Difficile de juger l'image d'un film essentiellement dirigé par l'Automavision. Grâce à ce procédé unique en son genre dont Lars Von Trier est le premier utilisateur, les acteurs sont filmés par le biais d'angles de prises de vue complètement différents, s'alternant de façon arbitraire par un ordinateur, relié à la caméra, qui choisit tout, du cadre à la lumière. Par conséquent les couleurs changent constamment, avec une dominance de teintes légèrement bleutées dans les nombreuses scènes de bureau. Le Direktor prend donc le contrepied des films précédents de Lars Von Trier essentiellement tournés caméra à l'épaule, le plus souvent dans une image brinquebalante, pas vraiment nette (effet voulu de la part du réalisateur) et relativement déplaisante (Breaking the waves). Ici se succèdent un nombre incalculable de plans fixes dans un montage rapide et hâché. Les sujets filmés sont d'une rare précision (les visages comme les arrière-plans) et les contrastes appuyés. La palette colorimétrique est quant à elle assez homogène mais plutôt bien représentée.
A travers une prise de son alternative, qui comme pour l'image est dirigée par l'ordinateur, il n'est pas étonnant que la piste originale passe d'une tonalité à l'autre. Dans Le Direktor, ce sont avant tout les dialogues qui priment sur le reste, demeurant tout du long très perceptibles. Le mixage français 2.0 mono ressemble à son homologue danoise, le bruit des actions en moins. Au demeurant signalons que le doublage français est plutôt bien fait et agréable à entendre, cela étant suffisamment rare pour être signalé.
Si vous pensez en savoir plus sur la préparation des comédiens et ou la façon dont Lars Von Trier les dirige, vous pouvez passer votre chemin. On retrouve certes tous les comédiens danois principaux interviewés par un « journaliste » qui leur pose de fausses-vraies questions (Tu as déjà joué avec un singe ?) mais pendant plus de 20 minutes ça tourne rapidement en rond et le second degré devient lourdingue. Alors bien évidemment on est loin d'être dans les entretiens promotionnels récurrents... Certains se tirent la couverture, on assiste à une scène de ménage entre les acteurs Casper Christensen et Iben Hjejle, on critique Lars Von Trier et son concept l'Automavision (« on est tout un tas d'acteurs et il préfère filmer un rouleau de sopalin »), et nous spectateurs baillons.
Interview de Lars Von Trier (6min17)
Voilà un véritable entretien (en anglais) un peu plus complet mais malheureusement trop court. Lars Von Trier rabâche déjà tout ce qu'on a pu entendre sur l'Automavision et semble avoir peu de choses à dire sur son film. Son envie première était de réaliser une oeuvre toute simple et sans prétention (en apparence car le cinéaste ne cache pas que Le Direktor était tout aussi difficile à faire que ses autres longs métrages). Les images de tournage foisonnent (au zoo, le reflet du réalisateur dans le plan d'exposition) et Von Trier se défend quand on lui dit que Le Direktor paraît bâclé par rapport à ses films précédents. « Le Direktor est tout le contraire d'un film bâclé mais ce n'est pas un film si réfléchi. ». Enfin, le réalisateur lâche un peu de lest en avouant ses références en matière de comédie : The Shop around the Corner (Lubitsch) et surtout The Philadelphia Story (Cukor). Comme pour Le Direktor, on en attendait un peu plus...
Automavision (5min49)
Voilà le seul véritable supplément digne de ce nom où Lars Von Trier et son responsable technique expliquent via des images de tournage et des graphiques, le procédé et les règles de l'Automavision. Inventé en réaction à la caméra à l'épaule (images de tournage de Manderlay), l'Automavision est une caméra reliée à un ordinateur qui choisit de façon aléatoire les prises de vues, le cadre, le panoramique, le travelling, une plongée, une contre-plongée, l'exposition (quantité de lumière) et la longueur focale. Von Trier s'en défend : « Le cadre n'a rien à voir avec la logique ». Bien évidemment, le cinéaste a d'abord instauré quelques limites techniques pour éviter les mouvements de caméra trop aléatoires tout en lui permettant de ne pas tout contrôler. Les acteurs étaient souvent déstabilisés par ce nouveau concept. Lors de la préparation du film, Von Trier avait même pensé à cacher les caméras pour éviter aux acteurs, conscients des sujets qui allaient être filmés, de leur donner quelques points de repères quant à l'angle « probable » de prise de vue. Un procédé qui va probablement disparaître aussi vite qu'il a été créé...
Interview des acteurs islandais et français (5min39)
On retrouve le même « journaliste » posant cette fois-ci des questions aux acteurs islandais Fridrik Thor Fridriksson et Benedikt Erlingsson (« Etes-vous au Danemark pour apprendre à faire des films ? ») mais également (en anglais) à Jean-Marc Barr (Qu'y a t-il de commun entre le Grand Bleu et votre rôle quasi muet dans Le Direktor ?). La blague étant plus courte, elle passe mieux que les 20 minutes précédentes d'entretien ronronnantes.
Bandes-annonces
Le Direktor (1min23 - vost), Breaking the waves (1min59 - vost), Dancer in the Dark (2min09 - vf), Dogville (2min04 - vost), Les Idiots (1min47 - vost).