Antebellum : ce n’est pas ce que vous croyez - critique sans spoiler
Le 10/09/2020 à 09:39Par Pierre Champleboux
Antebellum commence comme un étrange remake de 12 years a Slave. Au cours des trente premières minutes du film, on suit la dure vie de quelques esclaves noirs malmenés par des soldats confédérés qui aiment à entonner des chants nazis. Sévices, tortures, exécutions sommaires : rien ne nous est épargné. On suit principalement Eden, une esclave en qui ses congénères semblent nourrir de grands espoirs.
Et puis brusquement, le film bascule dans le présent. Eden est devenue Véronica : une intellectuelle féministe et végan qui écrit des livres engagés et donne des conférences prônant l’émancipation de la femme et l’éradication du patriarcat. Quel est le lien entre ces deux histoires ? Véronica est-elle la réincarnation d’Eden ? Sont elles liées par le sang ? Véronica a-t-elle le pouvoir de vivre une vie parallèle dans ses rêves ?
Si nous nous garderons bien de déflorer ce mystère, nous nous contenterons de préciser que la clé de l’énigme est bien moins surprenante que l’imaginent ceux qui aiment les histoires complexes à la Tenet. Au final, le suspens du film réside uniquement dans une simple astuce de montage, ici judicieusement employée.
Un scénario somme toute très simple qui risque d’en décevoir quelques uns, mais qui n’a pas d’autre but que de noyer le poisson et de ne pas révéler tous ces mystères dès le début.
Adoptant délibérément un rythme lent, Antebellum souffre de quelques longueurs. Les trente minutes de la première partie se déroulent sans que l’on sache réellement où va l’histoire, et trop peu d’indices sont donnés aux spectateurs pour que leur intérêt soit alors éveillé.
Mais dès le second tiers le rythme s’accélère, notre curiosité est piquée, et lorsqu’on bascule dans le dernier acte, l’habile transition utilisée nous permet en un clin d’œil de réaliser la clé du mystère. Et une fois le nœud de l’intrigue démélé, on peut alors pleinement profiter d’un enchaînement de scènes brutales et jouissives qui tiennent en haleine jusqu’à la dernière séquence.
En définitive, le scénario faussement alambiqué est en fait celui d’une série B somme toute assez classique : une gentille va décider de cesser de subir la violence des méchants pour passer à l’action et leur faire payer le mal qu’ils lui ont fait. Une histoire déjà vue plusieurs fois qui vaut surtout pour sa mise en scène efficace, et qui prend le risque de décevoir ceux qui s’attendaient à quelque-chose de plus complexe.
En sous-texte, un discours sur le racisme qui en mettant en parrallèle deux époques tente d’expliquer maladroitement que le mal est toujours présent. Côté interprétation, si l’héroïne(s) jouée(s) par Janelle Monáe est excellente et que le personnage campé par la Gabourey Sidibe de Precious offre quelques pauses humoristiques bienvenues, on est extrêmement embarassé par les méchants dont l’acting caricatural laisse souvent à désirer, un défaut particulièrement flagrant chez le personnage interprété par Jena Melone (vue dans Hunger Games et The Neon Demon) qui semble cabotiner comme jamais.
Malgré ses petits défauts, Antebellum reste un divertissement de qualité dont l’efficacité rappele celle des meilleures productions Blumhouse.
Avec ses plans magnifiquement éclairés, ses images soignées et sa direction artistique le faisant (presque) ressembler à un film de Jordan Peele, Antebellum est un film pop corn qui sort des sentiers battus en refusant d’adopter une narration trop calibrée.