Le Temps d'aimer et le temps de mourir bénéficie d'une définition subtile et dans son ensemble très réussie. La luminosité est ici traitée différemment que dans les films précédents de Douglas Sirk traités dans nos colonnes. Il s'agit cette fois-ci d'un film de guerre où les teintes gris-bleu prédominent. Signalons quelques soucis d'étalonnage et d'équilibrage des couleurs notamment visibles sur les uniformes des soldats qui passent du vert au gris (mais seulement à de rares moments du film). Autrement, le soin apporté à la restauration du film, qui va bientôt fêter ses 50 bougies, est une fois de plus respectueux et infaillible.
Le traitement sonore est ici plus décevant que sur les autres films du coffret Douglas Sirk et les pistes anglaise et française encodées en Dolby Mono 2.0 sont les moins réussies en terme d'ampleur et de dynamisme. Le problème se situe au niveau des parasites sonores comme ce gros souffle désagréable présent sur le mixage français et plus léger sur la piste originale. Les dialogues manquent de vivacité sur les deux pistes et la musique est assez criarde en français. L'ampleur sonore n'est pas terrible et il faut à tout pris éviter d'écouter le film dans la langue de Molière tant cela grésille de partout. Préférez donc la piste mono anglaise qui s'en sort bien mieux que son homologue.
DVD 1
On retrouve sur ce premier disque la bande-annonce du film (2min39) en vostf.
DVD 2
Mirage de la vie : portrait de Douglas Sirk (48min51)
Filmé près de Lugano en Suisse dans son appartement (le documentaire sera diffusé sur la TSR le 27 février 1984), Douglas Sirk, plus de quatre-vingt ans passés, se remémore de nombreux souvenirs notamment liés à son exil américain. Ce n'est pas tant la forme du documentaire qui nous intéresse ici (qui passe d'une voix-off assomante à des sous-titres incomplets...), mais le fond, les propos d'un bonhomme âgé qui ne revient pas sur sa gloire passée mais plutôt sur son cheminement personnel, de sa fuite, avec sa seconde femme, de l'Allemagne nazie la nuit de Noël 1936, à son arrivée aux Etats-Unis où il a fallu repartir de zéro. Comme le souligne son épouse qui intervient également dans le documentaire, s'il était resté dans son pays il n'aurait sans doute pas échappé aux camps de concentration. En arrivant sur le sol américain, Douglas Sirk, de son vrai patronyme Hans Detlef Sierck, n'avait aucune perspective et le couple s'employa même à élever des poules ! La seconde partie du documentaire se focalise davantage sur ses films, leur aspect formel et stylistique, et les personnages de son univers qui ne sont pas tous foncièrement moraux. Le documentaire s'achève sur une image émouvante de Douglas Sirk clignant des yeux et soulignant la cécité du bonhomme, qui l'a contraint à abandonner le cinéma.
Des larmes et de la vitesse (11min58), d'après un texte de Jean-Luc Godard
Paru dans Les Cahiers du cinéma n°94 en date d'avril 1959, cette lettre écrite des mains du réalisateur suisse alors débutant montre toute l'admiration qu'il voue à Douglas Sirk et à son film Le Temps d'aimer et le temps de mourir. Il le compare au roman de Raymond Radiguet, Le Diable au corps, et insiste sur l'histoire d'amour qui apporte au film une dimension unique.
Conversation avec Douglas Sirk (14min50)
Paru aux Editions des Cahiers du cinéma en 1997, les Conversations avec Douglas Sirk par Jon Halliday constituent un rare et précieux témoignage du cinéaste de son vivant. Ce module reprend quelques passages du livre et revient notamment sur l'un des moments les plus dramatiques de son existence, la mort de son fils sur le front russe survenue en 1944. Sirk était hanté par sa disparition et le film s'en inspire. Bien que Le Temps d'aimer et le temps de mourir soit un film de guerre, la dénonciation du nazisme ne devait jamais céder le pas à l'histoire d'amour entre ces deux amants plongés dans les circonstances extrêmes de la guerre. Ce supplément est de loin le plus intéressant puisqu'il se penche en profondeur sur le film. On apprend par exemple que Paul Newman était fortement envisagé pour tenir le rôle du soldat allemand Ernst Graeber mais que c'est finalement John Gavin qui fut engagé, son côté dilletante seyant bien au personnage, et que l'article flatteur de Jean-Luc Godard dont on a parlé un peu plus haut, a beaucoup encouragé Sirk.
Assis dans le noir (18min39)
Le scénariste, réalisateur et producteur américain Wesley Strick (auteur de scénarios aussi variés que Les Nerfs à vifs de Martin Scorsese et Wolf de Mike Nichols) témoigne de son admiration pour Sirk et de la façon dont il est parvenu à s'approprier une culture, la culture américaine, qui n'était pas la sienne. Il évoque ensuite les disciples de Sirk et notamment Todd Haynes, qui s'est beaucoup inspiré de son style.