 1.33 à savoir le chef d'œuvre Quatre étranges cavaliers, ainsi que les westerns Tornade et La Reine de la prairie. Bien que nous ayons connu un Technicolor plus étincelant, la propreté de ces trois masters est exemplaire avec une large palette bleue azurée pour Quatre étranges cavaliers, bleue et marron pour Tornade et une gamme de vert sur La Reine de la prairie. Si la définition est bancale au moment des génériques d'ouverture, la palette colorimétrique prend également son temps pour s'équilibrer, la luminosité est fort acceptable, le grain quasi chimérique et les contrastes harmonieux. Ces masters ne sont pas dénués de défauts et nous remarquons de légers dépôts résiduels qui ont subsisté malgré la colossale restauration tout comme de petites rayures et fourmillements dans les arrière-plans. Tornade se distingue par une profondeur de champ notable et une photo un peu cotonneuse mais les verts ont tendance à virer au bleu. La séquence nocturne de l'attaque de la hacienda n'est cependant guère rutilante et tranche radicalement avec l'éclat exemplaire des scènes diurnes. Enfin la palette colorimétrique de La reine de la prairie rappelle la pochette de l'album Atom Heart Mother de Pink Floyd avec un ciel azur éclatant et des verts délicatement fanés. Les projections à l'arrière des comédiens s'avèrent pour une fois laquées mais ce sont les scènes tournées en nuit américaine qui posent un sérieux problème avec un rendu décoloré, désaturé et artificiel. Plongez-vous dans le noir le plus total afin d'apprécier la séquence de l'attaque nocturne du troupeau.
Afin de respecter au mieux l'état des supports originels, Carlotta propose aux spectateurs de visionner les films dans les meilleures conditions possibles aujourd'hui et même si finalement les films auraient gagné à tous être distribués dans leur format plein écran, les amateurs de cadre large apprécieront le format 16/9 sur certains de ces titres.
Quatre étranges cavaliers : 16/20
Tornade : 16/20
La Reine de la prairie : 15/20
Les Rubis du prince birman : 12/20
La Perle du pacifique sud : 16/20
Le Mariage est pour demain : 12/20
Deux rouquines dans la bagarre : 14/20
Les fans des doublages français d'antan seront déçus car l'éditeur n'a exclusivement opté que pour les versions originales. Selon les films, la qualité varie mais les mixages s'avèrent de qualité égale excepté pour Les Rubis du prince birman et Le Mariage est pour demain dont les dialogues sont souvent trop étouffés, les craquements, ronronnements et souffles revenant de manière récurrente. Qui plus est, les saturations et résonnements sont légion. Les Rubis du prince birman se voit par exemple parasité par de légères interférences chroniques dénaturant quelque peu le visionnage. Toujours est-il que ces mixages sont amplement suffisants. La restauration effectuée sur les mixages profite grandement aux magnifiques bandes-originales qui se voient magistralement restituées. Les mixages de Quatre étranges cavaliers, Tornade et La Perle du pacifique sud se révèlent dynamiques, les graves sont bien appuyés, les dialogues bien mis à l'avant, les ambiances sympathiques, le souffle, parfois présent sait se faire discret, et les diverses altérations dues à l'âge des films se manifestent avec parcimonie. Notons toutefois un manque d'ardeur concernant les pistes de Deux rouquines dans la bagarre et La Reine de la prairie mais ces deux mixages s'avèrent toutefois de qualité.
Pour le plaisir des yeux, voici les menus des sept films de ce coffret :
Sur tous les DVD : Dialogue avec Allan Dwan par Peter Bogdanovich (environ 1h05)
Sur chacun des titres, Carlotta propose d'écouter un extrait (en moyenne de 9 minutes) de l'entretien réalisé par Peter Bogdanovich avec Allan Dwan (alors âgé de 83 ans) le 22 novembre 1968 à Van Nuys, Californie. Présenté de manière originale via un extrait de Deux rouquines dans la bagarre où John Payne branche son magnétophone, Allan Dwan se confie avec honnêteté sur sa fructueuse collaboration avec le producteur indépendant Benedict Bogeaus (10 films), se penche sur son travail avec ses comédiens (John Payne, Barbara Stanwyck, Ronald Reagan), sur le remaniement systématique du scénario avant ou même durant le tournage, se remémore quelques savoureuses anecdotes de tournage tout en étant critique envers ses films dont la seule satisfaction qu'il en tire est d'avoir chaque fois respecté le budget qui lui était imposé tout en faisant croire que les moyens dont il disposait étaient nettement supérieurs avec une réutilisation récurrente des décors provenant d'un autre film (Les Rubis du prince birman). Seul Le Mariage est pour demain semble lui tenir à coeur car ce projet lui était personnel.
Allan Dwan déclare enfin à plusieurs reprises que l'amour de filmer l'emportait la plupart du temps sur la qualité toute relative des scénarios qu'on lui proposait à l'instar de La Perle du Pacifique sud, dont il rit encore devant sa médiocrité en déclarant qu'il « n'aurait jamais dû voir le jour tellement il est horrible ». Notons toutefois que ces enregistrements sonores auraient pu être illustrés par des photos ou d'autres archives plutôt que de présenter une image fixe sur le magnétophone durant près de dix minutes. Les propos qui sont tenus ici, bien qu'intéressants, restent un peu limités du fait que le cinéaste avoue ne pas tirer une grande satisfaction de ses oeuvres. A noter que ces entretiens avaient été publiés en 1971 dans le livre Allan Dwan, le dernier pionnier.
Vous retrouverez également la bande-annonce de chacun des films démontrant que la restauration ne fait pas de doute. Notons par ailleurs que la bande-annonce de Tornade est présenté en N&B.
DVD 1
Le Dernier des grands maîtres (29min58)
Pièce maîtresse de cette interactivité, cette interview de Peter Bogdanovich réalisée par Robert Fischer, réalisateur et historien du cinéma, est placée sous le signe de l'émotion. Peter Bogdanovich évoque sa rencontre avec Allan Dwan en 1968 lors de ses entretiens passés avec les grands cinéastes de l'époque. La carrière du prolifique réalisateur (plus de 400 films officiels, plus du double selon la légende), du cinéma muet au cinéma parlant, est longuement analysée tout comme sa technique (« chacun de ses films est une œuvre sans défaut et c'est le meilleur cinéma qui soit selon moi » dixit notre locuteur). Largement illustré, cet exposé et magnifique hommage est le supplément indispensable de ce coffret afin de savoir qui était Allan Dwan. A noter que de nombreuses anecdotes font écho avec celles entendues lors des entretiens audio.
L'Homme qui filmait plus vite que son ombre (28min23)
Les comédiens Harry Carey Jr. (vu dans La Prisonnière du désert) et Stuart Whitman (Duel dans la boue) se remémorent chacun de leur côté le tournage de Quatre étranges cavaliers et leur collaboration avec Allan Dwan, John Ford et Raoul Walsh. Le père d'Harry Carey a d'ailleurs tourné près de 30 films avec John Ford. En parlant d'Allan Dwan, ils évoquent un réalisateur perfectionniste et agréable, à l'aise dans son métier, au style unique, dont la première prise était souvent la bonne. Ces vétérans de l'Age d'or d'Hollywood se souviennent de leurs débuts avec une émotion non feinte où ils firent des rencontres mythiques qu'ils partagent aux spectateurs avec générosité.
DVD 2
L'Homme qui acheta un canyon (11min06)
Robert Blees, scénariste de La Reine de la prairie, revient sur le tournage du film, ses rapports avec Allan Dwan, le producteur indépendant Benedict Bogeaus, les comédiens Barbara Stanwyck et Ronald Reagan. Le titre de ce documentaire vient du fait qu'Allan Dwan avait acheté dans les années 20 un canyon s'étendant de Sunset Boulevard jusqu'à Mulholland, terrain d'une centaine d'hectares que le cinéaste a été obligé de revendre dans les années 30. Le scénariste raconte son association avec Allan Dwan sur La Reine de la prairie et Deux rouquines dans la bagarre tout en mettant en avant les défauts d'écriture de ces films. En ce qui concerne Ronald Reagan, Robert Blees se souvient d'un comédien très sûr de lui, remet en cause son talent d'acteur tout en précisant qu'il n'avait rien d'exceptionnel. Il clôt cet entretien en se disant heureux de la sortie du coffret présent en espérant que le public français puisse découvrir un metteur en scène de grand talent à réhabiliter au même titre que John Ford ou Raoul Walsh.
DVD 4
Screen directors playhouse :
Dialogue avec Allan Dwan par Peter Bogdanovich (2min56)
Dans cet entretien, le réalisateur explique que chaque cinéaste ou comédien de renom (Leo McCarey, Buster Keaton, Ray Milland...) était convié à réaliser un ou deux téléfilms pour le compte de la série prestigieuse Screen directors playhouse, créée par les Studios Hal Roach, dont les bénéfices étaient reversés à la Director's Guild. Allan Dwan évoque les tournages de High Air et It's always Sunday, réalisés en 1956, mis en scène pour la télévision avec une fois de plus des moyens limités. Il clôt cet entretien en donnant son avis sur le format télévisuel et partage cette expérience avec Peter Bogdanovich.
High air (25min42, 1956) : présenté dans une très belle copie N&B, ce superbe téléfilm met en scène les comédiens Wiliam Bendix et le jeune Dennis Hopper. Un ouvrier (William Bendix) travaillant sur un chantier à risque doit faire face à la réapparition soudaine de son fils de 20 ans (Dennis Hopper) qui déclare vouloir exercer le même métier que lui. Ce téléfilm rappelle furieusement le chef d'œuvre littéraire de Colum McCann, Les Saisons de la nuit, dans son rendu documentaire des foreurs risquant leur vie à tout moment en creusant sous l'Hudson river. Une fois de plus, malgré son visible détachement entendu lors des entretiens passés avec Peter Bogdanovich, Allan Dwan soigne chacun de ses plans et livre un drame poignant.
It's always Sunday (25min19, 1956) : si la copie N&B est légèrement plus usée que celle d'High air, il n'en demeure pas moins que ce téléfilm est savamment gâté. Allan Dwan s'exerce avec brio à la comédie en racontant l'histoire d'un pasteur (Dennis O'Keefe), considéré par les vagabonds comme la « bonne poire » du coin, qui reçoit la visite de deux compères affamés et a qui il donne une belle leçon de charité. Efficacité et divertissement garantis !
DVD 5
Au secours de Cain (29min33)
Robert Blees est une fois de plus au centre de ce passionnant segment et aborde l'élaboration du scénario de Deux rouquines dans la bagarre, adapté du roman de James M. Cain (Le Facteur sonne toujours deux fois, Assurance sur la mort) intitulé Le Bluffeur et considéré alors comme « le seul mauvais roman de son auteur ». C'est aussi l'occasion pour Robert Blees de mentionner les grandes étapes de sa carrière à Hollywood notamment sa collaboration avec Douglas Sirk sur All I desire (1953) et Le Secret magnifique (1954) qui l'a définitivement lancé dans le système. L'adaptation du roman de James M. Cain est sciemment abordé tout comme les relations entre le scénariste avec le réalisateur Allan Dwan et le producteur Benedict Bogeaus. Malgré les doutes qui persistaient au cours de l'écriture, le scénario a suffit au réalisateur dont le film a depuis fait l'unanimité tout en laissant au scénariste de bons souvenirs.