Pour le dernier film de Douglas Sirk édité par Carlotta on ne s'attendait pas à un résultat aussi resplendissant. Ce nouveau master restauré s'impose aisément comme l'un des plus beaux livrés par l'éditeur. Ce qui frappe d'emblée, mis à part le fantastique usage du Cinémascope, ce sont les contrastes sensationnels respectant la photo de Russell Metty. La profondeur de champ est admirable, Douglas Sirk jouant avec les perspectives durant tout le long métrage, une impression de relief venant même quelque fois effleurer les rétines notamment lors des séquences de manège. Le N&B est formidablement nuancé avec une large palette de gris, un blanc lumineux et des noirs abyssaux. Nous avions déjà parlé du problème provenant de la granulation émaillant le ciel sur tous les DVD des films de Douglas Sirk. Nous sommes heureux de dire que cet accroc a été corrigé, bien heureusement d'ailleurs puisque de nombreuses séquences mettent en valeur les courses aériennes. Les picotis n'existent pour ainsi dire plus même si une très légère granulation d'origine demeure. Il n'empêche que la copie est lisse, lumineuse et le rendu des textures est très réaliste. Les menus défauts ont tendance à apparaître au moment où les acteurs sont filmés devant une projection arrière simulant le vol de leurs avions (ex 22min30). En ce qui concerne les scènes nocturnes, elles sont en tous points hallucinantes de netteté et s'accordent de façon homogène avec les scènes ensoleillées. Le seul hic provient d'un défaut de pellicule à exactement 53min56, une petite saute d'image accompagnée de griffures mais c'est vraiment chipoter.
Cette fois le spectateur peut choisir entre les langues anglaise et française. La première est une grande déception en ce qui concerne le rendu des voix des comédiens. Chaque dialogue s'accompagne d'un grésillement parasite ressemblant à s'y méprendre à du sable qui s'écoulerait d'un tamis. Si les effets environnants sont plus naturels et plus incisifs qu'en version française, la déception est relativement de mise. La musique est plus claire et fluide dans le mixage original, la langue française se révélant plus sourde et doublée d'un sensible ronronnement. Cette dernière se montre plutôt axée sur les dialogues, propres et distincts, mais négligent quelque peu les ambiances diverses surtout au moment des courses aériennes. Chose rare la version française l'emporte haut la main sur son homologue anglaise en termes de dynamisme même si elle apparaît plus artificielle que la version originale.
DVD 1
A noter que les sérigraphie des DVD sont inversées sur notre exemplaire. Le DVD portant la motion Suppléments contient en fait le film et inversement.
Bande-annonce du film (vostf, 2min37)
DVD 2
La Ronde de l'aube par Bourget et Berthomieu (25min05)
Il en aura fallu du temps mais notre duo récurrent parvient enfin à instaurer un véritable dialogue. Une fois n'est pas coutume, les deux acolytes sont réunis afin d'analyser La Ronde de l'aube et plus particulièrement le jeu des acteurs. Selon eux, la comédienne Dorothy Malone est à part dans le cinéma de Douglas Sirk, ayant apporté une sensualité très explicite que les autres actrices n'avaient pas. Lauréate de l'Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour Ecrit sur du vent de Douglas Sirk, Dorothy Malone retrouve pour La Ronde de l'aube le même duo d'acteurs qui lui donnait la réplique l'année précédente. Réputée pour sa grande timidité et son côté pudique, l'actrice demeure encore aujourd'hui une des femmes les plus sensuelles du cinéma de Douglas Sirk qui n'hésitait pas à jouer avec la censure à de nombreuses reprises. Son personnage ainsi que ceux de Rock Hudson et de Robert Stack sont richement analysés dans leur représentation physique et psychologique. Cette discussion tourne autour d'un thème récurrent, celui de la sensualité qui émane de tous les personnages pourtant imparfaits.
Falkner / Sirk : La défaulknarisation de « Pylône » (24min55)
Marguerite Chabrol est maître de conférences en études cinématographiques à l'université Paris-X-Nanterre. Elle avait déjà participé aux suppléments des Tueurs de Robert Siodmak sorti également chez Carlotta. L'éditeur a de nouveau fait appel à ses connaissances afin de mettre en parallèle le roman de William Faulkner avec le film de Douglas Sirk, La Ronde de l'aube, qui en est l'adaptation. Dressant rapidement le portrait de l'écrivain, notre interlocutrice parle ensuite des thèmes de l'oeuvre qui ont intéressé Douglas Sirk. Même si Pylône, le titre du roman, n'est pas le plus caractéristique du travail de William Faulkner, il contient son lot de personnages héroïques et désabusés, de marginaux, de désenchantement et de grands espaces propices à la mise en scène de fabuleuses courses aériennes. On apprend que Douglas Sirk avait déjà pensé à adapter ce roman alors qu'il était encore en Allemagne. N'ayant pu le réaliser, ce projet lui était alors resté en tête. Le cinéaste a ensuite procédé à ce qu'il appelait alors la défaulknarisation du roman afin de se l'approprier tout en désirant respecter les personnages. Le but de Sirk était si possible d'améliorer la trame, la rendre plus linéaire que l'originale afin de proposer aux spectateurs une meilleure lisibilité. Marguerite Chabrol met ensuite en évidence l'utilisation du scope ainsi que la richesse des arrière-plans plongeant les comédiens dans l'inéluctabilité de leur situation.
Le Cercle infernal (28min29)
La parole est donnée à Bill Krohn, correspondant des Cahiers du Cinéma à Los Angeles qui évoque sa rencontre avec Douglas Sirk à l'occasion d'une interview réalisée en 1980 tout en livrant une analyse détaillée du film La Ronde de l'aube. Bill Krohn détaille les quelques propos entretenus avec le cinéaste à qui il demandait ce qu'il pensait du film Hitler, un film d'Allemagne, réalisé par Hans-Jurgen Syberberg en 1977, et qui faisait alors scandale un peu partout dans le monde. Concernant La Ronde de l'aube, une étude approfondie est faite sur les personnages et sur le jeu d'acteurs du trio que Douglas Sirk reprenait à l'identique après Ecrit sur du vent. Dans la dernière partie, Bill Krohn confronte la forme avec le fond du film qu'il illustre en lisant un article écrit par Luc Moullet dans Les Cahiers du Cinéma de l'époque. Les dernières images montrent quelques photos issues d'un court-métrage réalisé par Douglas Sirk en 1978, Bourbon Street Blues, mettant en scène Rainer Werner Fassbinder. Ce sera par ailleurs le dernier film de Douglas Sirk qu'on attend de pied ferme dans une possible prochaine salve lui étant consacrée. Carlotta si vous nous entendez...
Parlons du spectacle (18min13)
Bien qu'ayant un rôle très réduit dans La Ronde de l'aube, le comédien William Schallert est au centre de ce segment. Il revient sur l'ensemble de sa carrière, ses rôles chez John Huston ou Max Ophüls tout en s'attardant sur son apparition aux côtés de Rock Hudson dans ce film ainsi que dans Ecrit sur du vent.
Jouer pour Douglas Sirk (22min27)
Le documentaire n'a été diffusé qu'une seule et unique fois le 29 avril 1980 sur la chaîne allemande ZDF. Douglas Sirk, Rock Hudson, Robert Stack, Dorothy Malone, le producteur Albert Zugsmith se remémorent le tournage d'Ecrit sur du vent et La Ronde de l'aube. La réalisatrice américaine Allison Anders intervient au début de ce reportage ainsi qu'à mi-temps afin de donner également son avis sur ces deux films et le jeu des comédiens. Pour elle si le cinéaste a repris le même trio d'acteurs dans les deux films c'est pour mieux explorer une nouvelle équation proposée par ces trois interprètes, un triangle amoureux vu différemment. Les comédiens abordent la direction d'acteurs de Douglas Sirk, Rock Hudson s'attardant évidemment sur leurs neuf collaborations qui se sont étalées de 1952 à 1958, La Ronde de l'aube marquant leur ultime association. Le cinéaste apparaît également pour faire l'éloge de Rock Hudson qu'il a découvert par hasard et qui a fait de lui un acteur reconnu.