On the Bowery : 17/20
Come back, Africa : 16/20
Good times, Wonderful times :17/20
La Cinémathèque de Bologne, fondée en 1989, s'attache à préserver et restaurer l'héritage cinématographique afin qu'il soit visible aujourd'hui par le plus grand nombre de spectateurs. Restaurés à partir des négatifs originaux par cet institut et à l'initiative de Rogosin Heritage, les trois masters édités par Carlotta sont confondants de beauté. On the Bowery tire son épingle du jeu grâce à un lifting numérique HD opéré en mars 2006 dont les contrastes émerveillent à chaque plan. Si divers moirages, rayures verticales et autres défauts d'origine (les tâches sur l'objectif) n'ont pu être gommés à 100%, nous restons stupéfaits devant le saisissant piqué de l'image laissant entrevoir les pores de la peau taillés à la serpe des protagonistes lors des magnifiques gros plans. Le N&B est d'une rare densité, la profondeur de champ inespérée, les séquences diurnes lumineuses et les noirs précis. La définition ne se fragilise uniquement que durant les scènes de nuit qui apparaissent plus voilées.
Si la partie fiction de Good times, Wonderful Times est aussi magnifiquement restaurée que pour On the Bowery, les images d'archives qui composent le film n'ont évidemment pu être nettoyées comme pour un film traditionnel. D'autre part, le master de ce film est le seul à avoir été restauré en 2008 à partir des négatifs originaux conservés au British Film Institute. Si le générique annonce une restauration médiocre avec de nombreuses rayures verticales subsistantes, l'image s'annonce finalement tout aussi éblouissante que celle du premier film de Lionel Rogosin lors des séquences du cocktail mondain. Les images d'archives récoltées par Lionel Rogosin sont aléatoires et certaines s'avèrent de très bonne qualité. La note verdict pour Good Times, Wonderful times ne tient alors compte que de la partie filmée par le réalisateur.
Tourné dans la clandestinité, l'image de Come back, Africa se révèle légèrement inférieure à celle des deux autres films même si elle reste d'excellente qualité. Quelques fourmillements apparaissent sporadiquement mais le master demeure lumineux, les contrastes sont bien gérés bien que les plans de nuit soient nettement plus altérés. Le grain est parfois plus prononcé en fonction de la clarté des séquences et des rayures verticales ont échappé à la restauration.
On the Bowery : 16/20
Come back, Africa : 15/20
Good times, Wonderful times : 15/20
Chaque piste a également subi un traitement de faveur puisqu'aucun souffle important n'est à déplorer à part pour Good times, Wonderful times au moment des archives de guerre. Autrement la musique tient une place importante dans les trois films, en particulier pour Come back, Africa où le martèlement continu des tambours est aussi fluide qu'agréable. Les dialogues sont bien posés, les ambiances claires et même si certaines saturations sont inévitables comme lors de la scène de l'église dans On the Bowery (33min45), les bandes-sons se montrent exemplaires et dynamiques.
DVD 1
Pourquoi Rogosin ? (5min39)
Gian Luca Farinelli est le directeur de la Cinémathèque de Bologne. Dans un français parfait, notre interlocuteur expose brièvement les raisons pour lesquelles l'oeuvre de Lionel Rogosin a été restaurée avec soin. Considérant le caractère original de la Cinémathèque de Bologne en raison de sa non appartenance à une ville véritablement emblématique du cinéma, Gian Luca Farinelli annonce le large champ de vision et de recherche de son établissement en se penchant sur des oeuvres étrangères et méconnues. Dans cette optique, la personnalité de Lionel Rogosin ne pouvait que les intéresser et des moyens ont donc été mis en oeuvre afin de restaurer ses films, véritables témoignages des transformations sociales survenues au vingtième siècle.
La Parfaite équipe (46min21)
Pièce maîtresse de ce premier DVD, ce documentaire propose de revoir Lionel Rogosin au cours d'entretiens réalisés lors de la sortie du film, mais aussi chez lui à Los Angeles par Marina Goldovskya entre 1994 et 1999. De nombreux historiens du cinéma et réalisateurs interviennent entre deux extraits d'interviews et rendent un vibrant hommage au cinéaste décédé en 2000 tout en analysant la méthode et la réalisation de Lionel Rogosin. Ce segment permet de mieux connaître le réalisateur qui revient sur ses débuts, ses influences (le neo-réalisme) et évidemment sur la genèse et le tournage d'On the Bowery où Lionel Rogosin avoue s'être fait la main, désireux de parler de l'Apartheid en Afrique du Sud, ce projet avait finalement été reporté et sera réalisé trois ans plus tard avec Come back, Africa. Un gros plan est également fait sur l'ensemble de l'équipe ayant entourée le cinéaste durant les 18 mois du tournage et dont la vie ressemblait parfois à s'y méprendre à celle des habitants du quartier, entre autre touchés par l'alcoolisme.
Cet indispensable documentaire se clôt sur l'évocation des comédiens non professionnels et l'accueil du film. Il n'est d'ailleurs pas étonnant d'apprendre qu'On the Bowery n'a jamais eu un grand succès aux Etats-Unis puisque Lionel Rogosin y montrait alors la face cachée de l'Amérique. En revanche, l'impact a été nettement plus imposant en Europe où le réalisateur a été encensé et le film primé par le Grand Prix au Festival de Venise.
Une Promenade dans le Bowery (10min57)
Nous retrouvons dans ce segment quelques historiens du cinéma déjà aperçus dans le supplément précédent. C'est ainsi l'occasion pour le spectateur de prendre une excellente leçon d'histoire sur le Bowery (quartier du Lower East Side) en suivant nos protagonistes déambuler dans le quartier d'aujourd'hui qui le comparent avec celui que Lionel Rogosin a immortalisé dans On the Bowery. On y apprend entre autre que ce quartier réservé aux minorités était l'un des points d'arrêts de la Beat Generation et de Jack Kerouac, que les projets immobiliers de luxe y fleurissent aujourd'hui et contrastent complètement avec le quartier d'époque dont il ne reste plus rien. Certains propos tenus ici font tout de même redondance avec ceux entendus dans La Parfaite équipe (sur les conditions de vie dans les années 50)
DVD 2
Un Américain à Sophiatown (51min45)
Réalisé en 2007, cet exceptionnel documentaire constitué de nombreuses archives didactiques donne la parole à Lewis Nkosi, écrivain sud-africain et surtout co-scénariste de Come back, Africa. De retour après plus de quarante ans sur les lieux du tournage à Sophiatown, son quartier natal de la ville de Johannesburg, Lewis Nkosi se remémore les phases d'écriture avec Lionel Rogosin, un travail entièrement réalisé dans la clandestinité afin de ne pas éveiller les soupçons des autorités. En dehors de cette intervention, Lionel Rogosin apparaît via des extraits d'entretiens tirés des images d'archives détaillées dans les segments précédents, et présente le contexte historique dans lequel s'est déroulé le tournage de Come back, Africa. Si certains témoignages font échos à ceux des documentaires antérieurs (nous retrouvons d'ailleurs la plupart des mêmes intervenants plus la femme de Lionel Rogosin), les conditions des prises de vue sont largement abordées et les influences du réalisateur révélées (Le Voleur de bicyclette, les films de Robert Flaherty).
DVD 3
L'Humanité en péril (24min08)
Le dernier segment démarre par de nouveaux propos de Lionel Rogosin sur la genèse de Good times, Wonderful times. Dans un entretien réalisé en 1998, le cinéaste explique que la guerre froide lui faisait craindre une guerre nucléaire et que de là est né son désir de réaliser un film contre la guerre qui lui a valu d'être taxé pro-soviétique et de s'exiler en Angleterre afin de le mettre en oeuvre. Quelques extraits d'interviews du moraliste, pacifiste et philosophe britannique Bertrand Russell (qui apparaît dans le film) viennent émailler ce documentaire à travers lequel nous retrouvons également le monteur du film Brian Smedley-Aston, l'actrice et écrivain Molly Parkin, chacun revenant sur leur rencontre avec Lionel Rogosin, leur collaboration et le message radical du film. Le fond et la forme sont habilement abordés à l'aide de nombreuses images d'archives, ainsi que le tour du monde réalisé par Lionel Rogosin afin d'accumuler les archives de guerre montrées dans Good times, Wonderful times. Ce dernier supplément se clôt sur les difficultés rencontrées par Lionel Rogosin pour distribuer le film dont même les petits exploitants ne voulaient pas. Des complications surmontées par le réalisateur en distribuant le film lui-même dans les universités américaines où plus d'un million d'étudiants ont pu le découvrir. Passionnant !
Commun aux trois DVD : Partie DVD-Rom : Les plus curieux d'entre vous se pencheront sur les nombreux articles issus des journaux de l'époque, en anglais et en français, parus lors de la sortie des films et disponibles en bonus DVD-Rom sur chacun des films. Si les scénarios des films sont présents à chaque fois, les articles sont directement tirés du Daily News, le New York Times, Positif, L'Express, Variety, Vogue...
Comme pour le coffret Pionniers du cinéma indépendant américain, Carlotta accompagne les DVD d'un magnifique Portfolio exclusif de 36 pages intitulé "La Liberté de filmer (Voyage à travers le cinéma de Lionel Rogosin)".