Quoi de mieux que de redécouvrir les films hollywoodiens de Douglas Sirk dans des copies entièrement remastérisées. En effet, si le réalisateur apportait déjà un soin tout particulier aux couleurs et à la photographie de ses films, il va sans dire qu'aujourd'hui, grâce à cette splendide restauration dont bénéficie Le Secret magnifique, le film profite doublement de cette cure de jouvence. L'attention apportée à chaque détail de l'image est à couper le souffle. Le Technicolor suggère une palette de couleurs large ne saturant jamais et qui au contraire souligne la beauté d'un paysage (Sirk filme beaucoup en extérieurs), d'un objet ou d'un vêtement porté par Rock Hudson ou Jane Wyman. La définition est irréprochable et la compression idéale. Jugez plutôt par vous-même avec cette poignée de captures.
On se serait contenté de la piste originale mono 2.0 mais pour les réticents aux sous-titres, ce doublage est parfaitement convaincant et on le conseillerait vivement s'il n'y avait pas ce craquement de la bande-son et un souffle permanent qui gênent la bonne entente du film. La piste anglaise n'échappe pas à un léger grésillement des dialogues mais dans son ensemble celle-ci parvient à être dynamique et vivante. N'oublions pas l'enveloppante partition mélodramatique de Franck Skinner d'une belle amplitude.
DVD 1
Dans la partie suppléments, le premier disque propose la bande-annonce d'époque (2min22, vostf) en Technicolor.
DVD 2
Eclats du mélodrame : à travers le miroir (31min46)
Jean-Loup Bourget, professeur à l'école normale supérieure et historien du cinéma, s'entretient avec Pierre Berthomieu, spécialiste du cinéma hollywoodien. Le premier, visiblement grand amateur de l'œuvre de Douglas Sirk, replace Le Secret magnifique dans le contexte de l'époque en suggérant que Sirk n'était pas à l'origine du projet de faire un remake du film de 1935 réalisé par John M. Stahl. Le studio Universal souhaitait réunir pour cette nouvelle version du roman de Lloyd C. Douglas deux stars du moment, Jane Wyman et Rock Hudson. Surfant sur le succès commercial et populaire du film, le studio, le réalisateur et les acteurs se retrouvèrent l'année suivante sur Tout ce que le ciel permet. Si ces deux films étaient avant tout à l'initiative du studio, Jean-Loup Bourget évoque les projets plus personnels de Sirk, voire légèrement autobiographiques comme Le Temps d'aimer et le temps de mourir. Est ensuite évoquée l'image préfabriquée de Rock Hudson par Universal dont chacun sait qu'il cachait son homosexualité. Le studio alla même jusqu'à le marier afin de préserver sa véritable identité sexuelle au public ! D'autres points enfin sont abordés comme l'aspect mélodramatique de ses films et la constante chez Sirk de filmer les acteurs à travers un miroir (Fassbinder a d'ailleurs repris ce procédé dans nombre de ses films).
Plus qu'intéressant, cet entretien permet de se faire une idée plus précise des thématiques de l'œuvre hollywoodienne de Douglas Sirk (qui retournera en Europe à la fin de sa vie pour réaliser quelques courts-métrages).
Le Secret magnifique par Philippe Le Guay (8min52)
Réalisateur et scénariste du Coût de la vie (2003) et de Du jour au lendemain (2006) avec Benoît Poelvoorde, il est étonnant de retrouver dans ce deuxième entretien Philippe Le Guay. Il s'avère en fait que le réalisateur apprécie particulièrement le travail de Sirk et en connait parfaitement son œuvre, du moins son Secret magnifique. Il nous livre une analyse pertinante du film et se penche sur les thèmes de l'aveuglement à la fois du personnage de Rock Hudson et de celui de Jane Wyman réellement atteinte de cécité, sur le personnage du peintre Edward Randolph (joué par Otto Kruger) représentant l'élément mystique du film. Philippe Le Guay souligne également l'élégance photographique du film et l'importance de la couleur chez Sirk.
Aucunement redondant avec le supplément précédent, cet entretien apporte une vision supplémentaire au film de Douglas Sirk.
Le Secret magnifique réalisé par John M. Stahl (1935)
En complément de programme, Carlotta nous propose de découvrir le film original dont est tiré celui de Douglas Sirk. L'unique master proposé est malgré les nombreux défauts inhérents à l'ancienneté du film, de bonne qualité. On retrouve dans le remake beaucoup de scènes identiques mais réactualisées en fonction de l'époque (au début du film par exemple le personnage d'Helen Philips conduit Joyce jusqu'à la maison en voiture alors que dans le film original les deux femmes ont un chauffeur). Le film original pèche malgré tout par un manque de rythme (la première demi-heure a du mal à démarrer) et l'histoire a tendance à être trop vite survolée. On se retrouve donc avec des personnages moins bien développés que dans la version de Sirk, qui est surtout axée sur la complexité des personnages et leur psychologie. Néanmoins Le Secret magnifique de 1935 est un beau film qui ne devance jamais la richesse et la somptuosité du film de Sirk.