Test DVD : Danièle Huillet et Jean-Marie Straub – Volume 1
Le 24/01/2008 à 08:08
Par Yann Rutledge
Pour ce premier volume consacré au couple Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, les Editions Montparnasse éditent un coffret 3D comprenant pas moins de cinq de leurs films.
D'une grande exigence de par la nécessité pour le spectateur de posséder une culture littéraire et historique approfondie, mais aussi parce qu'il est essentiel de river son entière attention sur les films, le cinéma du couple Huillet-Straub reste pour beaucoup un cinéma radicalement hermétique et abscons. Un constat regrettable, leur filmographie comportant quelques morceaux de pellicule remarquablement inventifs.
Le premier DVD est consacré aux films inspirés des écrits de l'allemand Heinrich Böll. Nous y retrouvons ainsi Machorka-Muff et Non réconciliés ou Seule la violence aide là où la violence règne datant respectivement de 1962 et 1965.
Adaptation du Journal du général Erich von Teuf-Teufzim dans la capitale fédérale de Heinrich Böll, Machorka-Muff est le premier film des Huillet-Straub. Le film traitant du possible retour du nazisme dans l'Allemagne de l'après-guerre, le couple prévient d'emblée les spectateurs : Machorka-Muff est "un rêve symboliquement abstrait, pas une histoire". Si la logique narrative vous échappe un instant, ne vous tracassez pas.
Trois ans plus tard, c'est au tour des Deux sacrements du même Heinrich Böll d'être adapté par le couple de cinéastes avec Non réconciliés ou Seule la violence aide là où la violence règne. A l'instar de Machorka-Muff, Non réconciliés retrace comment l'Allemagne en arrive à oublier son lourd et douloureux passé nazi.
Les deux autres DVD sont quant à eux consacrés aux travaux du compositeur Arnold Schoenberg : l'un contient Du jour au lendemain (1996) accompagné de Introduction à la « Musique d'accompagnement pour une scène de film » d'Arnold Schoenberg (1972), tandis que l'autre comprend Moïse et Aaron (1974).
Pour l'adaptation de Moïse et Aaron, opéra inachevé d'Arnold Schoenberg (le troisième acte n'ayant jamais été composé), les Huillet-Straub s'essaient à un croisement entre l'opéra et le cinéma, le couple gardant le côté statique de l'opéra tout en sortant du carcan fermé qui lui est inhérent pour un décor en extérieur naturaliste. En résulte une oeuvre complexe parce que délibérément hybride.
On ne peut passer sous silence le formidable plan séquence d'ouverture : présentant tout d'abord Moïse de dos, la caméra opère un panoramique ascendant pour finalement cadrer le haut d'une montagne. En un simple mouvement de caméra, le couple Huillet-Straub vient de lier Moïse au ciel.
Pour Introduction à la « Musique d'accompagnement pour une scène de film » d'Arnold Schoenberg, les Huillet-Straub font ici appel à deux sources d'écrits différentes : d'une part, ils s'inspirent des lettres adressées par Arnold Schoenberg au peintre Wassily Kandinsky, et d'autre part ils reprennent le discours tenu par Bertold Brecht en 1935 lors du Congrès International des Intellectuels contre le Fascisme. Quatre mots nous sautent à la gorge dès l'ouverture : "Danger menaçant, peur, catastrophe". Plus que tout autre des films présents dans ce coffret, Introduction à... fait davantage office de film-montage, les mots ayant une importance supérieure aux images projetées. Le couple de cinéastes revient ici à la thématique de Machorka-Muff et de Non Réconciliés : l'Allemagne à la sortie du nazisme.
En ce qui concerne Du jour au lendemain, le couple Huillet-Straub s'attaque cette fois-ci à l'opéra en un acte d'Arnold Schoenberg, et met en scène ce qui semble être leur véritable autoportrait. Film léger (en regard des autres compris dans le coffret s'entend), Du jour au lendemain présente un couple de mariés qui tente de se rendre mutuellement jaloux au retour d'une soirée.
Il faut voir le face-à-face de fin avec l'autre couple qui était au début l'objet de toute leur jalousie mais qui finalement les insulte ("mais vous, vous êtes de pâles figures de théâtre" disent-ils) comme une véritable déclaration d'amour à leur art.
Le film se terminera sur leur réconciliation et sur ces quelques mots de leur enfant : "maman, qu'est-ce que c'est, des hommes modernes ?"
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