Carlotta nous a toujours habitué à des copies parfaitement remastérisées. L'éditeur nous propose donc un transfert extrêmement soigné de Cria cuervos grâce auquel on retrouve les contrastes et couleurs d'époque et le grain si particulier de la pellicule. La palette colorimétrique restitue les diverses ambiances monochromes propres au film (les bruns, les marrons...). L'image signée Teodoro Escamilla privilégie les teintes froides et ternes qui prévalent dans le décor (la maison) et les beaux clairs-obscurs. La luminosité n'est pas pour autant oubliée et apporte un éclat supplémentaire au master.
L'éditeur nous propose deux pistes sonores d'époque remastérisées en mono 2.0. La piste espagnole est fort heureusement la plus réussie ne serait-ce qu'au niveau des dialogues, nettement plus clairs et moins étouffés qu'en français. Les bruits environnants comme les sons provenant de l'extérieur de la maison (la rue, les voitures...) sont soigneusement restitués sur les deux pistes. L'incontournable chanson Porque te vas qui revient comme un leitmotiv durant tout le film est quant à elle parfaitement saturée et vivante sur le mixage original et légèrement plus sourde en français.
La parole est donnée à Claude Murcia, professeur d'études cinématographiques et de littérature comparée à l'université de Paris 7 et d'origine espagnole. L'intervenante analyse en profondeur durant une bonne vingtaine de minutes les différents thèmes abordés par Carlos Saura dans le film. Cria cuervos atteint une dimension politique et historique dans le sens que le réalisateur a souhaité aborder les thèmes du franquisme et de la dictature espagnole. Son film, réalisé au milieu des années 70, empreinte le biais de la métaphore et des symboles pour évoquer ces thèmes qui étaient toujours susceptibles d'être censurés malgré la mort de Franco en 1975. Sont ensuite évoqués les différents personnages du film, centrés autour d'Ana, la petite fille (jouée par Ana Torrent) qui a perdu ses parents et qui voit la mort rôder partout autour d'elle. Chaque personnage, explique Claude Murcia, renvoit à un thème particulier. Ainsi par exemple le père, ancien militaire de carrière et décédé, renvoit directement aux sombres évènements qui ont secoués l'Espagne de ces années-là. Cet entretien constitue donc parfaitement une belle prolongation des thèmes sous-jacents au film.
Chez Carlos Saura (42min26)
Filmé en août 2007, Carlos Saura ouvre les portes du jardin de sa demeure madrilène pour un long entretien où de nombreux points sont évoqués. Il revient évidemment longuement sur Cria cuervos, l'idée de départ (explorer la relation des enfants avec les adultes) et les thèmes de la mort, de la mémoire, du souvenir qui planent sur le film. L'entretien rapporte des anecdotes en tout genre, des photos prises par Saura lui-même qui sont dans le film en passant par le lieu du tournage (la maison familiale du film se situait à l'époque en face de l'habitation de Carlos Saura), et le choix de la chanson Porque te vas. Le cinéaste parle ensuite de ses inspirations, de sa rencontre avec le producteur Elias Quereteja, du succès du film en France, suite à l'obtention du Prix Spécial du jury à Cannes, et dans le monde. Ce n'est qu'à la toute fin de l'interview qu'il évoque la période noire du franquisme mais le réalisateur ne s'attarde pas vraiment là-dessus. L'interview est intéressante et permet de se faire une idée plus précise du réalisateur toujours en activité et considéré comme l'un des cinéastes avant-gardistes de son époque.
Entretien avec Elias Quereteja (17min38)
Beaucoup de questions similaires à celles posées à Carlos Saura reviennent dans cet entretien, c'est donc pourquoi les propos d'Elias Quereteja peuvent paraitre parfois redondants. Egalement filmé en août dernier, cette figure indépendante du cinéma espagnol revient sur son expérience de producteur sur Cria cuervos ainsi que sur les difficultés de produire ce film à une époque où sévissait encore la dictature. Parmi ses grandes influences cinématographiques, il cite volontiers Le Voleur de bicyclette de Vittorio de Sica, une œuvre ayant bouleversé la vie de nombreux cinéastes (et notamment Scorsese...). Il n'est donc pas étonnant de s'apercevoir que la carrière d'Elias Quereteja est surtout jalonnée de films documentaires et d'œuvres s'apparentant plus au réalisme.
Pour compléter cette série d'entretiens, il aurait été intéressant d'avoir l'avis d'Ana Torrent qui interprétait la petite Ana dans le film d'autant plus que le zone 1 sorti cette année chez Criterion en propose un. Pour les curieux, la comédienne poursuit une belle carrière, on a pu la voir dans Vacas de Julio Medem ou Tesis d'Alejandro Amenabar.
L'intéractivité se clôt sur la bande-annonce d'époque (2min57, vostf), un teaser réalisé en 2007 (45 secondes), et la bande-annonce 2007 (1min14) du film. Vous retrouverez également une partie DVD-ROM comprenant un dossier pédagogique d'une quarantaine de pages sur Cria cuervos.