Le blasé accueillera dans un premier temps avec une certaine réserve cette nouvelle édition, Le Cuirassé Potemkine ayant été édité et réédité, avec parfois peu de scrupules, par nombres d'éditeurs. Une nouvelle édition parmi tant d'autres, serait-il amené à dire. Sauf que la version éditée en DVD par MK2 est celle reconstituée par la Cinémathèque allemande en 2005, soit la restauration du montage originel de 1926, et non les différents remontages faisant suite à la Censure, ni même la restauration soviétique, entreprise il y a une trentaine d'années et que l'on pensait déjà définitive. Le Cuirassé Potemkine réapparaît donc aujourd'hui dans une version fidèle aux désirs d'Eisenstein, voyant ainsi la réintégration d'une quinzaine de plans que l'on pensait perdus à jamais, dont les plans présentant la colorisation en rouge du drapeau révolutionnaire lorsque celui-ci est hissé suite à la mutinerie.
Effectué à partir d'un simple contretype (copie positive faite à partir du double d'un négatif), le master de départ de cette édition est certes non exempt de rayures (ce qui est normal pour un film de cet âge), mais ne s'avère jamais entâché d'une quelconque poussière. On notera aussi avec plaisir la présence prononcée sans être trop appuyée du grain de pellicule, et des contrastes parfaitement bien gérés. La photographie d'Eduard Tisse retrouve enfin son éclat ! Du côté des mauvaises notes du tranfert, on regrettera comme d'habitude avec MK2 Editions une image manquant légérement de précision. Dommage, un tel master chimique aurait réellement mérité un transfert plus précis.
A l'instar de l'édition de Kino Video, l'éditeur français propose Sur les traces du Cuirassé Potemkine, un module allemand d'une quarantaine de minutes sur la restauration de ce chef d'oeuvre révolutionnaire, dans lequel Naum Kleeman, Historien du cinéma et spécialiste d'Eisenstein, et Enno Palatas, à qui l'on doit la restauration de 2005, reviennent sur les tribulations rencontrées par le film entre Moscou et Berlin et sur les différentes versions (sonores, censurées, restaurées...) exploitées depuis près de 80 ans. Naum Kleeman y explique par la même occasion comment a été réalisée la restauration de ce chef d'oeuvre, sans l'aide des autorités russes qui refusaient de prêter l'une de leurs copies du film et qui crient au scandale aujourd'hui, clamant que la restauration a été effectuée électroniquement, ce que Kleeman réfute totalement.
Autre supplément, non présent chez Kino, lui, Naissance d'un cinéma révolutionnaire, documentaire complet d'une vingtaine de minutes dans lequel Luc Lagier revient sur les événements historiques qui ont servi de base au film (la Révolution de 1917), les débuts de Eisenstein (comme chef décorateur au théâtre puis ses premiers pas derrière la caméra), la conception du film, sans oublier les théories cinématographiques du cinéaste.