Nous trouvons tout d'abord deux entretiens, l'un avec Narciso Ibanez Serrador (9 min) et l'autre avec le directeur de la photographie du film José Luis Alcaine (16 min). Dans le premier commentaire, le cinéaste avoue qu'il ne reste que peu de choses du roman de Juan José Plans dans le film (dans le roman par exemple c'est la chute d'une poudre jaune du ciel qui pousse les enfants de l'île à être aussi violent), que l'écriture du scénario fut très rapide, pas plus de 4 jours et 4 nuits, et qu'il préfère Evelyn, le personnage tenu par Prunella Ransome, à Tom, campé par Lewis Fiander, Chicho Serrador ayant même initialement envisagé de recruter pour ce personnage Anthony Hopkins.
De son côté, José Luis Alcaine révèle que la première chose que lui a demandé Narciso Ibanez Serrador est que la lumière soit à mille lieues des ambiances expressionnistes habituelles des films d'horreurs : il fallait que la photo soit celle d'un film normal, que les événements du film soient crédibles aux yeux des spectateurs. Il dévoile que le film n'a pas été tourné sur une seule et même île mais à différents endroits (à Minorque, Madrid, Stiges et Tolède).
Wild Side et Fenêtre sur Prod (qui s'occupe de tous les bonus des éditions Wild Side) ont pour le module intitulé Serrador vu par… recueilli auprès de la relève du cinéma fantastique espagnols (Guillermo del Toro, les réalisateurs Juan Antonio Bayona, Jaume Balagueró & Paco Plaza) leurs souvenirs des films de Narciso Ibanez Serrador avant de leur demander dans quelle mesure le cinéaste les a influencés. En France, on ne le sait pas, mais le réalisateur de La Résidence est une "icône de culture espagnole", tout le cinéma déviant classique ayant été programmé par Chicho dans une de ses émissions hebdomadaires.
Guillermo del Toro, Juan Antonio Bayona, Jaume Balagueró et Paco Plaza
Guillermo del Toro déclare à propos de La Résidence : "D'une certaine façon, il est proche de Terrence Fisher, dans le fait que la mise en scène de leurs films est très élégante, leurs décors sont superbes, et la direction artistique très soignée." Paco Plaza l'approuve : "il y a un érotisme quasi victorien, comme dans les romans gothiques". Ce qui fascine finalement Jaume Balagueró c'est que Narciso Ibanez Serrador "utilise ce classicisme et cet académisme pour façonner, sans pudeur, un cinéma pervers". Passionnant, ce portrait permet de réaliser à celui qui en doutait encore aujourd'hui que, sans Narciso Ibanez Serrador, il y aurait eu peu de chance que le cinéma fantastique espagnol devienne ce qu'il est aujourd'hui.
Dans le dernier module au titre explicite L'histoire du cinéma fantastique espagnol, Emmanuel Vincenot revient sur les figures importantes de ce genre mal-aimé par les institutions très catholiques. Mais pour l'historien, c'est bel et bien cette culture catholique qui a engendré le fantastique espagnol. Dès les débuts du cinéma, le fantastique existait en Espagne, comme en témoignent les films de Segundo de Chomón, le Méliès espagnol. Mais c'est surtout pendant les années 60 qu'ont jailli des envies de cinéma différent, tel La Marca del Hombre-lobo de Enrique López Eguiluz, écrit et interprété par le célèbre Paul Naschy : le film fut "un détonateur de l'éclosion du cinéma fantastique", "une réponse à une certaine tradition du cinéma franquiste". Une des pierres angulaires du cinéma fantastique transpyrénéen fut aussi en 1971 la sortie de El Bosque del lobo de Pedro Olea, histoire de loup-garou se déroulant (ô sacrilège !) sur les terres espagnoles : dès lors tout film un tantinet fantastique produit en Espagne se déroulera hors des frontières pour ne pas courroucer le pouvoir.
Après les années 80, vache maigre du cinéma espagnol, celui-ci a repris du poil de la bête (on a eu la preuve dans les salles obscures ces derniers mois) même s'il a aujourd'hui tendance à dissimuler les "signes d'hispanité", "les films se présentant comme des productions internationales, si ce n'est américaines."
Le module est entrecoupé d'interviews complémentaires avec des réalisateurs comme Jorge Grau, Jess Franco ou Paul Naschy, ce dernier résumant parfaitement à notre sens ce qu'étaient les films fantastiques des années 70 : "Ces films étaient le fruit d'un contexte social, politique et religieux, c'est certain. Le cinéma fantastique était à l'état sauvage. Il était moins financé, protégé, mais il était libre. On faisait comme bon nous chantait. De fait, d'une certaine manière, on peut voir les complexes sexuels de l'époque, les complexes religieux et beaucoup d'autres choses dans ces films. Tout était interdit. Il fallait suivre un chemin balisé. Mais une chose est sûre : l'Espagne a moins évolué qu'on ne le croit. Il ya toujours en Espagne cette espèce de corset moral qui vient de l'Inquisition. En chaque Espagnol sommeille un inquisiteur, et cela est mal."
Cette édition double DVD est complétée par une galerie de photos, des filmographies et des liens internet.