Alors que Les Amants de Salzbourg est le seul film en couleurs de la nouvelle salve consacrée au cinéaste allemand, le transfert déçoit par de sensibles mais perfectibles problèmes de définition. Le côté carte-postale voulu par Douglas Sirk repose sur l'utilisation du Technicolor où domine une gamme disparate de vert et de bleu pastel. Le cinémascope aidant, la profondeur de champ est très estimable mais les fourmillements altèrent l'ensemble. Un grain infime se fait constant tandis que les contrastes auraient gagné à être moins accentués lors des prises de vue extérieures. La copie est très propre mais alors d'où provient l'accroc central de cette édition ? Le problème se présente à la quatorzième minute où les personnages déambulent dans la maison. L'héroïne est vêtue d'une robe blanche qui semble auréolée d'un voile mauve du plus mauvais effet.
Voir les captures ci-dessous :
Il en va de même par la suite où l'ennui se renouvelle avec les sources lumineuses et tous les autres costumes de couleur blanche. Prenez la scène du premier concert et observez les costumes des spectateurs ainsi que les lampes au plafond. Un déséquilibre de la palette chromatique qu'il aurait été judicieux d'assainir. Ce fâcheux incident se dissipe notablement par la suite et la vision du film ne s'en trouve plus ou peu affectée.
Les voix des comédiens semblent parfois manquer de vitalité mais la musique omniprésente n'est pas dénuée de dynamisme et exploite au maximum les possibilités d'une piste mono 1.0. Un souffle tenace perturbe moyennement l'ensemble (il se fait plus présent durant les scènes de l'orage à la 45ème min) mais parvient à se faire oublier au moment des envolées enthousiastes de l'orchestre durant les répétitions et du concert proprement dit.
DVD 1
Le premier disque présente la bande-annonce du film (vostf, 2min12).
DVD 2
Les Amants de Salzbourg par Bourget et Berthomieu (23min01)
A l'instar de tous les autres DVD du coffret, les deux complices Jean-Loup Bourget et Pierre Berthomieu conversent autour du film Les Amants de Salzbourg. Il faut dire que l'exercice est cette fois plus convaincant que sur le DVD de Demain est un autre jour. Chacun s'exprime sur les différences fondamentales existant entre le film de Douglas Sirk et Veillée d'amour réalisé par John M. Stahl dont le film de Sirk en est le remake. C'est par ailleurs la seconde fois que le cinéaste allemand adapte l'oeuvre du réalisateur américain, qu'il s'appropriera à nouveau pour Mirage de la vie en 1959. Le fond et la forme des Amants de Salzbourg sont abordés longuement avec un œil acéré. L'utilisation des décors est analysée, la musique passée au peigne fin, le cadre et l'emploi du format 2.35 examinés. Tout deux en viennent ensuite au casting et tombent d'accord sur le manque de charisme flagrant de l'actrice principale June Allyson et déclarent préférer Marianne Cox dont le personnage est soigneusement décrit. Pierre Berthomieu clôt cet entretien en se souvenant avoir écrit à l'époque de la sortie du film que c'était un ratage dans la carrière de Douglas Sirk mais qu'il serait moins dur aujourd'hui en le qualifiant même de « beau film ».
Meurs et deviens, une analyse de Jean Douchet (24min26)
Dommage que l'éminent cinéaste, critique et historien du cinéma n'apparaisse pas afin de parler directement du sujet concerné à savoir l'adaptation du romantisme allemand réalisée par Douglas Sirk à Hollywood. Largement illustrée par les images de tous les films du cinéaste édités chez Carlotta, cette analyse, mise en voix par Bruno Pavot, épluche chaque faits et gestes, jeux de lumières ou de miroirs, déplacements dans le cadre des personnages, utilisation du cadre et/ou de la musique, avec une érudition communicative. Les récurrences thématiques telles que la recherche du bonheur, le désir individuel contrarié par le collectif sont finement dépeintes avec une adulation non feinte. Quelques séquences des films les plus célèbres de Douglas Sirk illustrent cet exposé comme la scène du concert dans Les Amants de Salzbourg (utilisation du cadre) et All I desire (emploi du décor).
Au-delà du mélodrame (13min18)
La réalisatrice américaine Kathryn Bigelow exprime dans ce sympathique module toute son adoration pour Douglas Sirk. Le cinéma de ce dernier et celui de Rainer Werner Fassbinder ont eu une grande influence sur son propre travail notamment sur son premier film The Loveless, vibrant hommage à Ecrit sur du vent, le film de Douglas Sirk qui lui a fait aimer le cinéma. Elle se remémore ses deux rencontres avec le cinéaste, la première lors de l'avant-première mondiale de son premier long métrage, et la seconde pour un entretien paru dans un journal. Kathryn Bigelow décrit ensuite les conseils prodigués par le maître en personne, la façon dont elle a disséqué et analysé tous ses films tout au long de son parcours, une « source d'inspiration inépuisable » selon ses dires.
Veillée d'amour (1939 - N&B - 89min - vostf)
Comme pour Le Secret magnifique et Mirage de la vie, Les Amants de Salzbourg est en réalité le remake d'un film réalisé par John M. Stahl avec Irène Dunne et Charles Boyer. Comme nous l'indiquions dans l'introduction, notre préférence se porte sur cette version originale où le couple vedette écrase celui du film de Douglas Sirk en ce qui concerne la complémentarité, le charisme et tout simplement le talent. Malgré de nombreuses scories présentes dans le générique d'ouverture, la copie du film se révèle très propre bien que des points et des griffures subsistent quelque peu. Veillée d'amour n'a à coups sûrs pas subi le même traitement de faveur que le film de Douglas Sirk, notamment concernant les contrastes, mais le master apparaît lisse. Bien que la piste sonore s'accompagne de craquements, la musique est suffisamment dynamique en dépit de saturations récurrentes.