La Fondation Murnau a effectué un travail titanesque pour restaurer Faust. Rassembler toutes les copies éparpillées aux quatre coin du globe, réinsérer les plans initialement voulus par Murnau, mais aussi nettoyer la pellicule de ses nombreux débris et autres artefacts. Leur persévérance a porté ses fruits : le résultat est tout simplement somptueux. Jamais nous avions vu le film dans de telles conditions. La définition est au rendez-vous et l'image possède un très joli piqué. Le noir et blanc est sublime, les clair-obscurs voulus par Murnau parfaitement rendus. Enfin, la compression est d'un très bon niveau et permet aux plans souvent visuellement très riches de garder l'ensemble de leurs détails.
On ne le répétera jamais assez : les films à l'époque étaient toujours accompagnés musicalement, le plus souvent au piano. Il arrivait même parfois qu'un compositeur écrive une bande originale spécifique pour certains films (souvent de grosses productions ou des films tels que ceux de Chaplin). Murnau était l'un de ces cinéastes qui pouvaient imposer de travailler avec un compositeur.
Hélas, on est quelque peu déçu de ne pas avoir droit ici à la partition d'époque. Apparament celle-ci n'a été jouée qu'une seule fois, lors de la première du film, et doit être aujourd'hui perdue... On ne devra se contenter que de la partition composée par Javier Perez de Azpeitia, d'honnête facture, chaque séquence y étant honorablement mise en valeur.
MK2 nous offre en bonus un documentaire passionnant retraçant toutes les phases de production de Faust.
Ainsi, on apprendra comment Murnau choisissait ses acteurs ("grosse production" signifiait à cette époque "casting international"), le calvaire qu'il leur faisait endurer, en particulier à Camilla Horn son actrice principale, les difficiles relations qu'entretenait le cinéaste avec Carl Hoffmann, son chef opérateur, de quelles façons étaient tournés les effets spéciaux, etc. On y apprendra aussi que pour approvisionner un vaste réseau de distributeurs, la UFA avait besoin de nombreux négatifs du film. Pour cela, il fallait que chaque séquence soit tournée en plusieurs fois ou avec plusieurs caméras. En toute logique, les copies variaient beaucoup tant au niveau du jeu et du cadrage qu'au niveau du rythme et du montage.
De même, des scripts du film existaient aussi bien en allemand qu'en anglais car la UFA cherchait à conquérir les Etats-Unis. Les différentes versions étaient tournées à même sur le plateau. Chose étonnante, les meilleures prises étaient choisies par Murnau pour la copie américaine et non allemande, ce qui déplu à la UFA. Faust étant sa carte de visite pour émigrer à Hollywood, il fallait de toute évidence que la version qui allait y être projetée soit parfaite.
Pour couronner le tout, Murnau improvisait largement durant le tournage, c'est ainsi qu'il refaisait jouer inlassablement ses comédiens pour avoir la meilleure interpétation possible. On n'ose imaginer le nombre de kilomètres de pellicule utilisé durant le tournage... Quand on réalise le nombre de copies différentes qui ont été mise en circulation, on commence à avoir une petite idée de la quantité de travail qu'ont du fournir les restaurateurs de la Fondation Murnau.
Le documentaire revient aussi sur les différentes inspirations de Murnau pour quelques séquences de son film, estampes et dessins à l'appui. Seul (gros) bémol : le visuel du packaging. Ce n'est pas que nous trouvons moche le travail du graphiste, mais celui-ci ne colle absolument pas avec l'esprit du film de Murnau. Il aurait mieux fallu ou reprendre la magnifique affiche originale, ou demander à un artiste à l'univers très proche de Murnau tel que Joan Sfarr de s'occuper du visuel...